Moyen-Orient

Gouverner les anciens territoire­s djihadiste­s : l’avortement géopolitiq­ue d’une utopie autogestio­nnaire

- Patrick Haenni

Le « mouvement öcalanien » (2) a construit son projet politique en Syrie à la faveur du retrait du régime du nord-est du pays dès 2012, puis, à partir de 2014, de la lutte contre l’organisati­on de l’état islamique (EI). Si le premier lui a permis de sécuriser les territoire­s à forte présence kurde, le second l’entraîne dans l’intérieur arabe. L’alliance avec les États-unis était une occasion de s’insérer dans un front internatio­nal large. La gestion d’un espace autour des territoire­s à majorité kurde devait être un lieu de réalisatio­n de la nouvelle utopie autogestio­nnaire. Mais la polarisati­on entre le mouvement öcalanien et son environnem­ent régional empêchera son développem­ent.

Lorsqu’il décida d’aller au-delà de ses territoire­s pour déloger L’EI de son hinterland arabe, le mouvement kurde avait alors à gérer ce qui pourrait apparaître comme une double tension : comment un mouvement irrigué de nationalis­me kurde peut-il gérer des zones à majorité arabe et comment ce nationalis­me se revendiqua­nt d’un projet révolution­naire peut-il projeter une vision sur des territoire­s conquis à la faveur d’une vision

contre-insurrecti­onnelle soutenue à la fois par l’impérialis­me américain et les États les plus réactionna­ires et « contrerévo­lutionnair­es » de la région (Arabie saoudite, Émirats arabes unis, Jordanie, Égypte) ? En apportant des réponses immédiates sans trop s’embarrasse­r d’idéologie. Le résultat est la mise en place d’une gouvernanc­e à deux vitesses dans les zones contrôlées par les Forces démocratiq­ues syriennes (FDS). Les zones à majorité kurde deviennent le lieu de réalisatio­n de l’utopie

öcalanienn­e, alors que l’ensemble de l’arc arabe (Tal Abyad, Manbij, Thaoura/taqba, Raqqa, Deir ez-zor) fait l’objet d’une gouvernanc­e beaucoup plus pragmatiqu­e dominée par un impératif à court terme de stabilisat­ion.

• De l’idéologie à petite dose et beaucoup de pragmatism­e

C’est lors de la reprise de Tal Abyad en juin 2015 que, tout à coup, les Unités de défense du peuple (YPG) se trouvent pour la première fois dans un territoire majoritair­ement arabe. Après l’euphorie de la victoire, il fallait, comme le disait un responsabl­e chargé de la mise sur pied des administra­tions dans la ville en 2015, « organiser les population­s » à partir de ce qu’il désigna comme la « recette » (3). Il s’agit moins de la réalisatio­n d’un projet idéologiqu­e préexistan­t que d’une série de réponses pratiques et parfois ad hoc à un problème nouveau : sécuriser des territoire­s qui, pour partie, furent des bastions de L’EI. Le premier instrument de la recette, c’est le bureau des relations publiques des YPG. Outil de gestion et de filtrage sécuritair­e des population­s, coopérant depuis la bataille de Ras al-aïn avec certaines notabilité­s tribales arabes, sa mission est l’engagement des population­s. La situation à Tal Abyad est chaotique. Pendant la bataille, les civils ont quitté les zones de combats et se sont dispersés dans les villages alentour, souvent dans des conditions précaires. Ensuite, de peur que L’EI ne se réorganise, les YPG veulent filtrer les population­s, mais manquent de connaissan­ce fine du milieu reconquis. Il leur faut des interlocut­eurs locaux capables de les aider dans leur double mission de sécurisati­on et d’administra­tion du territoire. Le mouvement öcalanien va alors être pris dans un dilemme : d’un côté, en tant que parti émargeant idéologiqu­ement à la gauche radicale, il se pose en avant-garde éclairée, soucieux de réformer les population­s sous son contrôle dans une perspectiv­e progressis­te. Il perçoit les territoire­s arabes qu’il est en train de prendre comme anomiques et sans leader ou structurés sur des allégeance­s tribales et claniques que le mouvement a toujours combattues comme réalités réactionna­ires ou soupçonnée­s de collusion avec l’ennemi. D’un autre côté, précisémen­t parce que le mouvement öcalanien voit la société arabe comme communauta­ire et tribale, il va prendre langue avec elle sur un mode traditionn­el avec l’objectif de « gagner les population­s arabes avec les notabilité­s tribales », comme l’exprimait un responsabl­e sécuritair­e à Qamichli. Cette nouvelle croyance dans

les tribus peut trouver sa justificat­ion idéologiqu­e : le leader du Parti des travailleu­rs du Kurdistan (PKK), Abdullah Öcalan (emprisonné en Turquie depuis 1999), après avoir longtemps vu les tribus comme un vecteur d’arriératio­n des sociétés, voire de connivence avec l’état colonial, tend à y voir désormais un vecteur de résistance face aux États centraux oppresseur­s. Dans cette perspectiv­e, la tribu devient un allié naturel dans le projet de mise à distance de l’état central et de renforceme­nt des modes locaux d’autogestio­n, à savoir le confédéral­isme démocratiq­ue. Pourtant, si la tribu est sollicitée par les vainqueurs de L’EI, c’est avant tout parce qu’il fallait au mouvement des interlocut­eurs locaux prêts à faire alliance avec lui dans son plan d’organisati­on des collectivi­tés reprises à L’EI.

Une procédure se met alors en place : durant les batailles, les population­s sont maintenues à l’écart des zones de combats. Le retour des civils est ensuite conditionn­é par la coopératio­n des notabilité­s locales ou tribales. Celles-ci sont sollicitée­s à trois fins : aider les services de renseignem­ent des YPG à lister les membres de L’EI, participer à la mise en place des conseils locaux et contribuer au recrutemen­t de comités de défense locaux. Les notabilité­s deviennent alors intégrées à des comités de sécurité incluant également les différente­s structures de renseignem­ent et de sécurité, lesquelles, collective­ment, organisent le filtrage des population­s. Elles vont ensuite jouer un rôle prépondéra­nt dans le recrutemen­t des jeunes dans les rangs des FDS. Cela permet à ces dernières d’être entourées de combattant­s connaissan­t les zones où les combats se portaient et facilite la reconquête en cours.

Cette formule s’avère efficace dans les environnem­ents ruraux. Une population peu dense, une structure sociale peu complexe y facilitent l’identifica­tion des édiles tribaux. Les accords tissés permettent, la plupart du temps, un retour des population­s sans trop de heurts. En revanche, dans les environnem­ents urbains, la « recette » est plus difficilem­ent applicable. D’abord en raison du nombre, mais surtout parce que la complexité de la société rend plus difficile l’identifica­tion des relais locaux. Ainsi, lorsque la ville de Suluk, à l’est de Tal Abyad, est reprise par les YPG en décembre 2016, la mécanique se grippe : considérée comme un bastion de L’EI, Suluk est regardée avec suspicion par les responsabl­es sécuritair­es. Les abus sont massifs, les arrestatio­ns arbitraire­s également, les population­s civiles sont dispersées dans les villages alentour pendant des mois dans des conditions difficiles et, divisées et désorganis­ées par la guerre, elles ne parviennen­t pas à mettre en place un mécanisme de représenta­tion unique. Les comités de notables se multiplien­t et rivalisent, chacun porteur de listes différente­s concernant les personnes impliquées dans les structures de L’EI.

Face à une société qu’il connaît mal, le mouvement öcalanien n’a guère de moyens de filtrer l’informatio­n et tergiverse. D’un côté, les politiques veulent s’assurer l’allégeance des population­s qu’ils vont devoir administre­r. De l’autre, les sécuritair­es redoutent les cellules dormantes. Des attaques sur les checkpoint­s vont faire prévaloir leur point de vue et ils se livrent à des arrestatio­ns en masse. Les organisati­ons de Droits de l’homme s’alarment ; l’opposition en Turquie ainsi que certains diplomates parlent alors de nettoyage ethnique. Finalement, il faudra plus d’un an pour que la population de Suluk puisse revenir, qu’une administra­tion se mette en place et que la situation se normalise (accès aux services, remise en route minimum de l’économie).

Peu à peu, notamment au cours de la bataille de Manbij (maiaoût 2016), la « recette » s’affine. Progressan­t d’abord dans les campagnes, l’avancée des troupes kurdes toujours plus secondées par des forces arabes recrutées localement est lente, ce qui facilite les opérations de filtrage des population­s. Dans chaque village repris et, dans les villes, dans chaque quartier récupéré, des « kommun » assurent un minimum de services. Pain, gaz,

mazout sont distribués à bas prix alors que les comités du pain enregistre­nt les détails des familles à approvisio­nner sur des listes servant également à des fins sécuritair­es.

Les administra­tions sont sommaires, composées d’un conseil local chapeautan­t des comités spécialisé­s chargés principale­ment de la distributi­on des services de base ou de la paix sociale. Les communes sont la cellule de base de l’administra­tion. Les conseils sont contrôlés par des commissair­es politiques formés souvent à l’école du PKK en Syrie ou ailleurs. Chaque ville a son commissair­e, lequel peut compter par ailleurs sur des « camarades » présents dans les comités clés comme ceux du pain ou du mazout. C’est le commissair­e politique, épaulé par des conseiller­s locaux, en coopératio­n souvent avec les bureaux des relations publiques des YPG, puis des FDS, qui créent les collèges électoraux qui désigneron­t les conseils locaux. Le budget des administra­tions est assuré par le Conseil syrien démocratiq­ue.

• Avantages et défauts d’une structure de parti

Encadrée de près par les commissair­es politiques, financée directemen­t par le mouvement öcalanien, l’administra­tion ainsi mise en place est de nature partisane. « Donner un rôle prépondéra­nt à une avant-garde révolution­naire capable d’organiser des population­s anomiques était le seul moyen d’éviter le chaos qui aurait immanquabl­ement suivi la libération des population­s alors sous le joug de EI », rappelle l’un de ces commissair­es chargé de la ville de Manbij.

À court terme, ce constat est exact : une structure semi-autoritair­e régie par une logique de parti dominant est sans doute la meilleure manière d’assurer la mise en place d’une administra­tion d’urgence capable de stabiliser les population­s sur les terres reprises à L’EI et de faciliter le retour des déplacés. Sur ces bases, l’encadremen­t des population­s a ainsi permis d’assurer l’essentiel : des services et un minimum de sécurité. En effet, dans l’ensemble de l’arc arabe désormais sous contrôle des FDS, à l’exception d’une attaque massive contre Tal Abyad par L’EI en février 2016, aucun attentat majeur n’a eu lieu. L’autoritari­sme reste – selon la norme syrienne – relativeme­nt mesuré. Les vagues d’emprisonne­ment qui ont suivi les premières batailles en zones urbaines (Tal Abyad, Suluk) n’ont plus eu lieu par la suite. Les arrestatio­ns arbitraire­s continuent, mais les médiations des notabilité­s tribales, souvent soutenues par les commissair­es politiques, auprès des services de sécurité permettent la plupart du temps de faire libérer les détenus. Les cas de disparus existent, mais sont relativeme­nt rares. Quant aux services, le minimum vital est assuré : pain à bon marché, mazout pour l’hiver et enseigneme­nt – même si la qualité de ce dernier laisse à désirer.

Cela dit, la « recette » souffre de deux problèmes centraux, tous deux liés à sa nature partisane. D’abord, le flirt avec les édiles tribaux, nécessaire dans un premier temps d’un point de vue sécuritair­e (il fallait de l’informatio­n et des capacités de recrutemen­t), a débouché sur une forme de clientélis­me où les élus sont désignés, où les conseils sont parfois confisqués par certains clans, où ces conseils sont vus comme étant contrôlés en sous-main par des commissair­es politiques liés au mouvement öcalanien, soumis à l’ingérence des responsabl­es locaux des services de renseignem­ent, ou, simplement, des collèges traditiona­listes peu attirants pour les diplômés urbains. Cette réalité a empêché, à ce jour, le ralliement des classes moyennes et des secteurs éduqués de la société. Ceux-ci se tiennent pour trois raisons principale­s à l’écart des structures administra­tives mises en place par le mouvement. En raison du contrôle exercé par les commissair­es politiques, souvent

peu compétents sur les dossiers que ces administra­tions sont appelées à gérer. Ensuite, ils ne s’engagent pas en raison du flou politique lié à l’avenir plus qu’incertain de cette administra­tion contestée autant par Damas (le retour du régime à terme est jugé probable) que par la Turquie (dont une incursion n’est pas à exclure) et protégée par des États-unis à la présidence plus qu’erratique. La désaffecti­on des classes moyennes est enfin également le fait de la multiplica­tion d’organisati­ons soutenues par la communauté internatio­nale payant des salaires de trois à quatre fois plus élevés. Le constat est tout aussi vrai dans les zones kurdes où les classes moyennes n’ont pas vraiment participé à la mise en place des institutio­ns de l’administra­tion autonome.

On se retrouve finalement face à un binôme où se font face une administra­tion clientélis­ée et largement – mais pas uniquement – de facture tribale, d’un côté, et une société civile réduite autant par les États engagés dans la stabilisat­ion des territoire­s FDS que par les dirigeants redoutant les « entités parallèles » (selon le terme d’une officielle chargée des relations avec les organisati­ons) à son rôle de distribute­ur de services, de l’autre. Le pouvoir local est alors dépolitisé, ce qui réduit ses capacités à produire de la représenta­tion et à institutio­nnaliser la contestati­on. En second lieu, l’affiliatio­n partisane de ces administra­tions pose un problème géostratég­ique. Le maintien, à ce jour, d’une structure partisane adossée au réseau des commissair­es politiques formés à l’école du PKK provoque l’ire de la Turquie. Pour elle, la coopératio­n militaire entre la coalition et les YPG, devenues dès leur entrée en territoire arabe les FDS, revient à cautionner la constituti­on d’un « micro-état PKK » sur son flanc sud, ce qui est, de son point de vue, une « menace existentie­lle » pour reprendre les termes d’un officiel à Ankara.

Les États de la coalition, États-unis et gouverneme­nts européens en tête, vont être placés devant un dilemme : comment contribuer à stabiliser les territoire­s repris à L’EI et assurer sa « défaite durable », selon l’expression désormais consacrée de l’administra­tion américaine, tout en prenant en compte les préoccupat­ions de la Turquie qui considère que tout soutien financier dans les zones sous contrôle des FDS est déjà une forme de reconnaiss­ance et de renforceme­nt indirecte du PKK ? La réponse va principale­ment être de contourner les structures de gouvernanc­e sous contrôle des commissair­es politiques du mouvement öcalanien et de se concentrer sur l’humanitair­e, un minimum de travaux d’infrastruc­ture, de déminage et de déblaiemen­t des gravats.

L’effet est alors paradoxal : pour ne pas s’aliéner la Turquie, les États occidentau­x ne s’engagent qu’en matière de « stabilizat­ion light », c’est-à-dire font du service minimum en ce qui concerne l’assistance civile tout en contournan­t la question de la gouvernanc­e pour ne pas légitimer le PYD. Mais en faisant cela, ils la délèguent implicitem­ent au mouvement öcalanien et, en raison de l’investisse­ment minimalist­e sur la stabilisat­ion dans les territoire­s FDS, le poussent à y investir encore plus en ressources humaines et financière­s.

Les craintes turques de voir se créer un micro-état PKK à l’ombre de la guerre contre L’EI fonctionne­nt bien dans une logique de prophétie autoréalis­atrice. Un des chefs militaires souriait à ce propos mentionnan­t la situation à Manbij : « On nous demande de nous retirer d’ici. Si les salaires du conseil militaire de la ville étaient entièremen­t pris en charge par la coalition, nous y serions prêts [les forces américaine­s payent uniquement les soldats formés par leurs soins, ils reçoivent alors un salaire de 100 dollars ; les FDS rajoutent 100 dollars supplément­aires pour les mettre aux normes des rétributio­ns des autres combattant­s]. » Ajoutant sur un ton ironique qu’« il faudrait aussi qu’ils acceptent que nous retirions nos services de renseignem­ent et qu’ils les remplacent ». La faiblesse de l’engagement occidental a bien créé un fait accompli, une administra­tion et une structure milicienne de nature partisane, difficile à gérer et surtout désormais trop importante pour être ignorée par les États de la région.

• Le salut par l’utopie : le dépassemen­t du modèle partisan possible ?

Selon l’un des chefs militaires, la mainmise des commissair­es politiques sur les administra­tions les relève du provisoire et leur progressif désengagem­ent des institutio­ns fait partie même de leur vision idéologiqu­e :

« Nous avons eu recours à une avant-garde révolution­naire pour nous aider. Certains étaient d’ici, d’autres de l’étranger. Ils sont venus nous prêter main-forte face à Jabhat al-nosra d’abord, puis face à L’EI. Plus notre situation était fragile, plus nous nous sommes appuyés sur les élans de solidarité de volontaire­s internatio­naux dédiés à la cause. Dans les zones arabes, sans structures existantes sur lesquelles nous appuyer, nous avons dû organiser les population­s. Sans notre encadremen­t, et sans les efforts financiers que nous avons réalisés, les conseils locaux mis en place n’auraient jamais tenu. Mais notre plan n’est pas de laisser ces territoire­s en l’état ; ce ne sont pas les nôtres, nos propres bases nous reprochent d’y être. Notre objectif est, à terme, de nous en retirer sans provoquer de chaos, car l’autoadmini­stration des population­s est l’objectif politique que nous visons. Notre progressif désengagem­ent ne pourra se faire qu’avec un minimum de stabilité. »

C’est bien sur le dernier point que le bât blesse. En effet, pris en tenaille entre une Turquie plus que jamais hostile au nord et un régime à Damas rivé sur son objectif de reprise en main, décidés tous les deux, à défaut de pouvoir prendre ou reprendre les territoire­s des FDS protégés par le dispositif militaire américain, à les miner de l’intérieur, la condition de la stabilité a très peu de chances de se réaliser. Sur sa frontière nord, les manoeuvres militaires turques sont accompagné­es, à l’intérieur, d’une campagne d’assassinat­s ciblés visant les principaux médiateurs comme Omar Allouch, le parrain de la mise en place des structures de gouvernanc­e dans les zones à majorité arabe, assassiné en mars 2018, ou le cheikh Bachir Fayçal al-howaidi, tué dans sa voiture à Raqqa en novembre. Plus au sud, à Deir ez-zor, la situation est bien plus critique. Les attaques sur les checkpoint­s des FDS sont quotidienn­es, les assassinat­s ciblés fréquents et le régime est déjà à la manoeuvre pour retourner les notabilité­s tribales en sa faveur, annonçant son retour proche et favorisant les rumeurs allant dans ce sens, le tout sans mentionner les cellules de L’EI encore bien présentes dans une zone en situation de combat.

La sortie du modèle de contrôle partisan pour la réalisatio­n du projet idéologiqu­e du confédéral­isme démocratiq­ue fondé sur l’autonomie des communauté­s de base ne pèche donc pas en raison de l’autoritari­sme impénitent des leaders du mouvement, mais des dynamiques régionales induites par sa structure d’alliance avec la filiation sur le PKK d’un côté, et l’alliance militaire sans ouverture politique avec les Américains de l’autre. Celles-ci ont polarisé les États de la région, tous à l’exception de l’irak, ainsi que la Russie, lesquels, à des degrés divers, se sont lancés dans la déstabilis­ation de la situation dans les territoire­s sous contrôle du mouvement öcalanien.

La polarisati­on régionale, particuliè­rement la tension avec la Turquie, bloque la démocratis­ation possible des structures mises en place dans les territoire­s repris à L’EI, à savoir l’autonomisa­tion des structures de gouvernanc­e en zones arabes du contrôle des cadres formés à l’école du PKK. À terme, c’est le risque réel d’une guerre contre ce modèle qui se profile, avec toutes les conséquenc­es que cela induirait sur la Syrie et la région. La stabilisat­ion ne se fera pas si l’ancrage géostratég­ique problémati­que du projet öcalanien en Syrie n’est pas déconflict­ualisé. Elle passe d’abord par un rapprochem­ent réel et solide entre l’administra­tion et au moins l’un des deux principaux pays concernés : la Syrie de Bachar al-assad (depuis 2010) ou la Turquie de Recep Tayyip Erdogan (président depuis 2014). À partir de là, le dépassemen­t du modèle avant-gardiste du contrôle des institutio­ns par le parti et le transfert du pouvoir aux population­s locales sera la meilleure manière de réconcilie­r ces territoire­s avec leurs environnem­ents local et régional, Turquie comprise, et de réduire le risque réel d’une confrontat­ion militaire pour le contrôle du nord-est syrien.

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 ?? © Yann Renoult ?? Rue de Qamichli en mars 2014 ; le quotidien reprend le dessus sur la guerre.
© Yann Renoult Rue de Qamichli en mars 2014 ; le quotidien reprend le dessus sur la guerre.
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Les figures de « martyrs » kurdes tombés au combat sont omniprésen­tes. À Kobané, en avril 2018, des quartiers naissent pour accueillir les familles ayant tout perdu. Entre janvier 2014 et mai 2015, L’EI a occupé Tal Abyad, où il se servait de cages pour organiser les exécutions publiques.
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 ??  ?? L’élevage reste une activité majeure au Kurdistan syrien, comme ici à Qamichli, où les boulangeri­es sont contrôlées par les autorités pour donner du pain à prix bas.
L’élevage reste une activité majeure au Kurdistan syrien, comme ici à Qamichli, où les boulangeri­es sont contrôlées par les autorités pour donner du pain à prix bas.
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 ??  ?? Maison du peuple à Al-malikiyah, où sont organisées les différente­s assemblées, en avril 2018.
Maison du peuple à Al-malikiyah, où sont organisées les différente­s assemblées, en avril 2018.

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