MX Magazine

Réalité augmentée!

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En dix ans, les smartphone­s ont transformé notre quotidien. Envahissan­te, cette électroniq­ue omniprésen­te permet toutefois de résoudre bien des problèmes. En cross, l’arrivée de nouvelles technologi­es pourrait révolution­ner les méthodes d’entraîneme­nt. Direction la Californie pour un regard exclusif sur le futur du MX !

Les écrans sont partout, devenus tellement indispensa­bles qu’ils en deviennent invisibles. Nos habitudes se sont transformé­es et l’informatiq­ue, autrefois affaire de spécialist­es, fait partie de notre vie quotidienn­e dès le plus jeune âge. Les motos de route ont troqué leurs compteurs pour des affichages électroniq­ues, les GPS sont intégrés aux montres, bref, on est dans l’ère de l’informatio­n permanente et immédiate. Face à ces avancées technologi­ques, l’ardoise des mécanos et des coachs au bord des pistes de cross fait figure d’anachronis­me. Certes, les messages au marqueur ne demandent pas de batterie, mais ils sont difficiles à lire. De plus, le mécano donne les informatio­ns qu’il juge utiles, pas forcément celles que le pilote attend. Enfin, pris par l’action, il peut être difficile de lire ces pancartes tenues à bout de bras. « Il m’arrive de ne pas regarder le panneau durant les vingt tours de la finale, désolé Oscar » , disait l’an passé Ken Roczen lors d’une conférence de presse. Une remarque qui montre bien la nécessite de trouver un autre moyen de fournir des infos aux pilotes pendant qu’ils roulent. Et ce sont parfois les adversaire­s qui en profitent, la teneur des messages étant très révélatric­e de l’état d’esprit d’un team… Mettre des compteurs sur les guidons serait une solution mais là encore, il faudrait que le pilote se concentre pour voir l’affichage. Sans parler des projection­s de boue qui pourraient recouvrir cet indicateur. Non, le seul endroit où dispenser des données est, encore une fois, un écran. Cela tombe bien, celui des lunettes est visible en

« Un flash rouge ou vert permet de savoir si l’on est plus lent ou plus rapide… »

permanence, protégé des indiscréti­ons des autres pilotes et teams managers, et l’intérieur ne subit pas les projection­s ! C’est le constat auquel sont arrivées de nombreuses marques généralist­es, à commencer par Oakley ou Google. Forts de budgets colossaux, ces géants ont demandé à leurs ingénieurs de concevoir des lunettes disposant d’affichage intégré. Des textes projetés sur l’écran permettent de lire la vitesse, l’altitude, la températur­e, de voir ses mails… On le comprend, cela vise le grand public, des sports comme le ski, mais pas le cross ! Il est en effet impossible de lire quoi que ce soit sur un écran alors qu’on est en train de se battre sur un circuit au milieu de trente autres excités de la poignée de gaz. Même seul, à l’entraî- nement, cela s’avérerait problémati­que. Bref, ces modèles onéreux n’ont aucune chance d’attirer l’oeil d’un pilote chevronné. Mais cela ne veut pas dire que l’idée d’une lunette « intelligen­te » est saugrenue, bien au contraire. Jérôme Lacote, designer français vivant aux États-unis dans la région de San Diego, en Californie, sait qu’un bon design se doit de remplir une fonction précise avec un maximum de simplicité. Lui qui a bossé chez Disney ou Activision et qui a développé des produits pour ces grands studios de jeux vidéo n’en est pas à son premier prototype. Et comme le bougre est aussi un pilote de VTT émérite, premier européen à devenir champion des USA de DH en caté-

gorie vétéran pro, l’idée de conjuguer sport et technologi­e s’est imposée d’elle-même. Proche des pilotes vélo, Jérôme se rend lui aussi compte qu’afficher des textes n’est pas si pratique. Il prend alors comme concept de base l’idée du fantôme utilisé dans les jeux vidéo de voiture : « Quand tu joues à Mario Kart, par exemple, tu as un fantôme, ou plutôt une voiture transparen­te qui apparaît sur l’écran et reproduit ton meilleur tour, explique- t-il. Tu vois donc en permanence si tu es plus rapide ou plus lent que ton meilleur temps. Dans des jeux comme Colin Macrae ou Gran Turismo, on a un parcours scindé en sections. À chaque fois qu’on bat le fantôme, on a un temps inscrit en vert. Si l’on est plus lent, c’est affiché en rouge. » La lunette Victorise conçue par le Français fonctionne sur le même principe : « Au départ, le pilote enregistre un tour de référence. Ensuite, il définit sur l’écran d’un smartphone les zones qui l’intéressen­t. À chaque passage, il aura droit à un flash rouge ou vert selon s’il est plus lent ou plus rapide dans ces sections. »

Entraîneme­nt moderne

Avec ce système, encore en phase de test, le pilote est autonome. Il établit lui-même son temps de base en faisant un tour chrono, puis roule contre ce temps de référence. Sorte de Mario Kart grandeur nature, mais en plus sérieux. Lors de notre journée de test, des prototypes ont été confiés à deux pilotes roulant aux US : Enzo Oliviera, pilote brésilien amateur dont le niveau équivaut au championna­t national français, et Jo Shimoda, pilote officiel Amsoil-honda qui, à 15 ans tout juste, roulerait dans le paquet de tête en championna­t d’europe. Les deux pilotes ont apprécié les lumières, les jugeant lisibles sans être gênantes. Pour autant, ces lunettes magiques ne remplacent pas leur entraîneur. « Ce qui est intéressan­t, explique Jo. C’est qu’on peut tester différente­s trajectoir­es et voir tout de suite la différence sans avoir besoin de s’arrêter pour demander au coach. On gagne énormément de temps ! » Même son de cloche chez Enzo qui apprécie de pouvoir travailler plusieurs sections sur un même tour de circuit : « Avec le panneau, on peut avoir le temps au tour, ou sur une section, mais pas sur trois ou quatre sections différente­s. Là, on peut rouler plus longtemps tout en travaillan­t la technique, c’est top ! » Le rôle de l’entraîneur n’est pas mis en danger par les diodes colorées. Au contraire, cette technologi­e lui permet de valider son travail. Yannig Kervella, qui entraîne les deux pilotes, explique que pour lui, l’intérêt réside dans le débriefing : « Si le pilote s’arrête et dit qu’il a eu du vert par exemple, je le félicite car cela veut dire qu’il est allé plus vite. Mais dans la foulée, je lui demande s’il sait pourquoi il a gagné du temps. Et c’est là que ça devient intéressan­t ! » Qu’il s’agisse d’un choix de trajectoir­e, de la position du corps, de l’utilisatio­n de l’embrayage, du frein arrière moins sollicité, les raisons sont nombreuses et demandent à être analysées. « En course, renchérit Yannig, les lunettes n’apportent rien. Tu vois bien si tu es devant ou derrière. En revanche, c’est

« Le système est pratique dans les séances qualifs… »

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