Le Monde du Multicoque

Lagoon Sixty 5

- Texte Fabien Clauw Photos Nicolas Claris et l’auteur

A l’instar de son grand frère le Seventy, le petit (grand) dernier de chez Lagoon propulse le chantier dans une nouvelle ère.

Les jours précédant l’essai d’un catamaran de croisière jaugeant 48 tonnes, on se dit qu’Eole serait bien inspiré de se montrer généreux. Le « général Vent » a entendu notre appel et c’est un vigoureux 20 noeuds – rafales à 23 – qui nous attend ce 18 juin sur le plan d’eau de La Rochelle. Depuis le ponton d’accueil du port des Minimes, nous observons l’espar glisser en arrière-plan des rochers de la digue Lazaret. Culminant à près de 34 mètres, celui-ci renvoie la tour Richelieu à une aimable marque latérale. Le Sixty 5 entre dans le port et dévoile ses coques d’une livrée crème. Le moins que l’on puisse dire est que cet oiseau du large suscite les regards impression­nés des plaisancie­rs alentour. Imaginez : 20,55 mètres hors tout par 10 de large; il est des bateaux qui n’ont pas de mal à piquer votre curiosité. « C’est pour nous un autre monde, celui des milliardai­res que nous ne connaissio­ns pas avant le Seventy et le Sixty 5… ». C’est par ces mots que Yann Masselot dévoile le nouvel horizon du chantier. Des familles essentiell­ement, en quête de la trilogie autonomies­tabilité-équipage réduit. Le vent d’ouest nous plaque au ponton. Affranchir une telle masse, un tel fardage ne semble pas chose aisée. Et pourtant, combiné à l’emploi des moteurs, le propulseur en tunnel logé à l’avant de la coque tribord fait de l’appareilla­ge une formalité. Côté moteurs justement, deux D4 Volvo 175 ch propulsent le Sixty 5.

Objectif avoué en vitesse de croisière à 2 200 tours : 9,9 noeuds. A 2 800 tours, ou « full speed », la vitesse de l’engin est donnée pour 11 noeuds. Les mesures effectives de consommati­ons restent à faire mais nul doute que la clientèle, essentiell­ement venue de l’univers des motor-yachts, ne s’offusquera pas de leur niveau.

Le chenal dans le sillage, nous n’avons guère le temps d’investigue­r les 90 m2 d’espace vie que nous réalisons être sous voiles. Outre l’insonorisa­tion de grande qualité, c’est la

Pont en teck et bain de soleil côtoient un accastilla­ge et des voiles de qualité.

confirmati­on de l’un des avantages d’un catamaran de 65 pieds : nonobstant les dix personnes embarquées, on peut à tout moment avoir l’illusion d’être seul à bord ! Nous quittons le havre de paix du cockpit et gagnons les hauts par un escalier en teck élégamment courbé. L’arrivée sur le flybridge est émoustilla­nte : en avant d’un second salon de pont où l’on se verrait bien rêver des nuits durant, deux barres de belle facture et toute l’électroniq­ue digne d’un voilier océanique captent le regard. Au centre, une batterie de winches surdimensi­onnés régule l’ensemble des manoeuvres. Le vent apparent avoisine les 21 noeuds. A 80° du vent réel, sous grandvoile à un ris et trinquette, le Sixty 5 affiche un honorable 7,9 noeuds. L’équipage en redemande et les membres du chantier ne sont visiblemen­t pas rassasiés de leur nouvelle monture. Le ris est largué et le génois vient apporter un supplément de puissance. Le speedo renseigne désormais la vitesse de 9 noeuds. Nous observons au passage la remarquabl­e coupe des voiles, performanc­e d’autant plus notoire qu’Incidences – prestatair­e de longue date du chantier – équipe là le numéro 1 de la série. Une autre bonne surprise nous attend : à la barre, le bateau est somme toute vivant. Après quelques réglages de la transmissi­on hydrauliqu­e, celle-ci sera plus agréable encore. Nous pensions naviguer depuis cinq minutes mais la silhouette grossissan­te du fort Boyard nous rappelle que confort et vitesse font ici bon ménage.

Génois roulé, profitant de son inertie, le Sixty 5 vire comme à la parade. Un bord lofé en direction de l’île de Ré nous permet enfin de déployer le code 0 et de « redescendr­e » sur La Rochelle à plus de 11 noeuds.

Une production toujours plus importante

Elle semble loin l’époque où l’apparition dans un port du rondouille­t Lagoon 37 faisait sensation sur les pontons… CNBLagoon est depuis longtemps abonné aux grands catamarans. Avec le Sixty 5 et son pendant le Seventy, le chantier tutoie désormais les très grands. Le développem­ent de la marque à deux coques est tel que les monos CNB sont depuis peu produits à Trieste, en Italie, laissant à l’usine de Bordeaux la place nécessaire à une production toujours plus importante. Jugez plutôt : 1 100 personnes officient aujourd’hui quai de Brazza. Concernant le Sixty 5, à raison de dix exemplaire­s produits par an et vingt vendus à ce jour, l’incroyable pari prend déjà des airs de succès. La prouesse est d’autant plus remarquabl­e que la concurrenc­e est féroce avec le chantier Fountaine-Pajot et, dans une moindre mesure eu égard au volume de leur production, le chantier Privilège Catamarans et le Polonais Sunreef. Interrogé sur l’avantage comparatif de son dernier-né vs l’Alegria 67, Yann Masselot nous répond en souriant : « C’est une affaire de goût ». Pour un argumentai­re technique et commercial, nous repasseron­s. Au-delà des goûts et des couleurs, on se prend à rêver d’un test grandeur nature entre les frères jumeaux français. Les conditions étaient en effet idéales le jour de notre essai mais quid du superbe oiseau de mer quand Eole se fait moins vigoureux ? Les 15 tonnes (et 40 m2 de surface de voiles) en moins de l’Alegria seraient-ils gage d’une pratique plus fréquente de la voile ? Une certitude demeure : CNB-Lagoon prétend fort légitimeme­nt étancher la soif d’iode des milliardai­res. Trois fois hélas, le chantier ne nous a pas révélé comment on le devenait…●

Sur le pont

Sur le pont, une multitude de détails soulignent le soin apporté à ce catamaran d’exception. Le teck gris, le cockpit avant de belle dimension, le trampoline au maillage fort agréable pour des pieds nus, le chemin du mouillage dissimulé sur la poutre et facilement accessible, le sentiment de sécurité inhérent à la hauteur des filières ainsi qu’à l’échantillo­nnage des chandelier­s, tout concourt au cahier des charges du chantier : le grand large avec luxe à tous les étages. Véritable pièce à vivre, le cockpit impression­ne par ses volumes et sa capacité à accueillir sans sourciller une douzaine de personnes. Autre lieu de détente, l’assise transversa­le en arrière de la nacelle se pratique face à la route ou côté sillage. Perchée au-dessus de l’eau, la plateforme hydrauliqu­e tient le tender à l’écart des vagues. C’est en entamant la procédure d’avant-retour au port qu’une telle unité révèle ses contrainte­s. Outre la machinerie complexe qu’il convient de savoir entretenir au long cours (groupe électrogèn­e, climatisat­ion, électroniq­ue et divers réseaux…), l’affalage de la grand-voile est un travail de titan et son ferlage sur la bôme rigide ne l’est pas moins.

En comptant la plateforme immergeabl­e, pas moins de trois niveaux où se détendre au mouilllage.

Nacelle et coques

De retour au port, nous parcourons une dernière fois l’intérieur. A lui seul, le carré est une invitation au voyage. Un voyage connecté sur la mer auquel les boiseries en chêne gris brossé et la sellerie de cuir blanc apportent une touche chaleureus­e. La profusion d’éclairages à LED (chauds) renforce le côté « home sweet home ». A tribord, la table à manger accueille huit à dix convives et le coin apéritif qui lui fait face n’est pas en reste. C’est avec horreur que nous réalisons que nous foulons la molletonné­e et immaculée moquette chaussés de nos souliers ! Dans cette version, la coque tribord est le coin de paradis du propriétai­re. Implantée en son milieu, la cabine, ou plutôt devrait-on dire la chambre, s’y taille la part du lion. Cependant, l’agencement et la modernité de la salle de bains rendent cette dernière digne d’une maison d’architecte. Seul bémol, les rangements semblent minimalist­es pour qui souhaite faire de ce bateau un lieu où la vie prend ses quartiers. Nul doute que le bureau d’études saura tendre l’oreille au propriétai­re désireux d’accroître ces volumes. A noter qu’à l’instar des autres secteurs du bateau, la cabine jouit d’une sonorisati­on high-tech, fruit d’un partenaria­t avec le fabricant français Waterfall. Sur l’arrière bâbord, accessible depuis le cockpit comme depuis la coursive, nous découvrons une cuisine surprenant­e. L’électromén­ager dernier cri s’y trouve naturellem­ent à profusion mais ce sont la luminosité et une atmosphère hautement cosy qui frappent le visiteur. Pourvue d’une table à manger capable de recevoir aisément quatre personnes, cette pièce allie fluidité et prise directe sur la mer grâce aux généreux hublots qui l’entourent. Une version « cuisine centrale » est également proposée par le chantier, cette dernière occupant alors le coin apéritif situé à bâbord du carré. Selon que l’emplacemen­t de la cuisine se situe en haut ou en bas, des agencement­s à quatre, cinq et six cabines permettent de répondre à tous les programmes.

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 ??  ?? Gris clair, blanc ou crème, pouvoir choisir la couleur de la coque est un privilège.
Gris clair, blanc ou crème, pouvoir choisir la couleur de la coque est un privilège.
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 ??  ?? Vision à 360° depuis le carré
design et très confortabl­e.
Vision à 360° depuis le carré design et très confortabl­e.
 ??  ?? Avec 90 m2 de surface habitable, il est très facile de s’isoler en intérieur comme en extérieur.
Avec 90 m2 de surface habitable, il est très facile de s’isoler en intérieur comme en extérieur.
 ??  ?? Malgré un flybridge qui rehausse le centre vélique, la silhouette du Sixty 5 conserve une allure équilibrée.
Malgré un flybridge qui rehausse le centre vélique, la silhouette du Sixty 5 conserve une allure équilibrée.
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 ??  ?? On gagne le pont supérieur depuis le cockpit par un escalier en teck élégamment courbé.
On gagne le pont supérieur depuis le cockpit par un escalier en teck élégamment courbé.
 ??  ?? Depuis le salon de pont du flybridge, nous avons tous le loisir d’observer le skipper à la manoeuvre derrière l’un des deux postes de barre largement dotés en électroniq­ue, et aidé sur le pont avant par son ou ses équipiers.
Depuis le salon de pont du flybridge, nous avons tous le loisir d’observer le skipper à la manoeuvre derrière l’un des deux postes de barre largement dotés en électroniq­ue, et aidé sur le pont avant par son ou ses équipiers.
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 ??  ?? Vue mer, écran plat logé dans le meuble jouxtant la coque et sonorisati­on au plafond pour la cabine XXL du propriétai­re.
Vue mer, écran plat logé dans le meuble jouxtant la coque et sonorisati­on au plafond pour la cabine XXL du propriétai­re.
 ??  ?? La cuisine dernier cri est logée dans la coque bâbord et associée à un petit carré cosy très lumineux pour déjeuner au large. Un répétiteur permet de garder un oeil sur la navigation.
La cuisine dernier cri est logée dans la coque bâbord et associée à un petit carré cosy très lumineux pour déjeuner au large. Un répétiteur permet de garder un oeil sur la navigation.
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