Le temps ralenti de Gwénolé Gahinet
Je le revois à Concarneau dans les locaux d’Explore, le fabuleux repaire de marins et d’aventuriers de Roland Jourdain. Gwénolé Gahinet, de retour de la Brest Atlantiques, faisait avec Corentin de Chatelperron le bilan de ses expériences de cambuse zéro-déchet en course au large. Et qui plus est sur un Ultime, Macif en l’occurrence, lancé à 40 noeuds à la poursuite d’un autre géant volant… Ça parlait graines germées, aliments déshydratés maison, valeur nutritive. La passion communicative de ces deux garçons pour l’alimentation de demain et l’environnement au sens large nous avait rapidement menés à d’autres horizons… dans la course au large, forcément. Et si la performance, en mer, ne devait plus se limiter à la vitesse pure – le temps court – mais englober aussi la sagesse d’une vision durable – le temps long ? On le sentait à la fois concerné et pas complètement à l’aise sur le sujet, Gwénolé.
On a beau être le fils de Gilles Gahinet, compétiteur acharné s’il en fut, avoir gagné la Mini-Transat, une transat en double, remporté un Trophée Jules Verne sur Idec Sport… on peut douter. Etre travaillé, partagé entre les exigences de la course au large et des convictions plus profondes, entre les ambitions du marin et la conscience du jeune père…
Deux ans plus tard, bonne nouvelle, Gwénolé Gahinet ne fait plus le grand écart. De Macif à Zaï Zaï, il a sérieusement ralenti. Il est passé d’un bateau futuriste à un bateau d’avenir. Il est allé au bout de ses convictions, a restauré son cata avec des pièces de seconde main issues de la course au large – merci les copains –, s’est donné les moyens avec Anne-Laure d’une aventure familiale fondatrice. Un voyage qui comptera sûrement plus, dans le destin de leurs filles de deux et quatre ans, qu’une énième transat en course, même si leur père y gagnait un nouveau trophée. Sacré parcours mental, belle histoire humaine que celle qui a mené Gwénolé de Macif à Zaï Zaï, et raison supplémentaire pour suivre les aventures des Gahinet dans Le Monde du Multicoque. Gwénolé n’est pas un converti, certainement pas un moine-soldat de l’environnement. Rien ne dit qu’il ne reviendra pas à la course au large, et c’est tant mieux. C’est un homme qui ralentit. Un marin qui pense et qui écrit son histoire, tout simplement.
Il est passé d’un bateau futuriste à un bateau d’avenir.