Repères Libye : Cartographie
Si la Libye restait un pays isolé sous le régime de Mouammar Kadhafi (1969-2011), la révolution ayant entraîné sa chute n’a pas aidé à mieux comprendre cet État clé situé entre Maghreb, Moyen-orient et Afrique subsaharienne. Au contraire, l’impossibilité pour les chercheurs et les journalistes de s’y rendre librement et en toute sécurité ajoute à la confusion régnant depuis 2011.
Grande comme trois fois la France hexagonale, la Libye se pose sur le continent africain tel un observatoire, avec un regard vers la mer Méditerranée et un autre vers le Sahel, deux espaces aux nombreux enjeux géopolitiques contemporains. Cette situation privilégiée, si elle est comprise par des acteurs internationaux comme la Turquie ou la Russie, laisse pourtant un pays dans le flou. Qui sont les Libyens dix ans après les « printemps arabes » ?
Avec un État écartelé entre deux exécutifs, l’un reconnu par la communauté internationale et basé à Tripoli – le Gouvernement d’union nationale (GNA) dirigé par Fayez el-sarraj –, l’autre considérant être légitime auprès du peuple, installé d’abord à Tobrouk puis à Benghazi et soutenu militairement par les forces de Khalifa Haftar – la Chambre des représentants –, les quelque 6,77 millions d’habitants en 2019 peinent à trouver des institutions
capables de répondre à leurs besoins quotidiens. Ainsi, s’il existe un Bureau des statistiques et du recensement de Libye (www.bsc.ly), il communique peu d’informations, et les institutions internationales, généralement déconnectées du terrain, restent les seules sources « fiables ».
• Une économie fragilisée
La Banque mondiale indique que le PIB est passé de 87,14 milliards de dollars courants en 2008 à 52,1 milliards de dollars en 2019, après avoir atteint 34,69 milliards en 2011 et 26,19 milliards en 2016, des chiffres qui témoignent de l’effondrement d’une économie qui n’était certes pas florissante avant la révolution et était accaparée par le pouvoir, mais qui repose sur des rentes en pétrole et en gaz importantes. Alors que le pays figure parmi les plus grands possesseurs d’hydrocarbures, ses productions sont instables, sans retrouver leurs niveaux d’avant 2011 ; les installations sont visées par les combats et font l’objet de luttes de contrôle entre milices. Quant au chômage, il est estimé à 18,6 % de la population active en 2019, d’après l’organisation internationale du travail (OIT), mais en réalité, le chiffre est bien plus élevé, les Libyens devant se contenter de travail au noir, souvent dans l’entourage de petits pouvoirs locaux, pour survivre.
Pourtant, la société libyenne est jeune : 2,98 millions de personnes ont moins de 24 ans, selon L’UNESCO. Or la déstructuration continue du pays depuis 2011 et deux guerres civiles (la dernière commencée en 2014 est encore en cours fin 2020) ont jeté les bases d’un abandon généralisé. Ainsi, on ignore combien de Libyens savent lire et écrire de nos jours, combien vont à l’école ; on ne sait pas combien de centres scolaires et d’hôpitaux fonctionnent… On ne connaît même pas les dépenses de santé par habitant, alors que la Libye, comme le reste du monde, est touchée par l’épidémie de Covid-19. L’organisation mondiale de la santé (OMS) chiffrait à 70 885 le nombre de cas positifs connus au 10 novembre 2020, une donnée sans doute en deçà de la réalité. Les plus démunis sont les plus concernés, notamment les enfants, victimes des combats (quand ils ne sont pas enrôlés de force dans les milices) et de la propagande, parfois obligés de quitter leur foyer. Ceux qui le peuvent tentent de franchir la Méditerranée au péril de leur vie.
Dix ans ont passé depuis la chute du terrible régime de Mouammar Kadhafi. Or le gouvernement de Tripoli ne dirige guère plus loin que dans la capitale, laissant les principaux centres urbains du pays aux forces de Khalifa Haftar, tout comme le golfe de Syrte, coeur des installations en hydrocarbures. L’homme fort de l’est semble ne pas renoncer à une emprise totale sur le pays, annonçant encore des années de guerre.