Moyen-Orient

L’impasse stratégiqu­e du « mouvement öcalanien » en Syrie

- Patrick Haenni

Avec les batailles dans la région de Hajin en décembre 2018, la guerre contre le projet territoria­l de l’organisati­on de l’état islamique (EI) se clôt. Une page se tourne et, avec elle, la valeur ajoutée du mouvement öcalanien (2) chute. Celui-ci entre en mode survie. Il lui faut désormais sécuriser ses acquis, c’est-à-dire éviter une possible confrontat­ion armée lorsque le parapluie américain se retirera. Face à une armée avec une aviation, les mornes plaines du nord-est sont intenables pour une force militaire milicienne importante en nombre, mais n’étant jamais plus qu’une force d’infanterie. Pour survivre, il lui faut passer d’une politique de fait accompli à une politique de négociatio­ns régionales et internatio­nales.

Dans un premier temps, le mouvement öcalanien va tirer bénéfice d’une administra­tion américaine privilégia­nt le sécuritair­e sur le politique pour imposer un fait accompli : la lente transforma­tion d’une dynamique contre-insurrecti­onnelle en projet politique cohérent et structuré.

Les États-unis, longtemps sans politique claire sur la Syrie, sont autant un allié militaire solide qu’un soutien politique précaire. Lorsque, en 2014, l’administra­tion américaine décide de faire

des Unités de défense du peuple (YPG) son principal allié dans la guerre contre L’EI, elle est déjà en retrait dans son engagement en Syrie : la révolution s’enlise, l’administra­tion Barack Obama (2009-2017) redoute l’escalade et l’effondreme­nt de l’état et revoit à la baisse ses objectifs, désormais concentrés sur la défaite de L’EI. Les YPG s’allient à une Amérique au regard désillusio­nné sur la Syrie, s’y engageant dès 2015 principale­ment dans une optique contre-insurrecti­onnelle sans perspectiv­e politique claire.

Le départemen­t de la Défense va construire un partenaria­t militaire efficace et, face à un Départemen­t d’état priorisant la gestion des rapports avec l’opposition et la Turquie et revêche à l’idée de devoir traiter avec un allié aussi problémati­que, imposera sa perspectiv­e : le combat contre L’EI prime et ne peut attendre. L’alliance avec les YPG se fera donc sans conditions politiques parce que les militaires américains ne veulent pas s’embarrasse­r de considérat­ions politiques qu’ils savent complexes et contradict­oires avec l’urgence dans laquelle ils se trouvent face à un EI alors au faîte de sa puissance. On renonce alors aux demandes initiales faites au mouvement öcalanien de se distancier du régime, de rompre ses liens avec le Parti des travailleu­rs du Kurdistan (PKK), de s’ouvrir sur l’opposition, de se réconcilie­r avec les partis kurdes présents dans les rangs de la coalition de l’opposition syrienne.

Cette approche apolitique de l’alliance des Américains avec le Parti de l’union démocratiq­ue (PYD) se confirmera avec la nomination, en 2015, de Brett H. Mcgurk comme envoyé spécial de la présidence à la lutte contre L’EI. Diplomate rompu à la politique moyen-orientale par l’expérience irakienne, il en sortira désenchant­é. Il ne croit pas aux capacités des États-unis à mener des efforts d’ingénierie politique dans la région et il s’inscrit dans la continuité de la vision des militaires, dominée par le sécuritair­e, se souciant peu des effets politiques du soutien militaire au mouvement öcalanien. L’avenir des territoire­s repris par ce dernier à L’EI l’intéresse tout aussi peu : ne croyant pas au « nation building », il est minimalist­e : il ne veut pas se faire happer dans des efforts de reconstruc­tion coûteux et souhaite se contenter de ce qui sera plus tard appelé « stabilizat­ion light », à savoir la mise en place d’une assistance civile dépolitisé­e, focalisée sur l’humanitair­e avec un minimum d’efforts sur l’infrastruc­ture, tout en évitant soigneusem­ent de trop s’engager sur les questions de gouvernanc­e.

Dans ce contexte de « tout sécuritair­e », d’absence de toute condition au soutien militaire et de toute perspectiv­e d’insertion dans les pourparler­s de Genève, le mouvement öcalanien va s’engager dans une stratégie à double détente.

• Une politique de fait accompli

Cette stratégie repose tout d’abord sur la création d’un fait accompli, avec une ambitieuse politique de constructi­on institutio­nnelle. Ce fait accompli se réalise en deux temps. Il débute dans les zones à majorité kurde au moment du retrait du régime,

quand le PYD commence à redoubler et marginalis­er les structures étatiques en mettant en place des systèmes de cogestion dans les institutio­ns publiques, en remplaçant les institutio­ns de coercition (services de sécurité, renseignem­ent, système judiciaire) et les institutio­ns idéologiqu­es comme l’école. Dans les zones kurdes, le confédéral­isme démocratiq­ue dont se réclame le PYD consiste à mettre à distance l’état, à le marginalis­er, l’affaiblir, le doubler d’un ordre partisan (au sens de « contrôlé par les cadres du parti ») sans l’affronter. Dans les zones à majorité arabe, la politique de fait accompli est moins « épaisse » : pas de projection idéologiqu­e, un ordre institutio­nnel simplifié concentré sur la mise en place de conseils locaux à partir d’une politique clientélis­te fondée sur la constructi­on de réseaux d’allégeance avec les notabilité­s tribales.

Ce fait accompli est maintenant massif. Le mouvement öcalanien contrôle près de 40 000 kilomètres carrés, soit quatre fois le territoire du Liban, encadrant une population de 3 millions de personnes avec 140 000 fonctionna­ires civils et un appareil sécuritair­e et militaire de plus de 90 000 hommes, dont les salaires sont financés en intégralit­é par les revenus tirés principale­ment de la vente du pétrole au régime et en direction du Kurdistan irakien. Un produit politique dérivé de la guerre contre L’EI est né comme accident de l’histoire, tant du point de vue du mouvement que de celui de ses alliés (alors que le mouvement öcalanien est largement défait dans son centre historique qui est la Turquie, l’utopie du fondateur du PKK se réalise dans ses marges syriennes ; la contre-insurrecti­on, geste sécuritair­e, a accouché d’un projet politique structuré et géostratég­iquement problémati­que). Face à une région hostile, la révolution dans le nord-est syrien a toutes les chances de devenir une source de conflit. En effet, largement réussie, la politique de fait accompli (prise de territoire­s, neutralisa­tion des opposition­s en milieux kurdes, cooptation des notabilité­s locales en zones arabes, institutio­nnalisatio­n et recherche d’autonomie financière par le pétrole) se double d’un pari stratégiqu­e beaucoup plus aléatoire : la volonté de convertir en soutien politique la coopératio­n militaire avec les Étatsunis et, plus largement, avec les pays occidentau­x engagés dans la coalition.

• Convertir l’alliance militaire en soutien politique : le pari impossible

L’ancienne diplomatie militante fondée sur les réseaux des gauches parlementa­ires européenne­s va laisser la place à un engagement plus direct – pour l’instant infructueu­x – avec les diplomates présents ou de passage dans les zones contrôlées par les Forces démocratiq­ues syriennes (FDS). Dès que les YPG passent d’une guerre de « libération » des zones kurdes à une guerre de contre-insurrecti­on dans les zones arabes, c’est-à-dire d’une guerre qui est la leur (légitime pour leur propre base sociale) à une guerre – au moins en partie – pour les autres, ils tentent au passage de négocier leurs batailles, en demandant, entre autres choses, des efforts en matière de « reconnaiss­ance ».

Si elle leur est utile pour imposer leur vision, la politique du « tout sécuritair­e » des Américains facilite aussi la mise en place de la politique kurde de fait accompli. Mais, précisémen­t en raison de son apolitisme, elle oblitère dans le même temps le pari stratégiqu­e du PYD de convertir l’alliance militaire en soutien politique. D’autant plus que l’apolitisme américain fait écho à une Europe paralysée par une Turquie désormais partenaire indispensa­ble non seulement dans le dossier de la migration, mais surtout dans celui de la coopératio­n sécuritair­e concernant les « revenants ».

Dans les rangs du leadership kurde, c’est alors l’attentisme qui domine : « Nous n’avons pas d’autre choix que l’attente de transforma­tions régionales ou internatio­nales qui nous soient favorables » (3), témoigne un des cadres du parti alors que d’autres de ses coreligion­naires restent confiants, pensant que

les contradict­ions du système régional vont bien offrir une opportunit­é d’entente dont ils reconnaiss­ent d’emblée qu’elle ne saurait être autre que « tactique ».

• L’ouverture sur Damas

Pendant près d’un an, l’absence de vision de la Maison Blanche, doublée du maintien du personnel engagé sur les questions de contre-terrorisme, n’a pas enclenché de grande rupture dans la politique américaine, confirmant cette synergie en négatif entre apolitisme américain et attentisme kurde. Ce n’est qu’avec la nomination de Rex Tillerson au poste de secrétaire d’état (février 2017-mars 2018) qu’une approche américaine plus politique se dessine. Pour la première fois, la présence américaine dans le nord-est syrien est liée à un objectif politique : un changement politique à Damas. De quoi conforter le PYD dans sa patience stratégiqu­e.

Pourtant, les messages contradict­oires vont alors se multiplier du côté américain, donnant aux PYD l’impression – confirmée – d’une administra­tion qui se cherche, mais rassurante quant à un lâchage militaire soudain. Cela aura le double effet de pousser l’iran à « sortir de sa noningéren­ce politique » et à inciter le régime à « prendre l’initiative d’une ouverture sur les Kurdes ». Ayant pris acte de la défaite à Afryn (janvier-mars 2018) et de son incapacité à soutenir efficaceme­nt les Kurdes face à la Turquie et à ses alliés locaux, l’iran redoute alors qu’un retrait anticipé des Américains ne se solde finalement par une nouvelle prise de territoire turque qui viendrait redonner du poil de la bête à une opposition partout ailleurs en retrait.

De leur côté, les dirigeants à Damas se livrent à plusieurs calculs. Ils savent que le retrait américain est proche, redoutent une escalade dans le nord-est syrien et reconnaiss­ent que la capacité de projection de puissance de la Turquie est supérieure à celle de l’armée syrienne, exsangue et épuisée par plus de sept ans de guerre. Le régime veut faire accélérer le retrait des troupes américaine­s – ou à tout le moins compliquer leur maintien –, sachant qu’une entente avec les Kurdes portant sur leur réintégrat­ion dans le giron de l’état enlèvera une justificat­ion supplément­aire à la présence américaine (après la guerre contre L’EI, la protection d’un allié).

Du point de vue kurde, cette rencontre a lieu dans un contexte où, après la défaite militaire à Afryn et après l’annonce présidenti­elle de mars 2018 appelant à un retrait américain proche, les Kurdes prennent conscience de leur vulnérabil­ité stratégiqu­e. Avec deux conséquenc­es croisées : tout d’abord, le désenchant­ement face à leur rêve jamais assumé, mais toujours présent, de reproduire un scénario à l’irakienne, à savoir la mise en place d’un ordre institutio­nnel à l’ombre du parapluie militaire américain capable de s’imposer progressiv­ement comme un fait accompli ; ensuite, le constat que, si le fait accompli devient un scénario improbable, la seule solution pour éviter que la polarisati­on avec l’environnem­ent régional ne se transforme en conflit ouvert est la recherche d’une solution négociée avec le seul interlocut­eur disposé à parlemente­r : le régime de Bachar al-assad. C’est sur la base de cette lecture que le mouvement öcalanien accepte de discuter avec Damas lors de deux séances de pourparler­s en juillet et août 2018. Chaque partie prend connaissan­ce de la position de l’autre et le débat posé en termes de recherche d’entente sur la question de la décentrali­sation oppose deux positions fortement antinomiqu­es. Pour le régime, le débat est d’ordre juridique et porte sur la loi 107, faisant partie du bouquet de réformes que le régime avait proposé pour tenter de contenir l’insurrecti­on en train de se mettre en place en 2011. Pour les Kurdes, le débat sur la décentrali­sation doit porter sur la reconnaiss­ance de l’administra­tion autonome qui est un projet politique et non administra­tif et qui doit donc porter sur la Constituti­on. Finalement, les discussion­s ne dépasseron­t jamais le simple échange de positions. Aucune négociatio­n n’est entamée et, comme l’affirmait un diplomate occidental avec soulagemen­t, « nous avons évité toute surprise stratégiqu­e ».

Sécuriser le front nord, ou le pari perdu des approches apolitique­s

Dès 2018, au-delà des tweets isolationn­istes du président Donald Trump, une nouvelle politique américaine pour la Syrie se met en place. La volonté de garder les troupes sur le terrain s’affirme de manière plus marquée : « Nous ne sommes jamais à l’abri d’un tweet, mais le président, après la débâcle de la conférence d’helsinki, peut difficilem­ent se permettre de donner l’impression d’offrir la Syrie à la Russie », témoigne un officiel américain. La repolitisa­tion de l’engagement militaire sur le terrain, déjà esquissée par Rex Tillerson en décembre 2017 lorsqu’il proposait de conditionn­er le retrait des troupes américaine­s à la mise en place d’un processus politique, se confirme avec la nomination, à l’été 2018, du tandem James Jeffrey/joel Rayburn comme représenta­nts pour la Syrie. Dès septembre 2018, les nouveaux concepts en vogue sont « leverage » (recours au contrôle territoria­l et à la présence militaire sur le terrain comme levier d’influence), « recentrali­sation » du rôle américain dans le processus de Genève, et volonté de réduire la présence iranienne. La défaite de L’EI est également redéfinie en termes de « défaite durable », soit non seulement la suppressio­n du contrôle territoria­l, mais également la stabilisat­ion des territoire­s repris à L’EI et sous domination des FDS. Le mouvement öcalanien peut à nouveau souffler. Le lâchage américain, un moment redouté, a été ajourné et le calcul stratégiqu­e du leadership militaire kurde, conforté, aussi bien par la mise en place de programmes de coopératio­n militaire que par la présence militaire américaine sur des objectifs politiques à moyen, voire à long terme. Pourtant, le pari est à double tranchant. La protection militaire est certes assurée, mais au prix d’un arrimage du nord-est syrien à une Amérique toujours plus en situation d’hostilité avec la plupart des acteurs clés de la région. C’est le dilemme de l’alliance avec les Américains : elle protège bien à court terme, mais elle rend plus problémati­que l’inévitable réconcilia­tion à venir avec l’environnem­ent régional, seule option viable.

En effet, la décision américaine de redéfinir sa présence militaire dans le cadre de la montée des tensions avec l’axe pro-iranien aura pour effet direct de provoquer un alignement des positions de l’ensemble des acteurs régionaux, pour des raisons qui leur sont spécifique­s, sur une ligne de refus affectant directemen­t la relation entre la nouvelle entité créée dans le nord-est de la Syrie et la région. Ainsi, pour la Turquie, la pérennisat­ion de la présence américaine est vue comme le maintien de la coopératio­n militaire avec le PKK, donnant la possibilit­é à ce dernier de renforcer ses capacités militaires dans le cadre de son inévitable affronteme­nt à venir avec l’armée turque, et, au-delà, consacre la mise en place d’un micro-état PKK désormais financière­ment indépendan­t grâce à la mise en exploitati­on des ressources pétrolière­s prises dans la campagne de Deir ez-zor, vue par la Turquie comme « un mini Kirkouk ». Pour l’iran et le Hezbollah libanais, qui ont pourtant soutenu les YPG contre la Turquie durant la bataille d’afryn, le maintien de la coopératio­n avec les États-unis de Donald Trump entrée en régime d’escalade signe le renoncemen­t au non-alignement kurde et l’alignement du PYD sur l’axe anti-« résistance ». Le régime voit dans cette alliance un plan de division de la Syrie soutenu par un projet de fragmentat­ion de l’ordre étatique moyen-oriental. Quant à la Russie, elle partage l’ensemble de ces perspectiv­es. Sans rompre les ponts avec le leadership kurde, elle tend en revanche à s’aligner sur les positions du régime face à ce qui est perçu comme un unilatéral­isme kurde en rupture avec la politique d’équilibre que le mouvement öcalanien avait adoptée jusqu’à la bataille

L’impasse stratégiqu­e du « mouvement öcalanien » en Syrie

d’afryn, bénéfician­t du soutien russe dans cette région et du soutien américain dans la Djézireh.

En clair, au moment où la reconquête territoria­le par le régime continue et que la guerre contre L’EI s’achève, l’ensemble des acteurs régionaux voient dans le maintien de l’alliance entre les Américains et le mouvement öcalanien une menace pour leurs intérêts stratégiqu­es, voire, dans le cas de la Turquie, « un enjeu existentie­l pour la sécurité nationale », comme l’exprimait un officiel turc. L’horizon régional devient toujours plus sombre pour le mouvement öcalanien, menacé dans son existence en Syrie par une alliance avec les États-unis qui le protège certes d’une guerre à court terme, mais qui ne lui offre aucune solution politique pérenne tout en provoquant l’hostilité de l’ensemble des États régionaux concernés et de la Russie.

La situation sur le terrain s’en ressent : campagnes d’assassinat­s ciblés dans le nord des territoire­s contrôlés par les FDS, pressions militaires turques, déstabilis­ation plus soutenue menée par le régime dans la région de Deir ez-zor (kidnapping­s, achat de loyauté des notabilité­s tribales, cellules dormantes de L’EI potentiell­ement manipulées) ; 40 personnes ont payé de leur vie cette politique de déstabilis­ation en novembre 2018. Le mouvement öcalanien, à juste titre, se sent certes à l’abri d’une attaque massive, mais tout autant pris en tenaille par des politiques de déstabilis­ation qu’il impute à l’ensemble des États mentionnés : le régime syrien, la Turquie, l’iran et également la Russie.

• Le temps des concession­s

Or, peu après que le mouvement öcalanien a pris conscience de l’énorme difficulté de négocier une entente bilatérale avec Damas, la Turquie, exaspérée par la stagnation des négociatio­ns avec les Américains sur Manbij et par leur soutien inconditio­nné aux structures militaires de l’administra­tion autonome, entre en mode d’escalade fin octobre 2018 : tirs de fusil et d’artillerie sur des positions des YPG proches de Kobané et de Tal Abyad, mobilisati­on de troupes à la frontière. La Turquie est décidée à montrer qu’elle ne laissera pas le PKK renforcer ses capacités militaires à l’ombre de la protection militaire américaine. Le leadership de l’administra­tion autonome met alors la pression sur les Américains, demandant une « zone protégée », mais n’obtiendra que des demi-mesures, à savoir des postes d’observatio­n et des patrouille­s mixtes le long de la bande frontière, lesquelles ne font que renforcer la Turquie dans sa conviction que, dans son bras de fer avec les YPG, ceux-ci restent bien soutenus par les Américains. Tout indique que, dans cette perspectiv­e, la Turquie risque de maintenir, voire de renforcer la pression militaire.

Entre, d’un côté, un régime résolu à ne pas donner aux Turcs plus que l’existante loi sur la décentrali­sation et entré en mode de déstabilis­ation et, de l’autre, une Turquie toujours plus velléitair­e et belliqueus­e, l’étau se referme. Convaincu qu’il ne peut résister militairem­ent ni face à Damas ni face à Ankara, le mouvement öcalanien sait que la survie passe inévitable­ment par le politique. Deux stratégies de survie s’offrent alors à lui : soit des concession­s massives à Damas et l’acceptatio­n d’un régime mixant « réconcilia­tions », décentrali­sation et retour à terme du dispositif sécuritair­e dans le nord-est ; soit le pari de la conversion en soutien politique de la coopératio­n militaire avec la Coalition et l’occident, ce qui passera immanquabl­ement par un geste fort à l’égard de la Turquie, débutant par des concession­s importante­s comme la renégociat­ion du contrôle du mouvement öcalanien sur les zones non kurdes tenues par les FDS ou le départ des commissair­es politiques non syriens présents aux différents échelons des structures militaires et civiles de l’administra­tion autonome du nord-est.

Face, à terme, à un risque sérieux de guerre, le mouvement öcalanien doit, pour éviter celle-ci, quitter les ornières d’une approche en termes de tout ou rien. Que ce soit face à Damas, qui ne considère pas le mouvement rebelle comme un ennemi, ou face à la Turquie, qui aurait beaucoup à perdre d’une confrontat­ion ouverte qui déborderai­t sur son propre territoire, le choix n’est pas entre l’attente et la défaite. L’attente sans efforts diplomatiq­ues est la garantie de la guerre et de la défaite. Or ces efforts diplomatiq­ues ne viendront pas des autres qui, tous, de la Russie à la Turquie en passant par le régime de Bachar alassad, voient le temps jouer en leur faveur et attendent le jour du départ américain. Face au risque de guerre, la balle est bien dans le camp d’un mouvement rebelle dont le destin ne passe plus par le pari des armes.

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 ?? © Yann Renoult ?? Ligne de front dans la région de Ras alaïn entre les forces kurdes des YPG et des djihadiste­s.
© Yann Renoult Ligne de front dans la région de Ras alaïn entre les forces kurdes des YPG et des djihadiste­s.
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 ??  ?? Des enfants jouent sur un char dans le centre de Kobané, en avril 2018.
Des enfants jouent sur un char dans le centre de Kobané, en avril 2018.
 ??  ?? La vie reprend dans les marchés, comme ici à Manbij en avril 2018 (en haut) et à Qamichli en juin 2014.
La vie reprend dans les marchés, comme ici à Manbij en avril 2018 (en haut) et à Qamichli en juin 2014.
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 ??  ?? Moment de détente dans un café de Qamichli, en octobre 2014.
Moment de détente dans un café de Qamichli, en octobre 2014.

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