L’influence numérique protéiforme des imams saoudiens
Malgré les effets d’annonce faisant de l’arabie saoudite une monarchie en voie de modernisation et d’ouverture, la société saoudienne reste liberticide. La presse locale est totalement alignée sur le régime, les partis politiques sont interdits et les mouvements de la société civile presque inexistants ; un espace de discussion sur le Web, aussi surveillé soit-il, apparaît dès lors comme salvateur. Les internautes saoudiens en quête de liberté se rabattent sur les réseaux sociaux, les applications de messagerie et de partage de photographies et de vidéos (1), ce que les religieux ont bien compris pour étendre leur influence.
Selon la Banque mondiale, 93 % des 34,26 millions d’habitants (dont 37 % d’étrangers) que compte l’arabie saoudite en janvier 2020 sont des utilisateurs d’internet. La population, dont l’âge médian ne dépasse pas les 30 ans, a profité de la popularisation des smartphones et de l’augmentation du débit, puisque le royaume compte environ 25 millions de comptes actifs sur les réseaux sociaux. La montée en puissance de ces derniers en Arabie saoudite a été perçue par une partie des religieux comme un
moyen d’accroître le nombre de leurs fidèles. Ce nouveau vecteur de communication a permis de renforcer la prédication en flux continu, alors que par le passé les interactions passaient presque exclusivement par la prière du vendredi à la mosquée, la vente de cassettes ou de CD, et l’entretien épisodique de discussions sur des blogs. Parmi la multitude de réseaux sociaux disponibles, Twitter apparaît comme l’outil privilégié des religieux saoudiens. Néanmoins, ils ne forment pas un bloc monolithique, et tous ne sont pas unanimes sur le recours aux réseaux.
Dans le cyberespace saoudien se côtoient différents groupes aux discours distincts. Le spectre est ainsi divisé entre les imams de l’establishment officiel proches de la monarchie, ceux issus du courant réformateur Sahwa (de l’arabe al-sahwa al-islamiyya, le « réveil islamique ») et un groupe composé de religieux chiites d’une part et de libéraux sur le plan des moeurs d’autre part. Il convient également d’y ajouter un groupe marginal structuré autour de figures soutenant le djihadisme, mais leur présence numérique est en recul en raison de la suppression rapide et systématique des comptes par les autorités.
• La starification de la Sahwa, et sa mise au pas
Les religieux les plus populaires sur les réseaux sociaux en Arabie saoudite sont les imams issus de la Sahwa. Ce mouvement s’est structuré à partir de la fin des années 1970 et s’est renforcé de manière progressive durant la décennie 1980. Nombre de ses figures principales ont été influencées par la pensée et l’activisme des Frères musulmans égyptiens, syriens et palestiniens qui avaient fui la répression dans leurs États respectifs et avaient été accueillis par le régime saoudien dans les années 1950 et 1960. Ce n’est toutefois qu’au début de la décennie 1990, lors de la guerre du Golfe, qu’elle se fait connaître médiatiquement aux yeux du monde. Salman al-awda, Aaed al-qarni, Safar al-hawali et Nasser al-omar se sont ainsi opposés au stationnement de troupes américaines sur le sol saoudien. Ils ont critiqué l’institution religieuse officielle pour avoir apporté un soutien à la stratégie militaire de la monarchie. Cette opposition interne avait mené à l’arrestation d’une grande majorité des membres influents du mouvement, comme Salman al-awda, emprisonné entre 1994 et 1999.
À sa libération, celui-ci est devenu un allié du régime. C’est donc une relation mêlant cooptation et méfiance qui unissait ces religieux de la Sahwa à la monarchie saoudienne, puisque les Al-saoud voyaient en eux un vecteur utile de stabilisation sociale, mais aussi une menace à surveiller de près. À la fin des années 1990, la cooptation des membres de la Sahwa offrait au régime un atout de poids pour contrer la montée en puissance du courant djihadiste saoudien, qui s’est révélé aux yeux du monde entier lors des attentats du 11 septembre 2001. Plus tard, l’apparition des contestations populaires des « printemps arabes » à partir de fin 2010 et l’émergence des mouvements proches des Frères musulmans dans certains pays arabes
ont de nouveau replacé ce courant de la Sahwa dans la ligne de mire de la monarchie. Voyant l’influence grandissante des réseaux sociaux sur la jeunesse saoudienne, les membres de la Sahwa les ont massivement adoptés. Leur présence en ligne est vite devenue forte sur Twitter et s’est étendue à Facebook, Snapchat et Instagram, où ils ont des millions de fidèles, saoudiens comme étrangers. Sur Twitter, en mai 2020, Salman al-awda comptait 13,2 millions d’abonnés en arabe, tandis qu’aaed al-qarni en avait 19,5 millions. Le théologien et prédicateur religieux Mohamed al-arifi, réputé proche de la Sahwa, a une influence énorme puisque son compte Twitter arabophone enregistre 21,2 millions d’abonnés. À titre de comparaison, le roi Salman (depuis 2015) affiche 8,2 millions d’abonnés arabophones. La popularité des imams de la Sahwa s’explique en bonne partie par la nature de leurs interactions sur les réseaux sociaux. Ainsi, la publication de vidéos de Salman al-awda où il apparaissait souvent souriant pour répondre à des questions sur l’application des préceptes islamiques dans la vie quotidienne en ont fait une figure appréciée des internautes. Chacun de ses messages prodiguant des conseils sur l’importance des prières quotidiennes, l’éducation des enfants, la gestion des comportements jugés adéquats au sein d’une bonne famille musulmane était ainsi relayé par plusieurs dizaines de milliers d’internautes. Nombreuses étaient également ses publications où il citait des passages coraniques, et ce plus particulièrement pendant la période du grand pèlerinage annuel. Chaque mois, c’était environ 300 000 tweets qui lui étaient été adressés, dont principalement des messages le remerciant pour ses conseils et le félicitant pour sa piété. Contrairement aux clichés occidentaux
L’influence numérique protéiforme des imams saoudiens
présentant les imams saoudiens comme un bloc de prêcheurs radicalisés ou pour le moins ambigus, Salman al-awda avait par exemple fermement condamné les actes terroristes internationaux, comme l’attaque du 14 juillet 2016 à Nice.
Les comptes de Salman al-awda sur les réseaux sociaux sont maintenant inactifs en raison de son arrestation par les autorités saoudiennes en septembre 2017. Toujours emprisonné au printemps 2020, il encourt la peine de mort dans un procès dénoncé par Amnesty International. Pour comprendre, il faut se remémorer que, depuis 2011, Al-awda avait à différentes reprises mécontenté la monarchie saoudienne, et que la perception politique de la Sahwa a alterné entre accords et désaccords avec le pouvoir. Ainsi, dans une lettre ouverte qu’il avait adressée le 15 mars 2013 au gouvernement, il maintenait son soutien apporté précédemment (dans un ouvrage en 2012) aux mouvements de contestation du monde arabe. Il mettait également en garde le régime contre une explosion de la contestation sociopolitique dans le pays si les prisonniers politiques n’étaient pas libérés et si des réformes n’étaient pas entreprises. Dans le dossier syrien, les membres de la Sahwa et le gouvernement appuyaient l’opposition, même si certaines divergences existaient sur les groupes à soutenir. Un autre sujet d’alignement était Bahreïn, où la Sahwa était favorable à la répression de l’opposition antimonarchie. L’émergence de l’organisation de l’état islamique (EI ou Daech) et la prise de la capitale yéménite par les Houthis (septembre 2015) avaient également rapproché la Sahwa du pouvoir. En revanche, la décision saoudienne d’imposer un blocus au Qatar en 2017 a entraîné la publication d’un message d’alawda sur Twitter espérant une amélioration prochaine des relations entre les deux États. Ce mot aurait convaincu la monarchie de l’emprisonner.
Aaed al-qarni a également été arrêté en 2017. Libéré puis mis en résidence surveillée dans la ville d’abha, il est maintenant libre. Al-qarni, qui a depuis de nombreuses années centré son discours sur les thématiques religieuses et sociales en évitant autant que possible les sujets politiques, publie de nombreux messages quotidiens sur les réseaux sociaux, notamment Twitter. Cela fait de lui un membre
de la Sahwa acceptable pour la monarchie, puisqu’il diffuse essentiellement des extraits du Coran, des photographies ou des vidéos des Lieux saints, ainsi que des messages de soutien à l’armée saoudienne ou aux initiatives politiques du roi Salman et du prince héritier. En mai 2019, il s’est même excusé, au nom de la Sahwa, en direct à la télévision pour ses positions intellectuelles antérieures avant d’apporter son soutien total à l’« islam modéré et ouvert » prôné par Mohamed ben Salman. Il s’est également livré à une attaque en règle visant le Qatar et le président turc Recep Tayyip Erdogan (depuis 2014), qu’il avait pourtant défendu par le passé. Al-qarni semble être rentré dans le rang en se mettant au service de la monarchie. Néanmoins, les liens tendus entretenus avec les autorités par le passé et ses dérapages sur les réseaux sociaux (2) font de lui un religieux pouvant nuire à l’image et à la stratégie politique de la monarchie. La gestion du cas Al-qarni par le régime est intéressante, puisqu’elle met en lumière le difficile jeu d’équilibriste auquel se livre le gouvernement saoudien. En effet, la popularité des membres de la Sahwa fait d’eux des icônes adulées dont il serait risqué de se passer totalement.
La ligne qui semble se dessiner est un durcissement continu et constant de Mohamed ben Salman envers les figures les plus politisées du mouvement, tandis que les plus éloignées du champ politique restent sous surveillance passive du moment qu’elles jouent le jeu en soutenant publiquement la monarchie. À l’ère des réformes promises par Mohamed ben Salman, le silence qui est parfois empreint d’ambiguïté est dorénavant proscrit : les membres de la Sahwa doivent soutenir le roi et le prince héritier. Cette mise au pas s’inscrit dans la continuité du bras de fer engagé par le régime avec les Frères musulmans (appuyés par la Turquie et le Qatar) au lendemain des « printemps arabes ». Ces pressions se sont accrues depuis l’ascension de Mohamed ben Salman.
• L’establishment religieux : entre hostilité et attirance pour le Web
Les oulémas de l’institution officielle entretiennent une relation ambiguë avec les réseaux sociaux. Ainsi, la plus haute autorité religieuse d’arabie saoudite, le Haut Conseil des oulémas, qui a pour rôle de conseiller le roi sur les questions islamiques, et le Comité permanent des recherches islamiques et de la délivrance des fatwas, qui prépare les documents de recherche du Haut Conseil des oulémas et émet des arrêts de jurisprudence islamiques, sont des organes réputés hostiles au Web. La réalité s’avère néanmoins plus complexe, avec différentes tendances en fonction des personnalités concernées.
Le grand mufti d’arabie saoudite, Abdelaziz Al al-cheikh, est par exemple connu pour ses violentes diatribes au sujet des réseaux sociaux et plus particulièrement de Twitter, qu’il considère comme la « source de tous les maux et de toutes les dévastations dans le monde ». C’est dans son émission religieuse à la télévision saoudienne qu’il a tenu ces propos, une précision qui explique déjà en partie son hostilité vis-à-vis de ces nouveaux modes de communication. En effet, Al al-cheikh a bénéficié d’une ouverture quasi totale aux médias traditionnels comme les émissions à la télévision et à la radio, les publications dans la presse papier et numérique ainsi que d’un lien direct avec
les fidèles lors des prières dans les mosquées. L’émergence des réseaux sociaux a donc créé un espace de prédication en ligne où, sur le plan théorique, tous les religieux des différentes tendances sont en compétition ouverte pour gagner la course à la popularité dans le cyberespace. De plus, les religieux sont susceptibles de subir de violentes charges de la part d’internautes qui profitent de leur anonymat pour adresser des critiques qu’ils n’oseraient pas formuler dans une mosquée par exemple. Sur le plan idéologique, contrairement à la Sahwa, les imams proches de la monarchie ont souvent entretenu un lien conflictuel et parfois violent avec les innovations technologiques.
En 2017, l’imam de la grande mosquée de La Mecque, Abdulrahman al-sudais, s’en est pris aux réseaux sociaux en affirmant que ces nouvelles méthodes d’utilisation d’internet propageaient de fausses informations nuisibles à la société. Il a comparé les utilisateurs de ces réseaux sociaux à des « kharidjites », un terme chargé en représentations historiques et religieuses puisqu’il fait référence à une communauté dissidente des premiers temps de l’islam. La présence en ligne des religieux de l’establishment officiel est bien plus faible que celle des imams de la Sahwa : nombre d’entre eux n’ont pas de compte officiel sur les réseaux ou sont peu suivis (certains ont même fermé leurs comptes après une courte période). Néanmoins, ils bénéficient d’une médiatisation indirecte de la part des comptes Twitter d’organes de presse saoudiens qui renvoient vers des articles leur donnant la parole. Ces religieux sont la caution théologique de la famille Al-saoud. Ils ne se mêlent que rarement de politique, si ce n’est pour apporter un soutien marqué au gouvernement. Ils ont par exemple cautionné l’intervention saoudienne au Yémen, ce qui leur a été parfois reproché sur les réseaux par des internautes arabes, dont une partie de Saoudiens. Encore plus surprenant, dans un sermon retransmis en direct à la télévision le vendredi 19 octobre 2018 et diffusé auprès de millions de téléspectateurs en Arabie saoudite et à l’étranger, Al-sudais s’est lancé dans une périlleuse comparaison visant à défendre le prince héritier, critiqué pour son rôle présumé dans l’assassinat, le 2 octobre 2018, du journaliste Jamal Khashoggi. Le religieux a ainsi sousentendu que Mohamed ben Salman était un « cadeau divin envoyé par Allah pour revigorer la foi des musulmans ». Aucun imam n’avait jusqu’à présent été aussi loin dans son soutien à une figure de la monarchie devant pareille audience. Al-sudais avait également multiplié ses efforts pour soutenir le prince héritier en accusant les médias internationaux de diffuser de fausses informations tout en appelant les Saoudiens à l’unité face à une menace extérieure.
Les déclarations des imams proches de la monarchie peuvent également représenter un handicap sur le plan politique. Certains discours virulents à l’égard des populations chiites, comme les propos des imams Saad al-breik et Adel al-kalbani, sont de nature à jeter de l’huile sur le feu dans un royaume où les relations sont déjà tendues entre le pouvoir central et les populations chiites de l’est du pays. De plus, Adel al-kalbani s’est également fait remarquer en soutenant Recep Tayyip Erdogan lors de la tentative de coup d’état en 2016 et en lançant de nombreux sondages abordant la politique étrangère sur Twitter. Son discours a néanmoins évolué vers un soutien total de la modernisation entreprise par Mohamed ben Salman et une communication en ligne moins abrasive. Ainsi, sa participation à un tournoi de cartes dans le royaume avait à la fois surpris une partie de ses abonnés sur les réseaux et surtout ancré son attachement au processus de réformes.
Ces imams, bien qu’ils soient proches de la monarchie, sont surveillés de près afin de s’assurer que leur communication ne nuise pas à l’image de l’arabie saoudite à l’international. Même si les imams de la Sahwa restent plus populaires, force est de constater que les oulémas proches de l’establishment qui jouent le jeu des réseaux sociaux ont augmenté et parfois même doublé le nombre de leurs abonnés entre 2016 et 2020. Il est ici intéressant de souligner le décalage existant entre les représentations de la puissance dans le cyberespace et l’influence palpable dans la société saoudienne. En effet, si certains de ces oulémas de l’institution officielle gagnent en popularité sur le Net, cette évolution intervient dans un contexte marqué par un recul de leur pouvoir dans la société saoudienne depuis l’avènement de Mohamed ben Salman. Dans sa course effrénée à la transformation du royaume, le prince héritier n’a cessé de réduire leur pouvoir en diminuant par exemple l’influence de la police religieuse. Considérés jusque-là comme des « partenaires » dans la gouvernance, les oulémas apparaissent aujourd’hui comme de simples fonctionnaires à la solde de Mohamed ben Salman.
L’influence numérique protéiforme des imams saoudiens
• Islamistes libéraux et djihadistes : quelle existence sur les réseaux sociaux ?
Le cyberespace saoudien laisse peu de place aux islamistes libéraux, et ce malgré les discours modernistes de Mohamed ben Salman. À l’autre bout du spectre, les membres des groupes radicaux du salafisme djihadiste sont en net recul, et cette
tendance s’est accélérée dans le cyberespace saoudien depuis l’avènement du prince héritier. Ces deux tendances, bien qu’elles soient totalement opposées sur le plan idéologique et opérationnel, sont donc peu présentes sur les réseaux sociaux. Le courant réformiste qui a émergé à la fin des années 1990 en Arabie saoudite, composé d’intellectuels islamistes libéraux, souhaite concilier modernité et religion. Ses membres transcendent les clivages confessionnels puisqu’il est possible de trouver dans cet ensemble d’acteurs des personnalités saoudiennes sunnites, mais aussi chiites. Leur popularité reste néanmoins très limitée puisqu’ils dépassent rarement les 150 000 abonnés, ce qui dans le contexte saoudien est relativement faible. La tendance naturelle de ces acteurs à prôner une plus grande ouverture religieuse et culturelle en Arabie saoudite, leurs liens épisodiques avec le mouvement de la Sahwa (signature de pétitions en commun) ainsi que la présence de religieux chiites en font un mouvement surveillé de près par la monarchie.
La volonté de Mohamed ben Salman de libéraliser l’arabie saoudite aurait dû, en théorie, ouvrir la voie à certaines personnalités de ce mouvement. Néanmoins, les transformations perceptibles de la scène religieuse saoudienne évoluent plutôt vers une modernisation du discours de quelques religieux de l’establishment officiel, dont certains ont soutenu avec ferveur l’autorisation de conduire pour les femmes, l’ouverture de cinémas, le lancement de grands projets touristiques dans le royaume et l’organisation de concerts.
Une tendance marginale, encore moins visible sur les réseaux sociaux, est composée d’acteurs se réclamant d’un islam radical. Il est ici primordial de rappeler que le durcissement des règles de publication sur les réseaux sociaux ainsi que la surpression quasi instantanée des messages jugés inappropriés ont en très peu de temps complètement modifié la présence numérique de ces acteurs. Leur présence initiale sur Facebook ou Twitter est ainsi devenue de plus en plus discrète au point de disparaître quasi totalement. Les membres influents de cette tendance se structurent dorénavant de plus en plus autour d’applications de messagerie cryptée (Telegram, Fortknoxster), jugées plus sûres que les traditionnelles Snapchat ou Whatsapp. L’étude minutieuse du cyberespace saoudien montre la complexité des différents courants religieux qui animent la société saoudienne et qui se répercutent en ligne. La vague d’arrestations menée par Mohamed ben Salman à partir de 2017 a entraîné des modifications dans les stratégies de communication en ligne des imams. Les représentants de la Sahwa semblent particulièrement visés, mais il serait erroné de penser qu’ils sont les seuls sanctionnés par la monarchie. Plus globalement, c’est une mise au pas totale des influenceurs religieux, des journalistes, intellectuels, activistes et princes dissidents qui s’organise aux yeux de tous. Les imams de l’establishment officiel peuvent également être visés en cas de politisation de leur discours ou en raison d’un soutien à la monarchie jugé trop timoré. Cependant, la présence des oulémas dans le cyberespace saoudien est en évolution constante et représente un défi permanent pour Mohamed ben Salman. À ce titre, le sort réservé aux imams encore emprisonnés aura une influence significative sur la recomposition du réseau religieux dans le cyberespace saoudien. (1) Sulaiman Reyaee et Aquil Ahmed, « Growth Pattern of Social Media Usage in Arab Gulf States: An Analytical », in Social Networking n 4, janvier 2015, p. 23-32 ; Elisabeth Vandenheede, « L’usage politique d’internet en Arabie saoudite : des débats en tweets », in Moyen-orient no 21, janvier-mars 2014, p. 50-55.
(2) Par exemple, en 2011, Aaed al-qarni avait offert 100000 dollars sur Facebook pour l’enlèvement d’un soldat israélien afin de marchander la libération de
prisonniers palestiniens.