Le Monde du Multicoque

Une île en croisière

- Texte Olivier Péretié Photos Gilles Martin-Raget/Fountaine-Pajot et l’auteur

Le Lucia 40 n’était pas très vieux, mais le chantier FountaineP­ajot a voulu renouveler son coeur de gamme en capitalisa­nt sur les acquis de l’excellent Elba 45... Et il a bien fait !

Pluie à l’horizontal­e, force 5 d’ouest et visibilité navrante... On vous épargne ces photos automnales, préférant vous présenter celles réalisées par Gilles Martin-Raget au soleil de la Méditerran­ée. Elles font davantage honneur à l’Isla 40. Ce bébé-surprise de la gamme Fountaine-Pajot remplace le Lucia 40, pourtant âgé d’à peine cinq ans. Au vrai, le nouveau-né est surtout une « mise à jour », avec simplement 20 cm de longueur de coque en plus, suffisants pour « caser » une couchette de skipper dans la version charter quatre cabines.

Une silhouette dynamique

Au détour d’un catway, la silhouette de l’Isla 40 se détache sur fond de grisaille. Une simple modificati­on de la ligne d’étrave a suffi à lui donner un dynamisme nouveau. Et à l’harmoniser avec les codes mis en valeur par l’Elba 45 : tonture des coques fortement convexe, étraves inversées, nacelle à vitrages inclinés en position centrale, mât implanté sur celle-ci au centre du bateau, et long bimini rigide. Avec, côté tribord, en position surélevée et entièremen­t fermée par des protection­s souples, une véritable « passerelle » de commandeme­nt. Cette dispositio­n va faire merveille dans ce temps, qui pour n’être pas gros n’en est pas moins moche.

On pose la botte sur la jupe de l’Isla 40, de plain-pied avec le catway, et en une seconde l’abri parfait du vaste cockpit permet de retirer sa capuche et d’envisager la sortie vers le large protégé comme un skipper du Vendée Globe. Trois marches donnent accès à la barre où, bien à l’abri de la lance à incendie, on bénéficie d’une vue imprenable sur l’ensemble du bateau : c’est là l’atout de ces catas à poste de barre unique, surélevé et capoté. Ils permettent de barrer, veiller et manoeuvrer dans un cocon quel que soit le – mauvais – temps. Seul l’équipier mouille son ciré pour larguer les amarres et ranger les défenses. A la barre, en jouant sur les commandes d’inverseur des deux 30 chevaux Volvo, sortir du trou de souris de notre place est un jeu d’enfant, pluie à l’horizontal­e ou pas. L’équipier n’a plus qu’à gravir les trois marches qui mènent au toit du rouf pour ouvrir le lazybag, l’envoi de la belle grand-voile à corne au premier ris, à l’aide du winch électrique, n’est qu’une formalité. Dérouler le génois aussi, puisqu’il est aisé d’en renvoyer l’écoute sur ce winch bourré de watts.

Et nous voilà lancés à près de 8 noeuds au bon plein, à peine ralentis par le clapot raide de la baie de La Rochelle. La démonstrat­ion est limpide : une fois au large, on peut mener ce véloce cata de quarante pieds en se passant de ciré ! Imaginons que nous quittions aujourd’hui La Rochelle pour mettre le cap sur

les tropiques, en équipage réduit à un couple avec deux enfants, par exemple. Eh bien, se protéger du froid, de la pluie et des embruns aussi aisément que ça, tout en assurant une veille extrêmemen­t efficace sous pilote, cette faculté est à nos yeux un avantage absolument décisif, peut-être plus décisif encore, avec des enfants, que l’absence de gîte.

Une barre suffisamme­nt parlante

La barre de l’Isla 40 n’est certes pas un modèle de douceur ni de réactivité – la faute à une très longue transmissi­on par câbles – mais elle « parle » suffisamme­nt. En particulie­r lorsque l’on abat sans choquer du chariot de grand-voile, ce qui n’est pas excusable tant la manoeuvre est facile avec cette très longue barre d’écoute. Mais cette barre n’est que l’un des accessoire­s de la « passerelle » qui concentre en une surface remarquabl­ement réduite l’écran de navigation, les instrument­s, le pilote, les commandes moteurs et toutes les manoeuvres revenant sur les trois winches dont l’un est électrique, on l’a vu. On assurera ici les quarts de veille sur le siège à deux places, tout en restant facilement au contact du vaste cockpit et même de la cuisine, grâce à sa baie coulissant­e, largement ouverte sur celui-ci. Bien entendu, la veille se fera aussi dans l’abri douillet d’un carré avec vue imprenable sur l’horizon. A ce détail près que le nouvel aménagemen­t de l’Isla 40 n’offre plus aucun siège tourné vers l’avant. La table à cartes du Lucia a migré vers l’entrée à tribord, Elle a cédé la place à un vaste équipet (ou un frigo supplément­aire en option). Le carré offre désormais une superbe méridienne et une table rétractabl­e, pour transforme­r les banquettes en un immense sofa, qu’appréciero­nt les enfants comme les adultes, au large. En attendant, l’enchaîneme­nt fluide des bords à plus de 8 noeuds nous en convaincra : avec sa vélocité, son agilité, son confort, l’Isla 40 est un rêve pour les familles à la poursuite du soleil. Il réussira même à faire oublier qu’il ne brille pas toujours !

Sur le pont

Le chantier Fountaine-Pajot maîtrise son sujet. Sa devise pourrait être : sécurité, fluidité, simplicité. Embarquer par les jupes d’une hauteur parfaite est un jeu d’enfant. Accéder au vaste cockpit n’impose de gravir qu’une seule marche (en mer, on se méfiera juste de la hauteur modeste des filières qui ferment l’accès aux jupes). Deux degrés en pente douce commandent l’accès aux larges passavants. Puis, avec sa hauteur proche d’un mètre, la nacelle équipée d’une longue main courante offre une protection rassurante par mer agitée.

La moitié de la plage avant est rigide. Elle recouvre le vaste coffre réservé au mouillage, aux aussières et défenses. Elle accueille les matelas destinés au bain de soleil. Le trampoline est suffisamme­nt modeste pour ne pas risquer de se détendre facilement. On y manoeuvrer­a donc sans danser la gigue, lorsqu’on opte pour l’option bout-dehors, cette poutre centrale non structurel­le prévue pour l’envoi des gennakers et autres spis asymétriqu­es. L’accès au toit de la nacelle est très sécurisant même s’il contraint de se glisser entre la barre et son siège. Une fois là, la bôme est à hauteur idéale pour ranger la grand-voile dans son lazy-bag. On est parfaiteme­nt protégé à la barre où s’effectuent toutes les manoeuvres. Et dans le cockpit très abrité, la table en teck accueiller­a jusqu’à huit convives. Nul doute qu’on se disputera la belle méridienne qui lui fait face.

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Le cockpit est dédié au farniente, toutes les manoeuvres reviennent au poste de barre.

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