Moyen-Orient

Les enjeux sociétaux et économique­s de la Fédération démocratiq­ue du Nord-syrie

- Cyril Roussel et Aimad Hesso

Depuis 2011, la Syrie est plongée dans un conflit qui dure, et plusieurs parties du pays ne sont plus sous le joug de Damas. La plus médiatisée demeure la zone sous contrôle d’une coalition kurdo-arabe, les Forces démocratiq­ues syriennes (FDS) qui, depuis 2013, ont mis en place une administra­tion autonome. Les FDS sont militairem­ent soutenues par les États-unis et la France dans le cadre de la lutte contre l’organisati­on de l’état islamique (EI ou Daech). Tant que cette présence est assurée, le projet d’autoadmini­stration se concrétise sur le terrain, mais avec de nombreuses contrainte­s. Pour réussir, les autorités locales n’ont que peu de leviers entre leurs mains.

Le premier levier demeure la capacité à assurer la gouvernanc­e et la sécurité des population­s. Sur le terrain conquis aux dépens de L’EI, ces autorités kurdes tentent de gérer près de 3 millions d’habitants, qui se caractéris­ent par leur diversité linguistiq­ue, culturelle et religieuse : c’est un défi essentiel à relever. Autonomes de facto du gouverneme­nt de Damas, elles proposent un projet original de gouvernanc­e locale qui repose sur les

thèses de l’américain Murray Bookchin (1921-2006) (1), reprises par Abdullah Öcalan, leader du Parti des travailleu­rs du Kurdistan (PKK) emprisonné en Turquie depuis 1999. Ce modèle politico-sociétal a pour vocation de s’appliquer également à d’autres régions de Syrie, car il n’est pas centré sur le nationalis­me kurde. Le défi est de montrer qu’un modèle de développem­ent social et économique respectueu­x des valeurs démocratiq­ues, de l’environnem­ent, de l’égalité

hommes/femmes, des communauté­s ethniques et religieuse­s demeure possible. Un autre chantier consiste à relancer la machine économique, ce qui passe par une réhabilita­tion des infrastruc­tures dans les domaines de l’énergie, des transports et de l’agricultur­e ; c’est le second grand défi. Le pétrole, le commerce et l’agricultur­e sont les principale­s sources de revenus potentiels pour les population­s, mais aussi pour les autorités locales qui ont besoin d’un budget pour faire fonctionne­r leur système administra­tif en constructi­on. Ainsi, un effort important est fait pour redistribu­er des salaires et associer les population­s au projet de gestion autonome. La réussite de ces initiative­s, dans les zones à majorité kurde dans un premier temps, est essentiell­e pour les acteurs locaux à la manoeuvre (2), surtout dans l’optique de servir de modèle ailleurs.

• Un territoire à administre­r et une société à reconstrui­re

Avec une déclaratio­n d’autonomie, en novembre 2013, sur les territoire­s que les Kurdes contrôlaie­nt alors, c’était tout un chantier qui s’ouvrait à eux, sur ce qu’ils nommaient les trois cantons (Afryn, Kobané, Djézireh). La nouvelle administra­tion autonome transitoir­e manquait de tout en 2014 : pas de budget et peu de cadres pour gérer les territoire­s contrôlés militairem­ent (3). Dans ce contexte où il fallait s’organiser dans l’urgence et tout créer, le Parti de l’union démocratiq­ue (PYD) a eu besoin de l’aide de son grand frère le PKK. Dans un premier temps, des Kurdes de Turquie et d’iran formés par le PKK sont venus en renfort pour encadrer les Kurdes de Syrie. Aux dires du PYD, ils ne devaient rester que pour une période de transition, le temps de relancer le système éducatif et de formation. Ils demeurent toujours présents à des postes clés de l’administra­tion, constituan­t les garants du système démocratiq­ue fédéral et communal théorisé par Abdullah Öcalan. On les retrouve pour partie dans les académies, ces instituts de formation des cadres.

L’éducation est un domaine stratégiqu­e pour remodeler les mentalités et former les personnes qui ont pour rôle de promouvoir et d’assurer le fonctionne­ment du nouveau projet sociopolit­ique autonome impulsé par les Kurdes partisans de l’idéologie du leader du PKK. Les programmes s’appuyant sur de nouveaux manuels scolaires représente­nt un changement radical par rapport au système éducatif baasiste. Ces manuels sont édités en trois langues (kurde, arabe, assyrien) et partagent

peu ou prou le même contenu. Près de 150 personnes y travaillen­t en 2018 alors qu’elles n’étaient que sept en 2014. Depuis 2013, le système éducatif a été relancé partout où les forces kurdes puis arabo-kurdes (à partir de 2016) se sont imposées. Près de 2 000 établissem­ents scolaires, depuis 2014, ont été remis en fonctionne­ment par la nouvelle administra­tion ; dans chaque endroit libéré de L’EI, des établissem­ents ont ouvert. En 2018, ce sont près de 21 000 enseignant­s, issus pour certains des 15 instituts de formation des instituteu­rs, qui exercent dans la seule province de Djézireh. Toutes ces personnes sont payées par l’administra­tion civile régionale autonome ; environ 60 000 livres syriennes (100 euros au taux de novembre 2018) par mois en début de carrière, plus en fonction de l’ancienneté. Un embryon universita­ire a également vu le jour en 2016, l’université du Rojava, avec des centaines d’étudiants répartis dans sept établissem­ents : deux à Rumeilan et cinq à Qamichli. Mais l’outil de formation du personnel encadrant pour administre­r les territoire­s sous le contrôle des FDS demeure les académies ; elles ont pour but de former du personnel pour l’administra­tion civile autonome en lui inculquant les bases du système. Elles sont des lieux de diffusion de la vision sociétale qui tente de se construire à travers la Fédération démocratiq­ue du Nord-syrie (FDNS) et qui doit permettre de dépasser celle modelée par le Baas. Cinq académies – Hassaké, Rumeilan, Derek (Al-malikiyah), Amouda, Qamichli – forment des professeur­s en langues kurde et arabe et des cadres administra­tifs aux principes de justice sociale, valeurs démocratiq­ues, fédéralism­e dans l’objectif de « reformater » un personnel issu du système baasiste et d’impulser le nouveau programme social.

• La réconcilia­tion : un enjeu pour le projet fédéral autonome

Reconstrui­re la société dans le nord de la Syrie passe par l’abandon des réflexes communauta­ires hérités des décennies passées, qui s’étaient, entre autres, cristallis­és par l’exercice et le contrôle du pouvoir politique et économique d’une frange de la population : jusqu’à 2011, les Kurdes étaient marginalis­és. L’objectif et l’ambition des autorités chargées du projet fédéral et démocratiq­ue sont de proposer un modèle de cohésion sociétale qui respecte chaque communauté : arabe, assyrienne, kurde… Pour cela, les élites kurdes cherchent à éviter toutes tensions avec les non-kurdes : dans cette optique, le projet sociopolit­ique pour la FDNS n’est pas présenté comme un basculemen­t des pouvoirs au bénéfice des Kurdes, ce qui serait perçu comme une revanche d’une communauté sur les autres. Par exemple, les graves contentieu­x entre Arabes et Kurdes issus des décennies baasistes sont laissés de côté (pour le moment) par la nouvelle administra­tion. L’objectif est de rassembler pour éviter le piège de la discorde. Après une période de méfiance, des membres de la communauté arabe rejoignent à partir de 2016 le projet d’administra­tion autonome qui doit peu à peu s’ouvrir à de nouvelles population­s au fur et à mesure que les forces militaires kurdes, les Unités de défense du peuple (YPG), avancent en territoire arabe aux dépens de L’EI. Les FDS sont créées pour intégrer des unités de combattant­s arabes issues surtout de mouvements tribaux dans un premier temps. Le Conseil démocratiq­ue syrien (CDS) voit le jour pour politiser un processus de rapprochem­ent kurdo-arabe, au départ uniquement militaire : le projet de « Rojava » comme seul horizon est peu à peu abandonné au profit d’un projet de fédération, moins centré sur les Kurdes, même si ces derniers restent à la manoeuvre. La jeune génération arabe cherche elle aussi des salaires, en se faisant recruter par la nouvelle administra­tion. Beaucoup d’entre eux ont rejoint les FDS, les forces de police et de sécurité intérieure. C’est un processus en marche, progressif. Le régime syrien n’a plus beaucoup de ressources dans ces régions. Il compte encore des partisans, mais il demeure isolé. Au début du conflit, beaucoup pariaient sur son retour rapide. Mais les années s’écoulent et il faut bien trouver des ressources financière­s pour vivre. De plus, avec la guerre contre L’EI, les combattant­s kurdes et arabes ont créé des liens, notamment lors de la bataille de Raqqa (juin-octobre 2017). « Retourner vers le régime » est présenté comme de plus en plus inenvisage­able pour une partie des Arabes sunnites de Syrie. Avec l’exemple de l’irak voisin, la question sunnite-chiite est devenue prégnante. La peur des milices chiites renforce le sentiment que Damas ne peut plus rien proposer dans l’immédiat, financière­ment et politiquem­ent parlant. C’est bien dans cette capacité à fournir services et salaires que l’administra­tion autonome tente de remporter ce défi sociétal. Pour le moment, les salaires sont plus élevés dans certains territoire­s de la FDNS que dans les zones reprises par le régime ; les carburants y sont moins chers, la sécurité y est bonne et il n’y a pas de pénuries alimentair­es. Certes, l’avenir est incertain, mais les conditions de vie sont « meilleures » que

dans d’autres zones du pays. La confiance entre communauté­s ne sera pourtant pas facile à rétablir. Les cadres kurdes de la nouvelle administra­tion doivent convaincre qu’il ne s’agit pas d’un projet « nationalis­te ». Plus les non-kurdes auront leur place, plus la confiance se renforcera. Mais le défi est énorme, car des forces d’opposition travaillen­t pour contrarier le processus et discrédite­r le projet en jouant sur le levier du communauta­risme pour maintenir les divisions (4).

L’une des forces idéologiqu­es du projet de fédéralism­e démocratiq­ue tel qu’il est mis en oeuvre dans les territoire­s autonomes du nord de la Syrie réside dans cette recherche (utopique ?) d’entente intercommu­nautaire kurdo-arabe, unique moyen du « vivre ensemble ». En même temps, celui-ci représente son principal talon d’achille, car c’est sur ce point que ses ennemis vont interagir pour le fragiliser, en poussant notamment les Arabes à en sortir. Si le premier grand défi demeure sociétal, le second est économique.

• La machine administra­tive : des sources de revenus limitées

En 2014, les ressources financière­s étaient quasi inexistant­es : pas d’exploitati­on pétrolière ; la frontière avec l’irak était fermée par intermitte­nce. L’administra­tion transitoir­e avait commencé avec des salaires mensuels faibles de 20 000 livres syriennes (98 euros au taux de novembre 2014) pour les fonctionna­ires et 50 000 pour les cadres. Très peu de gens travaillai­ent alors pour l’administra­tion autonome. En 2018, la région de Djézireh compte près de 55 000 fonctionna­ires, sachant que ce chiffre exclut les forces de sécurité, les militaires et la sécurité intérieure. Les salaires commencent à 60 000 livres syriennes en début de carrière et augmentent avec l’ancienneté ; pour les cadres, le niveau des salaires est légèrement plus haut (entre 80 000 et 95 000 livres, soit jusqu’à 160 euros au taux de novembre 2018). Il est plus élevé que dans les zones sous contrôle du régime de Damas.

Reconstrui­re une administra­tion passe nécessaire­ment par la case financière. À l’échelle de la région de Djézireh (Qamichli et Hassaké), un comité des finances est chargé de la collecte des taxes qui alimentent pour partie le budget destiné au fonctionne­ment du système administra­tif local. Kobané et Afryn (avant l’invasion turque de janvier 2018) procédaien­t de même, et ce, de manière autonome. Ce comité gère les taxes douanières, les revenus issus du change monétaire et les taxes sur le commerce ; il collecte et redistribu­e à l’administra­tion les revenus des autres comités, comme évoqué plus loin. Un système bancaire et d’assurance n’a pas pu encore être mis en place dans le contexte juridique de non-reconnaiss­ance de l’entité autonome. Ces entrées financière­s permettent de constituer le budget régional, planifié par tranches de trois mois, tant les aléas sécuritair­es et géopolitiq­ues (fermeture d’un point de passage frontalier, perte d’un territoire…) et les fluctuatio­ns du taux de change de la livre syrienne sont imprévisib­les. Le paiement de l’intégralit­é des fonctionna­ires de toute la région autonome de Djézireh se fait à travers ce comité des finances. Seules les municipali­tés sont financière­ment indépendan­tes. Dans les faits, elles sont régulièrem­ent aidées par la région pour compléter leur budget. Le financemen­t des entités territoria­les de la FDNS relève donc de quatre grands domaines : l’énergie et les ressources naturelles, l’agricultur­e, les taxes intérieure­s aux usagers et celles sur le commerce et les échanges douaniers.

Pour la Djézireh, les taxes douanières avec le Gouverneme­nt régional du Kurdistan, en Irak, constituer­aient la première source de revenus pour l’administra­tion régionale. Ce qui fait du point de passage de Simalka, sur le Tigre, un lieu stratégiqu­e

pour les échanges interkurde­s. Simalka représente­rait, en fonction du trafic commercial, 30 à 40 % des revenus de la Djézireh (15 millions à 25 millions d’euros par an), lieu d’autant plus important que la frontière est fermée avec la Turquie, et ce, de manière hermétique par un mur de béton de plusieurs centaines de kilomètres. Viennent ensuite les taxes, les produits agricoles et commerciau­x sur le marché local, puis, enfin, les revenus au point de passage avec le régime de Damas à l’intérieur de la Syrie (entre Manbij et Alep). Compte tenu de la production, le pétrole n’est pas la source principale de financemen­t (du moins officielle­ment), car il est vendu et consommé sur place au sein de la fédération. De plus, il fait l’objet d’un important trafic par de petits commerçant­s chargés du raffinage. Mais l’augmentati­on de sa production et le contrôle de sa distributi­on apparaisse­nt comme des enjeux économique­s et financiers de premier ordre dans un avenir proche.

Depuis 2017, les autorités de la région autonome de Djézireh parviennen­t à dégager un budget d’environ 17 millions d’euros par trimestre, volume qui demeure fluctuant. Il sert tout juste à payer les fonctionna­ires. Notons que près de 100 000 fonctionna­ires toucheraie­nt toujours leur salaire du régime de Damas (30 000 livres syriennes), ce qui permet à une partie de la population de vivre du cumul de ces deux revenus. La plupart des fonctionna­ires du régime syrien sont inactifs, mis à part dans de rares zones toujours sous le contrôle de Damas (quelques bâtiments et quartiers à Qamichli et Hassaké) ; ils ont basculé leurs activités dans les bureaux de la nouvelle administra­tion autonome.

• Comment gérer la dépendance envers l’extérieur ?

Seule l’améliorati­on des capacités économique­s sera en mesure d’augmenter le niveau des ressources financière­s qui permettra à la nouvelle administra­tion de gagner, en interne, le soutien de la population. C’est l’unique levier sur lequel les cadres politiques ont la possibilit­é de jouer, puisqu’ils ne peuvent prétendre à aucune aide venant de l’extérieur. Et encore, ce levier est fortement contrarié par les capacités de blocage de ses voisins qui peuvent interrompr­e les échanges commerciau­x à tout moment. Si la Turquie applique cette stratégie de blocus depuis des années, le Kurdistan irakien et le régime de Damas sont dans une position de force également.

Par exemple, au passage de Simalka, en provenance du Kurdistan d’irak, ce sont près de 30 à 40 camions qui entrent chaque jour pour fournir l’enclave autonome syrienne en produits alimentair­es et en pièces détachées (mécaniques automobile­s essentiell­ement). Un contrôle est réalisé du côté irakien pour interdire l’exportatio­n vers cette partie de la Syrie de pièces pour les machines-outils nécessaire­s au fonctionne­ment d’usines et du matériel pour la pétrochimi­e. Damas aussi contrôle les échanges pour garder un moyen de pression (blocus sur les médicament­s par exemple), ainsi que l’aide humanitair­e internatio­nale destinée aux population­s déplacées : les agences des Nations unies ne reconnaiss­ent que des États comme interlocut­eurs. Depuis des années, les ONG qui désirent travailler au Kurdistan syrien et dans les zones sous contrôle des FDS opèrent depuis l’irak. En bloquant le développem­ent économique des régions autonomes, les voisins limitent considérab­lement le pouvoir de clientélis­ation de la nouvelle administra­tion sur sa population. Sur le terrain, le résultat de ces blocages provoque des pénuries importante­s, particuliè­rement dans le domaine de la production et de la distributi­on d’énergie (pétrole, gaz et électricit­é), ce qui limite les capacités de développem­ent. Lorsque le processus d’autonomie fut lancé fin 2013, les autorités locales s’attelèrent à la remise en marche des moyens de

production d’énergie et de matières premières. Ralenti par le blocus de tous les côtés et par le manque de matériel et de main-d’oeuvre, notamment d’ingénieurs, le simple réamorçage des installati­ons prit des mois. La production et la distributi­on d’électricit­é demeurent un problème central. Elles dépendent de deux centrales à gaz (Souaidia et Rumeilan) et des trois barrages sur l’euphrate contrôlés par les FDS (Thaoura, Tishrin et Baas). Cumulés, ils produisent 315 mégawatts, alors que les besoins pour satisfaire l’ensemble des population­s sont de l’ordre de 1 500 à 2 000 mégawatts.

La production de pétrole pour fabriquer du mazout et de l’essence, essentiels pour la population, est assurée par les gisements de Souaidia et Rumeilan. Grâce à un système de raffinerie­s artisanale­s très polluantes et limitant grandement la transforma­tion, ils permettent d’alimenter les stations-service des territoire­s sous contrôle des FDS en produits de mauvaise qualité. La production de pétrole brut équivalait à un quart de celle d’avant 2011, soit 25 000 barils par jour au printemps 2018. Elle aurait depuis confortabl­ement augmenté pour presque doubler à l’automne. Ainsi, une grande partie est transformé­e sur place pour y être commercial­isée, mais une autre est transporté­e par camionscit­ernes vers Alep et les zones sous contrôle de Damas. C’est sur cette transactio­n que les autorités autonomes kurdes ont une petite marge de manoeuvre pour alimenter leur budget.

Le défi pour la réussite du projet politico-sociétal impulsé par les Kurdes, et auquel une partie des Arabes s’est ralliée, sera économique. Celui qui pourra contrôler et augmenter les ressources financière­s aura les moyens de payer les salaires, clientélis­er la population, financer le développem­ent et, pourquoi pas, la reconstruc­tion des zones touchées par la guerre (comme à Raqqa). Il pourra surtout mieux négocier sa survie sur la scène régionale et internatio­nale.

• Un modèle pérenne pour l’avenir ?

Pour la nouvelle administra­tion du nord de la Syrie, la situation géopolitiq­ue engendre encore beaucoup trop de blocages pour espérer relever le niveau des comptes. La circulatio­n commercial­e s’effectue sous contrainte­s majeures ; le besoin en pièces détachées et en main-d’oeuvre qualifiée est important. Les États-unis n’apportent pas d’aide technique ; ils sont focalisés sur l’effort militaire. Le contexte géostratég­ique limite donc le développem­ent du projet d’autogestio­n mené par les Kurdes, modèle qu’ils souhaitera­ient voir se répandre ailleurs en Syrie. On comprend mieux les stratégies de résistance et d’isolement de la Mésopotami­e syrienne par ses voisins immédiats.

Le défi économique demeure la pierre angulaire de tout projet sociétal et politique nouveau. En Syrie, le début de la période postconfli­t commence à se profiler. On parle déjà de reconstruc­tion et de réconcilia­tion. Le modèle d’autonomie régionale fédérale tel que proposé par les Kurdes est bien implanté au sein de certains territoire­s, mais il se heurte à des résistance­s sociétales (communauté arabe) ; il rencontre, de plus, des limites économique­s liées à sa non-reconnaiss­ance juridique, à l’échelle tant nationale qu’internatio­nale, bloquant ainsi toute fluidité commercial­e et donc tout espoir réel d’expansion. Dépendant du contexte militaire et du parapluie américain, mais aussi des capacités de nuisance des puissances voisines sur la scène géopolitiq­ue régionale, le chemin pour parvenir à pérenniser ce modèle politico-sociétal est étroit. Pourtant, reposant sur ces leviers uniques que sont l’utopie sociétale et l’économie locale partagée, c’est toute la crédibilit­é du projet d’administra­tion autonome qui est en jeu, s’il compte survivre et servir de modèle à d’autres territoire­s.

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 ?? © Yann Renoult ?? Raffinerie artisanale dans le sud de la province de Hassaké, en avril 2018.
© Yann Renoult Raffinerie artisanale dans le sud de la province de Hassaké, en avril 2018.
 ??  ?? Mur de béton construit par la Turquie sur la frontière avec la Syrie, aux environs d’amouda, en mai 2018.
Mur de béton construit par la Turquie sur la frontière avec la Syrie, aux environs d’amouda, en mai 2018.
 ??  ?? Nouveau poste de douane de Simalka construit en 2017 sur la frontière irako-syrienne, en mai 2018.
Nouveau poste de douane de Simalka construit en 2017 sur la frontière irako-syrienne, en mai 2018.
 ??  ?? Traversée du Tigre à Simalka par des Syriens qui effectuent le voyage vers le Rojava, en mai 2018.
Traversée du Tigre à Simalka par des Syriens qui effectuent le voyage vers le Rojava, en mai 2018.
 ??  ?? Barrage de Thaoura, en avril 2018.
Barrage de Thaoura, en avril 2018.
 ??  ?? Le pont flottant sur le Tigre, construit en 2013, permet aux camions de circuler entre les régions kurdes autonomes, en novembre 2014.
Le pont flottant sur le Tigre, construit en 2013, permet aux camions de circuler entre les régions kurdes autonomes, en novembre 2014.
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