Istanbul rive gauche
Timour Muhidine, CNRS Éditions, Paris, 2019, 380 p.
Écrit par l’un des plus fins connaisseurs de la littérature turque en France, enseignant à L’INALCO à Paris, cet ouvrage propose un vaste et passionnant panorama de la vie intellectuelle turque et de son avant-garde littéraire. Il opère une plongée dans l’histoire de l’istanbul européenne du XIXE siècle, le quartier de Péra ou « la ville franque », pendant stambouliote du Quartier latin parisien, où le français était communément parlé par sa population cosmopolite, aujourd’hui disparu et noyé dans les rues de ce que nous appelons à présent Beyoglu, de l’autre côté de Corne d’or, face à Saint-sophie. On y découvre l’attrait et la fascination exercée naguère par Paris sur tout un pan de l’intelligentsia turque francophone, entre artistes et poètes, de toute classe sociale, vivant leur bohème, inspirés par Pierre Loti (1850-1923) ou Louis Aragon (1897-1982). Dans cette optique, la relation entre le Paris des intellectuels et la « rive gauche » stambouliote se caractérise par un jeu de miroir saisissant. Alors que des cohortes de voyageurs, de poètes et de romantiques en mal d’un Orient fantasmé ont sillonné et écrit sur Constantinople, l’ouvrage nous conduit sur les traces de générations d’écrivains turcs, étudiants ou exilés qui ont fait le chemin inverse, jetant leur dévolu sur Paris. Pour les amoureux d’istanbul, cette déambulation urbaine, dans l’espace et le temps, est une belle évasion doublée d’un témoignage précieux.