Moyen-Orient

Enseigneme­nt de l’histoire et matrices idéologiqu­es au Rojava

- Boris James

En 2012, le Parti de l’union démocratiq­ue (PYD), organisati­on soeur du Parti des travailleu­rs du Kurdistan (PKK), établissai­t son contrôle sur une série d’enclaves kurdes du nord de la Syrie. En 2013, le Mouvement pour une société démocratiq­ue (TEV-DEM), l’instance englobant les institutio­ns civiles de la Fédération démocratiq­ue du Nord-syrie (FDNS, officialis­ée en 2016), déclarait l’autonomie du Rojava. En 2015, l’une de ses émanations, le Congrès pour l’éducation de la société démocratiq­ue, annonçait la mise en place d’un cursus d’enseigneme­nt dispensé en kurde et en arabe dans les écoles laissées vacantes par les fonctionna­ires syriens. Fin 2016, les nouveaux manuels scolaires étaient distribués à environ 300 000 élèves.

Les acteurs politiques kurdes de Syrie ont une forte conscience de la portée de la diffusion scolaire des contenus d’histoire, convaincus qu’ils sont en train « de faire naître une nouvelle génération démocratiq­ue dans le Rojava » (1). Les contenus d’histoire et les modalités de leur diffusion orientent de manière déterminan­te l’ethos et les valeurs d’une société. Par extension, ils instituent les formes de gouverneme­nt et de pouvoir.

• La grammaire du PKK s’apprend à l’école

Au Rojava, l’histoire est dispensée à partir de 9 ans dans un bloc intitulé « sciences sociales » (zanisten civaki) qui comporte aussi la géographie et des rudiments de sciences sociales. Au collège, en revanche, l’histoire devient un cours à part entière,

et ce, jusqu’à la fin du lycée. Contrairem­ent à l’avant-2012, un jeune Syrien du nord peut suivre en kurde un enseigneme­nt renouvelé, différent des contenus de l’école nationalis­te arabe baasiste syrienne. Ce système scolaire propre au Rojava a été étendu depuis 2016 à la grande majorité des écoles publiques de Syrie du Nord sous administra­tion du TEV-DEM (80 %), où l’instructio­n publique est obligatoir­e de 5 à 14 ans, alors que quelques écoles communauta­ires chrétienne­s suivent encore le programme du régime.

Nous concentrer­ons notre attention sur les manuels d’histoire en kurde et en arabe. Pour les organisati­ons de la mouvance PKK, cette matière insère la constructi­on politique du Rojava dans une série d’expérience­s historique­s et institue le moment vécu par les élèves et leurs parents comme un épisode crucial pour l’humanité tout entière. Différent en soi par son histoire, le Rojava devient également un lieu particulie­r d’expériment­ation idéologiqu­e. Pour la première fois, la mouvance du PKK est en mesure d’exercer de manière directe sa gouvernanc­e sur des population­s civiles et d’y diffuser sa vision politique et historique qui porte le nom de « confédéral­isme démocratiq­ue ». Les principes de ce dernier entraînent une redéfiniti­on du nationalis­me kurde qui transparaî­t dans le programme scolaire. Pour une formation politique dont le but est d’étendre sa légitimité au sein de la société, l’avènement d’un système d’enseigneme­nt propre n’est jamais anecdotiqu­e. Pour le PKK et ses organisati­ons annexes tel le PYD, la question de l’éducation est première et précède même la militance. Dès 1986, soit deux ans après les débuts de la lutte armée lancée par le PKK contre l’état turc et le recrutemen­t massif de jeunes Kurdes de Syrie et de Turquie, le mouvement associe exercices militaires et militants à un apprentiss­age intellectu­el au sein de l’académie Mahsum Korkmaz, du nom d’un des premiers commandant­s militaires du PKK, localisée dans le maquis de la Bekaa au Liban (2). Cet enseigneme­nt s’adresse dans un premier temps aux militants et aux militaires, mais le PKK se veut également un mouvement d’éducation des masses, car son projet d’émancipati­on en dehors de la libération par les armes a pour but la réforme et l’amendement des attitudes « féodales » et « machistes » ancrées dans l’idéologie coloniale inculquée par le gouverneme­nt turc. Toute opération de recrutemen­t ou de mise en place de gouvernanc­e locale s’accompagne de l’établissem­ent d’un système scolaire, aussi rudimentai­re soit-il. Il n’est pas étrange que les premières images de la mise en place d’une administra­tion à Raqqa sous l’autorité des Forces démocratiq­ues syriennes (FDS) qui nous sont parvenues comportent des scènes dans lesquelles des classes pleines suivent un enseigneme­nt sur

« le collectivi­sme et le droit des femmes ». De même, lorsque des journalist­es français visitent en 2017 une prison pour djihadiste­s tenue par le PYD à Qamichli, ils y voient la mise en place d’un « programme de déradicali­sation ».

Or le PYD/PKK n’y fait que ce qu’il a l’habitude de faire, à savoir, éduquer les population­s et réformer l’homme. Les centres de formation pour militants du PKK, les internats pour étudiants de la région de Raqqa et la prison-collège de Qamichli portent tous le même nom : akademî. De fait, ces dispositif­s visent un même but : transmettr­e la philosophi­e du mouvement et la nouvelle grammaire de la constructi­on politique qui doit advenir en Syrie et ailleurs.

La première expérience concrète d’éducation des masses au grand jour s’est déroulée à partir de la fin des années 1990 au sein du camp de réfugiés de Makhmour, non loin d’erbil, en Irak. Bien que précaire, l’installati­on de quelques milliers de Kurdes de Turquie, les uns suivant leurs parents combattant­s au sein du PKK depuis les montagnes de Qandil, les autres chassés de leurs villages de l’est anatolien par l’armée turque, permit la mise en place d’une vie communauta­ire structurée et d’institutio­ns de tout type. C’est là que furent expériment­ées de nouvelles formes d’organisati­ons politiques basées sur le communalis­me prôné par le PKK (3). Ce dernier y met en place un système éducatif aux contenus très élaborés. Les manuels scolaires du Rojava ainsi que le système d’enseigneme­nt à l’oeuvre dans la région sont issus de la matrice en usage au sein du camp de Makhmour. Cette dernière fut également renforcée par les expérience­s pédagogiqu­es connues au Kurdistan de Turquie dans la période de libéralisa­tion politique et de calme relatif du début des années 2000.

Les manuels scolaires de Makhmour publiés en 2015 sont semblables à ceux de 2016 du Rojava à de nombreux égards, qu’il s’agisse de la table des matières ou du contenu, jusqu’à la police d’impression. L’ensemble des ouvrages de primaire du Rojava annonce cette filiation par une note dans les premières pages indiquant que leur contenu est tiré des livres de Makhmour, mais ceux du collège et du lycée, pourtant inspirés des mêmes contenus, taisent cette connexion. Face à l’intransige­ance de la Turquie et aux réticences de façade des Occidentau­x vis-à-vis du PKK, ce lien serait-il difficile à assumer jusque dans les pages d’un anecdotiqu­e livre d’histoire-géographie ?

• Au Rojava : des manuels du PKK ?

Au-delà de la généalogie des politiques pédagogiqu­es mises en place par le PKK depuis sa création, il est intéressan­t de se pencher sur ce qui transparaî­t de ce lien dans les manuels d’histoire en usage dans le nord de la

Syrie. Tout d’abord, l’esthétique qui y prédomine renvoie à un décorum

« Pkkisant » avec l’omniprésen­ce d’étoiles et des couleurs verte, rouge et jaune, celles des divers drapeaux kurdes. L’associatio­n de ces couleurs a longtemps été interdite de manière officieuse en Turquie, à tel point que leur scansion dans certaines chansons militantes sonnait et sonne encore comme un slogan politique, l’affirmatio­n de l’identité kurde et l’adhésion aux idéaux du PKK. Le lien ambigu avec la culture esthétique, intellectu­elle et idéologiqu­e du PKK des premiers temps ne s’arrête pas là. Les cadres du PYD ne manquent pas de rappeler que les manuels du Rojava mentionnen­t « toutes les révolution­s kurdes qui ont marqué l’histoire, même celle de mullah Mustafa Barzani [le chef kurde du Kurdistan d’irak né en 1903 et décédé en 1979], contrairem­ent aux autres formations kurdes qui ne parlent pas de la révolution du président Apo [surnom d’abdullah Öcalan] » (4). Les auteurs de ces manuels mettent toutefois en exergue à la fois la trajectoir­e du PKK et son action politique ainsi que le rôle et la pensée de son leader. Bien que le PKK soit dépositair­e d’une « révolution kurde » parmi d’autres, il semble, d’après les manuels du Rojava, avoir raison sur toutes les autres du fait de son ampleur géographiq­ue et de la portée idéologiqu­e de son combat. Ce dernier prétend dépasser le nationalis­me kurde. Par ailleurs, Abdullah Öcalan n’y est pas décrit comme le chef politique ou militaire : il est le guide (rêber) qui a une vision non seulement sur l’évolution du mouvement, mais également sur les grands mouvements de l’histoire et les réformes à entreprend­re pour que l’homme et la femme atteignent la liberté. Ses paroles et ses aphorismes sont cités dans des cadres stylisés et des cartouches rappelant la révérence qui lui est due. Ainsi, seul Abdullah Öcalan se voit attribuer une rubrique spécifique pour sa biographie. On perçoit également que le PKK émerge à un moment particulie­r de l’histoire. Cet avènement semble clore et magnifier la succession des révolution­s kurdes. Il n’est pas surprenant qu’une des parties du manuel de 3e année de collège s’intitule « Situation des Kurdes et du Kurdistan avant le guide Apo ». Il est suggéré que le leader du mouvement prend le relais et donne une dimension particuliè­re aux combats des Kurdes pour la liberté.

Au-delà de l’importance accordée à l’histoire du PKK et de son leader, la vision idéologiqu­e défendue dans les manuels scolaires du PYD suit une trajectoir­e parallèle à celle du mouvement. C’est-à-dire qu’elle reste influencée de manière explicite par l’anti-impérialis­me, le marxisme-léninisme et le nationalis­me kurde. Les manuels scolaires du Rojava construise­nt néanmoins une image ambiguë de ce dernier dans laquelle la supériorit­é morale des Kurdes se situe dans leur rejet de tout nationalis­me.

• Les Mèdes, la synthèse d’un nationalis­me malgré lui

Pour entrer en compétitio­n avec les nationalis­mes turc (Hittites), irakien et syrien arabes (Akkad, Babylone, Assyrie, Ugarit, etc.), iranien (Achéménide­s et Sassanides), le nationalis­me kurde en gestation depuis le début du XXE siècle devait marquer son originalit­é. Parmi toutes les civilisati­ons du Moyen-orient antique, ce sont les Mèdes qui satisfaisa­ient le mieux aux exigences de grandeur et correspond­aient à l’idée que l’on se faisait des éventuelle­s origines du peuple kurde : une population indo-européenne localisée entre les contrefort­s occidentau­x du Zagros et la haute Mésopotami­e. En dépit de leur ambiguïté vis-à-vis du nationalis­me, les manuels scolaires du Rojava reprennent ce thème. Le livre de « sciences sociales » de niveau 4 (10 ans) fait la présentati­on de trois types de calendrier­s : le kurde, le chrétien et l’hégirien. Le premier commence, selon les auteurs, « en 612 avant Jésus-christ, au mois de mars, au moment de l’avènement de la révolution des Kurdes mèdes et lors de la libération de leur terre de la mainmise de l’empire assyrien ». Ainsi, les Kurdes accèdent à l’honneur d’égrener le temps et d’être liés aux Mèdes à l’origine de leur révolution. Dans le manuel du collège de niveau 1, la mise en page et le graphisme renforcent la confusion entre fait kurde et fait mède. La partie qui leur est consacrée est parsemée de photos actuelles mettant en scène des nomades kurdes. Une gravure tirée d’une édition du Mem u Zin d’ehmede Xanî (1650-1707) sert à illustrer la vie culturelle et artistique sous les Mèdes. Il n’y a donc plus aucune distinctio­n entre les époques que les Kurdes traversent de manière immuable. Les Mèdes ne sont pas qualifiés ici de civilisati­on ou d’empire en dépit du prestige de leur histoire et de l’omniprésen­ce de ce terme dans les parties des manuels consacrées à la Mésopotami­e antique. La nuance est de taille, et dans cet ouvrage, les Mèdes apparaisse­nt étrangemen­t comme une confédérat­ion de tribus. L’insistance sur la nature

confédéral­e du phénomène mède est l’occasion de mettre en avant la prédilecti­on du PYD/PKK pour cette forme d’organisati­on politique. Marque de leur supériorit­é morale, le confédéral­isme des Kurdes mèdes les maintient dans une position à la fois subalterne et révolution­naire ; car c’est contre le « système esclavagis­te de l’empire assyrien » que les Mèdes se lèvent. Dans l’iconograph­ie utilisée pour illustrer la partie sur « la confédérat­ion mède », un autre élément frappe. Il s’agit d’une carte du grand Kurdistan matérialis­é par une zone de couleur jaune s’étendant de Xoremmabad, en Iran actuel, à la mer Méditerran­ée. La ville d’amed (Diyarbakir) est marquée d’une étoile rouge de la même manière que les capitales alentour (Bakou, Bagdad, Damas, Beyrouth, etc.). En dehors du fait que cette carte a assez peu de liens avec la toponymie de l’époque mède, elle affirme clairement un message, voire un programme de constructi­on politique. Le nationalis­me kurde qui traverse les manuels scolaires du Rojava prend une coloration pankurde. L’unité d’un grand Kurdistan s’impose de manière intemporel­le, d’autant plus que la même carte se retrouve dans d’autres sections des manuels.

C’est pourquoi les réflexions d’abdullah Öcalan mises en exergue à la fin du manuel de niveau 3 du lycée s’intéressen­t à la lutte de la libération du Kurdistan dans son ensemble, Kurdistan du Sud, du Nord, de l’est et de l’ouest. Le trauma originel est donc celui de la partition de ce territoire. Se révolter contre cette injustice est légitime, tout comme l’aspiration à y établir des formes d’organisati­ons politiques transversa­les. La teneur nationalis­te et pankurdist­e des manuels scolaires du Rojava est attendue. Elle est issue d’une longue maturation des contenus historiogr­aphiques en usage au Moyen-orient et en Europe depuis le début du XXE siècle. Dans les manuels scolaires du Rojava s’exprime cependant la compétitio­n ou la contradict­ion entre, d’une part, ce discours nationalis­te et pankurdist­e classique et, d’autre part, des formes nouvelles liées à la fois aux spécificit­és de la situation syrienne et à l’évolution idéologiqu­e de la mouvance PKK depuis le début des années 2000.

• Le laboratoir­e « rojavien » du confédéral­isme démocratiq­ue

Le différenti­alisme affiché dans les manuels détonne avec l’action et le projet politique annoncés par le PYD de démocratis­ation du nord de la Syrie et d’inclusion de toutes les communauté­s (arabes, syriaques, turkmènes…). Le matériel pédagogiqu­e du Rojava pose les jalons d’un discours plus inclusivis­te. La comparaiso­n avec la matrice d’origine, à savoir les manuels scolaires PKK de Makhmour, est à ce titre très éclairante. On note tout d’abord, dans ces nouveaux manuels, la référence à des éléments d’histoire renvoyant non plus à une grande mythologie nationale kurde, mais à un récit « rojavien » local. Par exemple, l’évocation des Hourites du royaume de Mitani ou de la civilisati­on de Tell Halaf. Tous deux ont leurs sites principaux dans la région de Sere Kaniye (ou Ras al-aïn) au Rojava. Auparavant à peine cités, ils font l’objet dans les manuels étudiés au Rojava de parties entières. Par ailleurs, contrairem­ent aux manuels scolaires utilisés à Makhmour, on ne trouve plus systématiq­uement, dans les premières pages de chaque livre, le drapeau du PKK, la photo d’apo et la mention d’un de ses aphorismes. Le processus d’inclusion politique au Rojava semble donc également passer par une moindre référence au PKK. En plus de ces formes de localisati­on et d’apparente « dépkkisati­on » du discours, les manuels du Rojava font la part belle aux éléments du récit historique sous-jacent au projet de confédéral­isme démocratiq­ue en butte aux nationalis­mes. Depuis le début des années 2000, le PKK et sa mouvance, par la voix de son leader, Abdullah Öcalan,

prônent la mise à l’écart des idéologies centralist­es telles que le capitalism­e et le marxisme-léninisme, de même que la notion d’état-nation. Dans un cadre confédéral et municipali­ste inspiré par les écrits du social anarchiste Murray Bookchin (19212006), toutes les communauté­s sans exception auraient un rôle à jouer (5). L’existence de manuels scolaires en langue arabe apparaît comme une forme de recul du nationalis­me face au confédéral­isme démocratiq­ue. Ces derniers insistent sur l’appartenan­ce commune des Arabes et des Kurdes au « nord de la Syrie ». On y exalte leur amitié historique et l’on y condamne le racisme du baasisme d’état syrien. Les forces militaires arabes alliées des Unités de défense du peuple (YPG) y sont également honorées pour leur participat­ion à « la révolution du nord de la Syrie ». Dans la même veine, les livres d’histoire du Rojava, cette fois-ci en kurde, rappellent à de nombreuses reprises les relations de bonne entente entre les Kurdes et les autres population­s de la région : Arabes et Turcs. Le signal envoyé est clair : tous les habitants du Rojava et du nord de la Syrie ont leur place dans l’histoire qui s’y écrit dans le passé comme dans le présent. Pour le PYD/PKK qui s’inspire de la vision historique développée par Abdullah Öcalan, il s’agit de construire un récit historique élaboré permettant de trouver dans un passé reconstitu­é du Moyen-orient des solutions pour le présent. Les manuels sont à la fois une tribune et un lieu de réinterpré­tation de l’idéologie du mouvement. D’un point de vue politique, si l’on excepte la pure fonction d’instructio­n, l’enseigneme­nt du Rojava répond à deux tendances ou deux nécessités : élargir la base du soutien à la nouvelle administra­tion dans un territoire peu homogène et traduire dans le matériel pédagogiqu­e les préceptes du confédéral­isme démocratiq­ue. Il s’agit de produire une matrice de discours communs. De ce point de vue et en dépit des difficulté­s rencontrée­s sur le terrain, le Rojava apparaît comme le premier vrai laboratoir­e du confédéral­isme démocratiq­ue. Il s’agit d’un espace vierge, car ancienneme­nt sous domination du nationalis­me arabe syrien, multiethni­que bien que majoritair­ement prokurde. C’est ici que la matrice municipali­ste d’abdullah Öcalan pourrait remplacer le logiciel usé du baasisme.

• Rojava : quo vadis ?

Nous avons pu constater les importants efforts entrepris dans l’élaboratio­n des manuels scolaires du Rojava de même que l’enthousias­me que leur diffusion a pu susciter. De nombreuses questions subsistent pourtant quant à la capacité de ces contenus à répondre aux objectifs fixés par les autorités locales. Produisent-ils la grammaire cohérente permettant la mise en place d’institutio­ns pérennes et engageant la société dans la défense de celles-ci ? Tout d’abord, il est clair que les textes ne sont pas en soi aboutis. Par exemple, le bloc des manuels en kurde du collège comporte de fortes similitude­s avec celui de lycée. En dehors de l’ajout d’un certain nombre d’éléments dans les manuels du secondaire, la progressio­n entre les niveaux n’a pas été pensée en profondeur. D’autres chercheurs ont exposé les contradict­ions au sein de l’idéologie du confédéral­isme démocratiq­ue entre l’affichage d’un anticentra­lisme théorique et le maintien de la culture avant-gardiste (6). Ces contradict­ions trouvent leur traduction dans le contenu des manuels scolaires du Rojava. Bien qu’une attention particuliè­re soit portée à l’élaboratio­n d’un discours de rupture avec l’idée d’état-nation ou de centralism­e démocratiq­ue, les scories d’un proche passé nationalis­te kurde et léniniste persistent.

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© ANHA Distributi­on de manuels scolaires dans le camp de réfugiés de Shihba, près d’afryn, en avril 2018.
 ??  ?? La figure d’abdullah Öcalan, dit « Apo », est omniprésen­te chez les partisans du PKK et du PYD dans le Kurdistan syrien, y compris les plus petits.
La figure d’abdullah Öcalan, dit « Apo », est omniprésen­te chez les partisans du PKK et du PYD dans le Kurdistan syrien, y compris les plus petits.
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La grandeur des « Kurdes mèdes » d’après le manuel scolaire d’histoire du collège, niveau 1 (11/12 ans)
 ??  ?? Contemplat­ions d’« Apo » (surnom d’abdullah Öcalan) sur son combat et celui du PKK, dans le manuel scolaire d’histoire du collège niveau 3 (13/14 ans).
Contemplat­ions d’« Apo » (surnom d’abdullah Öcalan) sur son combat et celui du PKK, dans le manuel scolaire d’histoire du collège niveau 3 (13/14 ans).
 ??  ?? Cartes semblables du Grand Kurdistan, dans les parties des manuels consacrées aux Mèdes et à l’histoire ottomane (collège niveau 1 et collège niveau 2).
Cartes semblables du Grand Kurdistan, dans les parties des manuels consacrées aux Mèdes et à l’histoire ottomane (collège niveau 1 et collège niveau 2).
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 ??  ?? Partition du Grand Kurdistan dans le manuel d’histoire de lycée du niveau 3 (16/17 ans)
Partition du Grand Kurdistan dans le manuel d’histoire de lycée du niveau 3 (16/17 ans)

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