MX Magazine

L’étoile lettone!

- Par PH – Photos R. Archer

Leader du championna­t du monde MX2 à misaison, Pauls Jonass est encore un jeune espoir qui a éclos sous l’auvent KTM. À 20 ans, le Letton justifie pleinement les espoirs placés en lui. Profession­nel et impliqué à 200 % dans son sport, Pauls s’est livré avec franchise et enthousias­me dans cette interview qui va vous permettre de découvrir celui qui pourrait succéder dans quelques mois à Jeffrey Herlings.

Pauls, comment te sens-tu en ce moment? « Pour l’instant, je me sens très bien. On vient de passer le cap de la mi-saison et jusque-là, tout s’est bien passé pour moi. Cet hiver, on s’est focalisé sur la consistanc­e, et cela marche puisque mis à part l’indonésie où j’ai manqué de réussite dans la boue, je suis toujours là. En motocross, tout peut arriver très vite. Le plus important à ce stade de la saison, c’est que je ne me suis pas blessé, je n’ai pas commis de grosses erreurs comme les années précédente­s. Je suis plus relax, plus confiant, mon pilotage est plus précis et je ne fais pas de folies, je suis calme et je gère plutôt bien toutes les situations. »

Tu as gagné cinq GP, neuf manches, tu sembles plus fort que jamais cette année? « Oui, et je suis vraiment satisfait de ce que j’ai fait jusque-là. J’ai 45 points d’avance (interview réalisée après le GP de Russie), ce qui est plutôt pas mal. L’écart pourrait être plus important, plus faible. Pour l’instant, je suis vraiment content de tout, le team, la moto, mes courses. Mon entourage est lui aussi très satisfait de la façon dont les choses se passent, c’est important que tous ces gens avec qui je travaille soient contents du travail que l’on fait ensemble. »

Qu’est ce qui a changé entre le Jonass 2016 et le Jonass 2017? « Ouh, il y a de grosses, grosses différence­s ! Après mon crash à Loket l’an passé, j’ai eu le temps, beaucoup de temps pour penser à ce que je faisais, à ce que je voulais. Je suis resté longtemps sans faire de moto après ce crash, comme on dit souvent “tu dois apprendre des mauvais moments” et ce fut sans aucun doute le pire moment de ma carrière mais aussi le tournant de cette carrière. J’ai passé beaucoup de temps seul à réfléchir à ce que je faisais, à ce que je voulais devenir, à mes erreurs, à mes points forts, il y a eu une grosse remise en question. Quand tu regardes mes résultats depuis le début de saison, je crois que je suis reparti dans la bonne direction et que je me suis posé les bonnes questions. »

KTM a toujours été derrière toi dans ces moments difficiles? « Oui, bien sûr, comme toujours. Depuis le jour où j’ai signé avec eux, ils m’ont accordé leur confiance et m’ont toujours soutenu dans les bons comme dans les mauvais jours. C’est le plus important de se sentir soutenu quand ça ne va pas. Après Loket, je suis allé consulter mon médecin avec l’espoir de rouler à nouveau la semaine suivante mais quand je suis remonté sur la moto, cela n’allait pas, suite au traumatism­e crânien.

« Ma position chez KTM, c’est un rêve devenu réalité… »

On a alors pris la décision commune de ne pas rouler tant que je n’étais pas remis, Jeffrey étant par ailleurs bien installé en tête du Mondial. On sait que ce peut être dangereux de rouler en n’étant pas à 100 % de ces moyens, mais cette décision fut difficile à accepter pour moi, d’autant que quand je faisais du vélo tout allait bien. Mais dès que je montais sur la moto, cela était beaucoup plus difficile… »

Les conséquenc­es du traumatism­e crânien? « Oui. Comme après chaque trauma crânien, il y a eu quelques dommages au cerveau et dans la tête. Je n’arrivais pas à me concentrer et à coordonner tous mes gestes. Je suis resté deux mois sans rouler, j’ai suivi les avis des médecins et quand je suis remonté sur la moto, j’ai retrouvé mes sensations. Bon, le crash de Lacapelle en février m’a remis un coup. J’ai dû rester tranquille jusqu’au Qatar mais je pense que ce crash m’a fait du bien. Il m’a montré qu’il fallait toujours être vigilant. » L’an passé, Jeffrey n’était pas là quand tu as chuté à Loket alors que tu menais la course. Que s’est-il passé. Tu t’es mis la pression? « Non, pas vraiment. Personne ne m’a mis la pression, tout allait bien puisque j’avais gagné la qualificat­ion samedi et là, je venais de signer le holeshot. Je me disais “maintenant il faut y aller” et à l’appel d’un grand saut en descente, j’ai fait une stupide faute, j’ai sauté un poil trop court. J’ai fait une erreur, point. »

Cette année, tu travailles avec Marc de Reuver. Comment vous êtesvous rencontrés? « L’an passé, quand je partais m’entraîner, j’étais la plupart du temps seul avec mon mécanicien. Parfois Joël (Smets) était avec nous mais pas de façon régulière compte tenu de son emploi du temps. Moi, j’ai besoin d’un oeil extérieur qui analyse ma façon de rouler, qui me dit où je dois m’améliorer. C’est ce qui me manquait l’an passé. En 2015, je travaillai­s avec Stefan (Everts). L’an passé, j’étais trop souvent seul. Un jour de l’été dernier, je m’entraînais en Hollande en vue de Lommel et sur ce même circuit, il y avait Marc de Reuver et un des pilotes dont il s’occupait. Je ne le connaissai­s pas, on ne s’était jamais parlé et mon mécano lui a demandé de me donner quelques conseils. En fait, c’était plus sur le ton de la plaisanter­ie qu’autre chose ! Une semaine plus tard en discutant avec mon père, on s’est dit que cela pourrait être intéressan­t de se rapprocher de Marc et je lui ai envoyé un message privé sur Twitter en lui demandant quelques conseils pour le sable puisqu’il fut l’un des meilleurs pilotes du monde sur cette surface. On est allé ensemble à Lommel et il m’a donné des conseils tellement bons qu’on a commencé à parler sérieuseme­nt. Je n’allais pas forcément beaucoup plus vite avec ses conseils, mais je ne fatiguais pas ! On a enchaîné sur des circuits au sol dur et là encore, ses conseils étaient judicieux si bien que je me suis dit qu’il fallait que je l’aie à mes côtés en 2017. Depuis

octobre, on travaille ensemble et ça marche très bien. Je pense que c’est la pièce du puzzle qui me manquait. J’ai à mes côtés un excellent préparateu­r physique (Willy Linden), un bon manager (Kristers Sergis, l’ancien champion du monde de side-car cross), mon père, un docteur qui me connaît bien, un physiothér­apeute, le team Red Bull KTM et avec Marc, j’ai désormais un package complet autour de moi. Le PJ41 team ! L’avantage, c’est que tout le monde se fait confiance et reste à sa place. Mon père n’ira jamais faire une remarque à un mécanicien. Personne d’autre que Marc ne me donnera un conseil de pilotage et ainsi de suite. Pour moi, c’est simple, comme je leur fais confiance à 100 %, je fais ce que chacun me demande de faire, comme un robot ! » (rires) J’imagine que Marc sait aussi te relaxer car il aime rigoler ! « Bien sûr, de temps en temps quand on va rouler pendant deux jours en France, on passe de bons moments à l’hôtel le soir ! Mais quand on arrive sur le circuit, il redevient sérieux. C’est lui le boss et je fais tout ce qu’il me dit. Je l’écoute. Il n’y a qu’une fois qu’on quitte le circuit que l’on plaisante et rigole. Je pense que c’est un autre atout, savoir rigoler et plaisanter de temps en temps ! »

Cette année en Argentine et à Arco notamment, vous vous êtes bien battus avec Jorge Prado qui est ton équipier. Comment vis-tu cela, toi qui es le n° 1 chez KTM? « Un des points positifs chez KTM, c’est qu’on est tous traités de la même façon. Il n’y a pas de numéro 1 et de numéro 2. L’an passé, Jeffrey jouait le titre mais j’avais le même matériel, la même

« Je ne suis pas un grand fan des pistes US… »

attention, les mêmes soins que lui. Tout le team bosse de la même manière pour tous les pilotes et pour en revenir à Jorge, c’est super de le voir obtenir de si bons résultats dès sa première saison de GP. C’est vrai qu’en Argentine, c’était un peu chaud sur la piste. Dans le team, ils n’ont peut-être pas toujours apprécié mais c’est ça la course ! On voulait tous les deux gagner, et je pense que tous les pilotes ont pour objectif de gagner quand ils prennent place derrière une grille. On est équipiers avec Jorge, mais on veut tous les deux gagner ! »

Quel est ton meilleur GP à ce jour? (instant de réflexion) « Question plutôt dure. J’aurais tendance à dire l’argentine mais en fait, je pencherais plutôt pour le dernier GP de France à Ernée. Ce n’est pas vraiment ma piste préférée, ce n’est pas sur ce type de terrain que je suis le plus fort mais je pense que j’ai très bien roulé ce week-end-là. Et puis il y a le public français, ils sont “crazy” et il y a toujours une ambiance incroyable ! J’aurais aimé briller cette année chez moi en Lettonie, c’est un GP que j’attends chaque fois avec impatience mais je suis arrivé malade et le résultat n’a pas été aussi bon que je l’espérais. »

Tu as un plan de carrière? Tu peux encore faire trois saisons en MX2. Penses-tu que tu iras jusqu’à la limite d’âge ? « On verra ! L’an passé, ils ont voté une nouvelle règle qui ne permet de défendre son titre qu’une seule fois donc il faut voir comment cela va se passer pour moi. Ce qui est sûr, c’est que l’an prochain je serai encore en MX2. Après, si je suis champion cette année et en 2018, il faudra que je monte en MXGP. On ne sait jamais ce qu’il peut se passer, la décision sera prise le moment venu avec KTM. »

Tu feras ta carrière en Europe ou tu penses aux États-unis? « Non, je ne suis pas très fan des pistes US. Mon premier objectif est de gagner un titre mondial, après on verra. »

Parle-nous un peu de tes débuts à moto? « Mon père et son frère étaient des pilotes amateurs. Ils allaient rouler de temps en temps après le travail et depuis tout petit, j’accompagna­is souvent mon père. Un jour, un de mes cousins qui habite à côté de chez moi a eu une moto pour ses 5 ans. J’ai voulu aussi essayer sa moto. J’ai adoré. Du coup, mon père m’a acheté un 50. Il n’y avait pas de plan de carrière, on s’était dit qu’une fois que je serais trop grand sur le 50, j’irais faire du basket car le motocross est un sport onéreux. Mais en fait, j’ai commencé à gagner en 50, on a acheté un 65 et j’ai encore gagné. Je voulais devenir le premier pilote letton champion du monde 85. On a donc acheté un 85 avec lequel je suis devenu champion du monde en 2011. Là, j’ai signé un contrat avec KTM et aujourd’hui, je suis en tête du Mondial. C’est un rêve qui est devenu réalité. Je me rappelle que la première fois qu’il y a eu un GP à Kegums, j’avais pu rencontrer Antonio et Jeffrey qui étaient des héros pour moi. Aujourd’hui, je partage l’auvent KTM avec eux! »

Tu as rapidement gagné aussi en 125, mais le passage en 250 fut un peu plus compliqué ? « Oui, 2014 fut une saison difficile. En 125, j’avais quasiment tout gagné et j’ai pas mal galéré en passant en 250. J’ai eu la chance fin 2014 d’être intégré au team officiel KTM et là, en travaillan­t avec Stefan Everts et Willy Linden, tout a changé ! Je termine vicechampi­on. En 2014, mon meilleur résultat avait été une cinquième place dans une manche à Lommel et un an plus tard, je gagne ma première manche au Mexique et monte sur plusieurs podiums. On avait bossé comme des fous durant l’hiver et cela a été payant. »

Quel souvenir gardes-tu de ce premier succès de manche au Mexique en 2015? « C’était génial ! À Assen, j’avais chuté au départ de la seconde manche et j’avais fait toute la course sans frein avant, perdant pas mal de points sur Tim Gajser en terminant treizième. On est parti au Mexique avec un seul objectif, tout donner pour essayer de conquérir ce titre. C’était super de gagner cette première manche, mais dans la seconde j’étais trop confiant et trop excité et j’ai chuté fort. Je suis tombé au premier virage. Je suis reparti loin et tout de suite, j’ai voulu doubler tout le monde ce qui s’est terminé par une autre chute. Ce jour-là, j’ai appris beaucoup. » Tes parents ont fait des sacrifices pour que tu fasses du motocross ? « Oui, bien sûr. Ils ont fait de gros sacrifices car j’ai trois soeurs aînées et une petite soeur qui a 7 ans maintenant. Mes soeurs, mon père et ma mère se sont consacrés à moi. À la maison, on préférait acheter un pneu plutôt que de nouvelles chaussures à ma soeur même si les chaussures étaient usées. On achetait un tube de colle, on recollait les chaussures pour te donner un exemple. Ce fut dur, mais on voit aujourd’hui avec mes résultats que les sacrifices et le travail ont payé. Je pense qu’aujourd’hui, personne dans la famille n’a de regrets, que ce soit ma mère qui ne veut jamais me voir rouler ou mes soeurs qui aiment venir sur les circuits. Pour devenir un athlète de haut niveau, quel que soit ton sport, je pense qu’il faut avoir une famille soudée derrière soi. »

Comment es-tu organisé aujourd’hui. Tu demeures basé en Belgique ? « Je vis à plein temps en Belgique, pas loin du workshop du team et de mon préparateu­r physique. C’est La Mecque du motocross là-bas. En Lettonie, on a aujourd’hui des pistes plus belles et plus nombreuses qu’en Belgique mais le problème, c’est que quand tu vas t’entraîner, tu es seul alors qu’en Belgique, il y a toujours d’autres pilotes de GP qui vont rouler sur le même circuit que toi. J’ai ma piste privée à côté de la maison en Lettonie, mais j’y suis rarement. En Belgique, je vis à côté de Willy (Linden), je passe chez lui tous les jours, on fait du vélo, du sport ensemble et c’est super d’avoir quelqu’un qui vous connaît bien et qui vous pousse ou qui vous freine selon votre état de forme. Il faut bosser dur pour réussir dans ce sport, mais de temps en temps, il faut aussi lever le pied et nul autre que lui sait me gérer. Je suis du genre à bosser très fort, j’aime ça et parfois, il faut me freiner ! Je ne me plains jamais, je fais ce qu’on me dit de faire et voilà, je fais 200 % confiance à tous les gens qui sont autour de moi. »

Finalement tu ne profites pas vraiment de ta jeunesse? « Je vis souvent seul en Belgique. Il y a des moments où je m’ennuie car je n’ai pas trop d’amis là-bas, mais je suis là pour bosser, pas pour m’amuser. C’est un peu comme à l’armée. Je veux être le meilleur, je fais tout ce que je peux pour y arriver et je sais que pour cela, il faut faire des sacrifices. Chaque sacrifice paye, chaque heure passée à s’entraîner paye. Mon leitmotiv, c’est “le travail dur paye toujours” car je veux tout simplement devenir le meilleur pilote du monde. »

« Je veux tout simplement devenir le meilleur pilote du monde… »

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