Éditorial
LLa France est un État de droit. Et il est du rôle de l’état de protéger ses citoyens, où qu’ils se trouvent, quand ils sont en danger. Nous l’avons vu en mai 2019 lorsque l’armée a perdu deux de ses soldats dans le sauvetage d’otages français au Burkina Faso. Au même moment, à des milliers de kilomètres de là, en Irak, des concitoyens étaient condamnés à mort pour terrorisme. Paris n’a pas voulu gérer le difficile retour de ces hommes et de ces femmes ayant lutté dans les rangs de l’organisation de l’état islamique (EI ou Daech). Si les tribunaux irakiens recourent à la peine capitale, la sentence est rarement appliquée. Mais le problème est là : comment la France peut-elle laisser des citoyens français dans le couloir de la mort alors qu’elle a renoncé à cette pratique en 1981 et qu’elle a adhéré à tous les textes internationaux appelant à sa disparition ? Certes, la France ne peut s’ingérer dans les affaires intérieures de l’irak, mais l’engagement pris d’assurer des formations militaires (et des livraisons d’armement ?) en échange de la « sous-traitance » des djihadistes français laisse perplexe. Le droit spécifie que toute personne est présumée innocente dans l’attente de son jugement, des avocats ayant justement rappelé que juger ces supposés terroristes en France ouvrait la possibilité de les libérer faute de preuves. Relâcher des poseurs de bombes dans les rues ? Impossible, s’insurgent les plus conservateurs ! Mais la réalité et les enjeux sont tout autres, nous le savons bien.
Après la disparition territoriale de Daech avec la reprise de Baghouz (Syrie) en mars 2019, l’organisation se transforme, n’aspirant plus à administrer un « califat » et ne souhaitant que constituer une menace armée pour les « mécréants ». Qui de mieux placés que d’anciens combattants pour connaître les projets de L’EI et son fonctionnement ? Accepter le retour des djihadistes français, c’est sans aucun doute obtenir des informations précieuses sur ce qu’il se passe en Syrie et en Irak, et, plus globalement, au sein de la sphère djihadiste. Plus important encore est de prendre en charge des individus complètement déboussolés, voire victimes d’un lavage de cerveau. Les plus vulnérables sont les enfants, qui ont grandi dans la violence, la peur et la haine. Considérer qu’ils sont irrécupérables est une faute morale, les condamnant à une double peine ; ne pas les aider à se relever physiquement et psychologiquement, c’est justement les transformer en bombe à retardement. La France a accepté d’accueillir des mineurs en provenance de camps de réfugiés gérés par des forces kurdes en Syrie. Combattre l’idéologie implacable que Daech a inculquée dans les esprits des plus petits, mais aussi des grands, est un défi majeur pour l’avenir.
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