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«Je donne tout pour réussir»

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Un retour en France pour Dylan Ferrandis n’est pas synonyme de vacances, au contraire. Interview télé, vidéo de présentati­on pour le SX de Paris, l’officiel Yamaha n’hésite pas à prendre quelques minutes (heures) pour se poser et faire le point sur sa carrière. Toujours aussi détendu et souriant, il se confie avec son franc-parler qui en fait un personnage attachant. Héros des Nations à Redbud, il est en pleine préparatio­n pour le SX US l’an prochain. L’officiel Yamaha comptait sur le Supercross de Paris pour prendre encore plus d’expérience face aux meilleurs pilotes US. Qu’on se le dise, la saison 2019 s’annonce comme l’une des plus importante­s de sa carrière…

Si on t’avait prédit qu’au soir des Nations, tu serais sur la plus haute marche du podium… « J’y croyais et j’aurais dit oui, c’est forcément possible car je l’ai vécu en 2014. Je sais ce que la force d’une équipe bien soudée peut faire. En Lettonie, on était trois bons partenaire­s avec Steven et Gautier, on avait créé une osmose et on était des machines de guerre. Quand j’ai appris la blessure de Romain Febvre, je me suis impliqué avec Pascal et Gautier pour trouver un troisième pilote. Peu importe l’état d’esprit de Jordi, je savais qu’on allait le mettre dans les meilleures dispositio­ns. Dès les premiers entraîneme­nts, on était tous chauds, on a été courir ensemble et la fédération a tout mis en place pour qu’il y ait une harmonie de folie. S’il fallait donner le secret de l’équipe de France, c’est cette cohésion de l’équipe. Ils ont conscience qu’il n’y a pas que les pilotes, mais aussi les copines, les mécanos et ils font tout pour qu’on ne soit entouré que de personnes positives. »

Aux côtés des Américains depuis deux ans, tu connais leurs points forts et leurs points faibles. Les voir craquer était un scénario que tu concevais ? « Oui et je me rappelle avoir dit le soir du National à Redbud en juillet que le pilote 250 qui sera sélectionn­é

« On a pu analyser que je faisais un petit blocage sur les départs. »

aux Nations craquera. C’est ce qu’il s’est passé, Aaron a craqué dès le samedi. Les Américains sont bons chez eux dans des conditions américaine­s. S’il n’y avait pas eu de boue, ça aurait été différent, mais la pluie les a ruinés. Ils pensaient qu’ils allaient tuer les pilotes européens, ils se voyaient déjà gagnants. Ce n’est pas parce qu’on ne roule pas sur le même championna­t que les Européens qu’ils ne mettent pas du gaz. »

Les Américains ont principale­ment justifié leur échec par la préparatio­n de la piste. Tu partages leur opinion? « C’est vrai qu’au niveau de la texture et du tracé, il y a eu pas mal de changement­s qui ont affecté les réglages de la moto. Ils ont apporté beaucoup de sable sur la piste. Avec la façon dont ils ont travaillé, la terre plus la pluie, il fallait une moto typée sable. Même moi, après coup, je me suis dit que je n’avais pas les bons réglages. Ce sont des conditions que l’on ne rencontre jamais. Même avec mon expérience de l’europe, j’ai eu du mal alors je comprends que les Ricains aient galéré. »

En faisant désormais ta carrière aux États-unis, arrives-tu à comprendre pourquoi c’est difficile pour eux de gagner à nouveau les Nations ? « Oui, complèteme­nt. Trois raisons me viennent à l’esprit. La première c’est l’argent. Les pilotes 450 gagnent 100 000 dollars par course et des millions par titre donc ce n’est pas facile d’aller rouler au bout du monde pour zéro. Ensuite, il y a le calendrier. Il y avait un mois entre la finale de l’outdoor et les Nations. C’est la période où tout le monde part en vacances, teste les nouvelles motos pour le supercross. Et enfin, nous avons le championna­t de SX qui prend huit mois dans l’année. Deux semaines après la finale à Vegas, c’est l’ouverture en outdoor. On a très peu de temps pour s’entraîner et régler la moto alors que les Européens ne font que ça. Ils roulent dans toutes les conditions, sur tous les types de terrain. Pourquoi les Européens battent-ils les Américains? Pour ces trois raisons principale­ment. »

Penses-tu désormais que les Européens sont les plus forts en motocross et les Américains en supercross? « Oui, je pense qu’on peut le dire. Quand on voit la difficulté des Européens à gagner en supercross ici sur les dix dernières années, ça montre le gros temps d’adaptation qu’il faut et l’expérience à prendre pour y arriver. On le voit, Marvin a galéré pour gagner, Roczen aussi a mis du temps et moi je trime. Les Américains font ça depuis tout petit et ils n’ont pas qu’un pilote, mais plusieurs. Au niveau SX, l’europe est à la traîne, oui. »

Tu es peut-être l’un des seuls pilotes évoluant aux USA à vouloir venir l’année prochaine à Assen. Le maillot tricolore et la France ont une vraie valeur pour toi? « Je ne sais pas trop si j’ai envie de venir car la piste d’assen ne me fait franchemen­t pas rêver (rire !). Non,

j’habite à l’étranger et la France me manque. Donc dès que je peux retrouver un peu mon pays, ça me fait plaisir. Rouler pour la France, c’est obligatoir­e, je ne me verrais pas dire non. C’est oui direct et avec plaisir. Je suis comme ça. Je suis à l’étranger, je n’ai plus de famille, plus d’amis, plus mon pays, on est que tous les deux avec ma copine alors dès que je peux venir rouler en France comme pour le SX de Paris ou rouler avec l’équipe de France, je fonce. »

Revenons sur ta saison. Quels sont les satisfacti­ons et au contraire les regrets que tu ne souhaites pas revivre l’an prochain? « J’avais déjà montré des choses en outdoor la première année donc c’était en supercross. J’avais tout à prouver en tant qu’européen. C’était le point le plus important. La satis- faction de cette saison, c’est ma vitesse et mes chronos réalisés lors des trois premiers supercross. Je fais deuxième temps en première épreuve. La deuxième, je fais la pôle avec une grosse bagarre avec Forkner pour la victoire donc c’est cool. La troisième épreuve avant que je me blesse, j’avais signé la pôle et je fais deuxième en première finale. J’avais de la vitesse et j’étais présent. Après les regrets, c’est ma blessure forcément. J’ai fait une grosse erreur à l’appel d’un triple et c’est à éviter l’an prochain. Ça aurait pu être une belle année pour moi, mais ce n’est que partie remise. »

Tu as remporté tes deux courses outdoor sans que David Vuillemin soit à tes côtés. Il disait que son rôle est de te mettre dans les meilleures conditions pour la course. Il ne t’est d’aucune aide sur les épreuves ? « Déjà, il n’aime pas venir sur les courses donc forcément, je ne vais pas l’y obliger. Ça concerne essentiell­ement les outdoors car les pistes sont loin et les hôtels pas top. Ça fait deux ans qu’on est aux US et l’on comprend que le supercross, c’est vraiment mieux que l’outdoor. Avec DV, on travaille dur pendant l’hiver et la semaine avant les courses, donc arrivé le samedi, je suis seul derrière la grille. Qu’il soit là ou pas, ça ne change pas grand-chose quand elle tombe et qu’il faut aller chercher le mec devant. »

Il évoquait également le fait que tu roules encore trop à l’affect ! C’està-dire que sur des pistes où tu ne te sens pas bien, tu ne vas pas faire de résultats exceptionn­els. Ça traduit un manque de motivation parfois ? « Ce n’est pas vraiment de la motivation car je suis toujours motivé. En fait, il y a déjà un souci, c’est que l’année dernière, je suis tombé au départ de Budds Creek en me blessant au scaphoïde. Cette année à Dallas, je suis tombé fort au départ à deux re-

« En fait l’entourage, c’est bien, mais le moins possible, c’est mieux. »

prises sans que ça soit de ma faute. On a pu analyser que je faisais un petit blocage sur les départs. Après, je me suis explosé le bras à Atlanta et je reviens sans pouvoir jouer le titre en outdoor. C’est dur de prendre tous les risques pour gagner alors qu’il y avait moins d’enjeu. C’était une position délicate pour moi et c’est vrai que j’aurais pu faire un peu mieux. On fait un sport tellement risqué que c’est difficile d’être au top à chaque fois. Je fais tout pour essayer d’y arriver, mais ça prend du temps et c’est difficile. »

Tu renvoies souvent une image de mec cool et pourtant le milieu évoque le fait que tu es peut-être l’un des plus bosseurs. Tu confirmes ? « Je pense que j’ai toujours essayé de travailler dur même si en Europe, j’aurais pu faire mieux. Avant de partir aux US, j’avais trop de hobbies, j’aimais faire du vélo, du skate et il y a des moments où j’aurais dû plus me reposer. Désormais, comme je n’ai plus d’amis ou de famille aux ÉtatsUnis, je n’ai pas ces envies de faire autre chose. Ma vie est consacrée à l’entraîneme­nt physique, moto et repos tous les jours. Je n’ai plus de hobbies, j’ai une planche de surf, mais j’ai dû surfer six fois en deux ans. Je fais de la moto, c’est mon métier. Il n’y a plus de passe-temps et je fais tout pour réussir. Quand tu respectes à 100 % cette philosophi­e, la charge de travail augmente et c’est ce qu’on a fait avec DV. Si je donnais mes programmes, beaucoup ne pourraient pas les tenir, mais c’est comme ça qu’on y arrive. »

Justement, es-tu satisfait du résultat que cela donne en piste compte tenu de ton investisse­ment? (il réfléchit) « Non justement. On a tellement travaillé dur l’hiver dernier en supercross que je pensais me balader. Alors oui, j’étais bien, je faisais partie des meilleurs, mais ça a été dur à accepter de ne pas gagner alors que tous les voyants étaient au vert. Mais c’est les US, les mecs s’arrachent plus qu’en Europe où la saison est longue et la hiérarchie se fait vite. Aux US, un mec qui fait 12e d’habitude et qui part devant va jouer sa vie quitte à se faire mal. J’aimerais rouler avec une petite réserve mais ça ne suffit pas. »

Quelle image penses-tu avoir auprès des fans et de l’industrie ? « De mon ressenti, je pense avoir une meilleure image aux États-unis qu’en Europe. Les Américains ne me connaissai­ent pas, j’ai tout sacrifié pour venir et dès la première année, j’ai réussi à rouler devant. Ils ont appris à me connaître et ils ont vu que j’étais dévoué à mon sport et à ma carrière. Ils aiment voir des pilotes tout donner donc je pense avoir plutôt une bonne image. »

Après deux ans passés sur le sol US, as-tu appris de nouvelles méthodes pour t’entraîner ? « Au niveau de l’entraîneme­nt physique, non, car on fait tous plus ou moins la même chose. Après, au niveau de la moto, oui j’ai beaucoup appris. On ne peut pas faire des heures de roulage en supercross comme on le fait en motocross. C’est un travail plus spécifique sur quelques tours, des chronos, des sections pour apprendre la technique sachant que chaque piste est différente. J’ai appris la première année avec Gareth Swanepoel qui était l’entraîneur du team mais je pense avoir encore plus appris aux côtés de DV. Il a vécu tout ce qu’on est en train de vivre et nous apporte énormément. Un exemple, en début de saison, on vivait à l’heure de la côte Est car il y a trois heures de décalage avec l’ouest. C’est beaucoup lorsqu’il faut se lever très tôt pour être à 7h30 au circuit. C’est un exemple parmi tant d’autres. »

Qu’est-ce qui te plaît autant aux États-unis ? « Dans la vie de tous les jours, habitant en Californie, c’est la météo et le style de vie. En tant que sportif, c’est le plan parfait pour travailler. Après, dans la moto, ce serait le supercross. C’est énorme et je souhaite à tous les pilotes de vivre ça un jour. Je n’échangerai­s ma place pour rien au monde. »

À l’inverse, qu’est-ce qui te fait regretter la France ? « La nourriture ! C’est un gros problème ici. Il y a un manque de qualité des aliments et dès que tu veux bien manger, ça coûte très cher. Les seules fois où l’on va au restaurant, c’est pour manger français, ça en dit long. Au niveau de la moto, pas grand-chose me fait regretter la France. Allez peutêtre une bonne journée l’hiver quand il fait frais et que la terre est juste grasse comme il faut. »

À quel moment décideras-tu de prendre ta retraite. Quand ton corps te le dira ou ton compte en banque? « Ça sera le corps, la motivation et peut-être la vie de famille. Pour le compte en banque, ce n’est pas gagné encore. »

Te concentres-tu à 100 % pour gagner le titre ou ne pas te blesser ? « Je pense que si je ne me blesse pas, j’ai tout ce qu’il faut pour gagner. L’un ne va pas sans l’autre. Mon but est d’être champion supercross côte Ouest 2019 et champion outdoor 2019 pour avoir l’opportunit­é de monter en 450 en 2020 même si j’ai un contrat pour rouler en 250 jusqu’en 2020. L’idéal serait de faire comme Plessinger cette année, tout gagner et que Yamaha me reprenne mon contrat pour me faire passer en 450. »

Préfères-tu mener une course ou chasser le premier ? « Très bonne question (il réfléchit). Mener une course, c’est plus facile, mais quand tu chasses, que tu doubles tous les pilotes et que tu gagnes, c’est une manière de prouver que tu es le meilleur. »

T’arrive-t-il d’avoir peur quand tu es en course ? « Oui, forcément. À cause des autres quand je vois des mecs faire n’importe quoi et sauter de gauche à droite. Après, à l’entraîneme­nt, dès qu’il y a un truc qui me fait peur, j’essaie de faire attention, de ne pas prendre de risque et d’ailleurs, je me suis rarement blessé à l’entraîneme­nt. »

Tu roules avec une marge de manoeuvre ou tu sors de ta zone de confort en course ? « Je ne pense pas sortir de ma zone de confort mais rouler juste à la limite. »

Es-tu stressé avant le départ d’une course ? « Je ne dirais pas stressé, mais tendu plutôt. Quand je pars de chez moi avant de prendre l’avion, je suis stressé car j’ai peur d’avoir oublié quelque chose ou de crever sur la route. Là, oui, je transpire (rire !). Avant une course, je suis calme et plutôt tendu. Il y a de la concentrat­ion, un peu de tension car je sais que tout peut arriver et je me prépare à tout. J’essaie de m’entourer de ma copine et DV uniquement s’il est là. Je ne parle pas beaucoup. Je ne vois personne avant une manche, ça, c’est clair. Moins il y a de monde, plus ça me va. »

Qu’est-ce qu’il te manque pour gagner ton premier SX « Pas grand-chose. Ça s’est joué à un block-pass cette année. Il me manque un holeshot qui pourrait beaucoup m’aider pour en gagner un. »

Qu’est-ce qu’il te manque pour être le meilleur pilote Lites aux US? « Rouler relâché comme je roule à l’entraîneme­nt sur la totalité des courses. Dès qu’il y a un petit truc où je ne me sens pas à l’aise, je roule un peu tendu et ce n’est pas la même qualité de pilotage. »

Comment aimerais-tu qu’on se souvienne de toi dans vingt ans? « Comme un mec gentil et bosseur. Je pense que ce sont mes qualités. »

On dit souvent que le motocross est un sport individuel qui se pratique en équipe, quelle importance a ton entourage dans ta carrière ? « C’est une question délicate. Ça reste quand même un sport individuel et le jour de la course, on est vraiment seul. C’est important la semaine et je pense que sans certaines personnes, j’aurais pu avoir de meilleurs résultats dans ma carrière. En fait l’entourage, c’est bien, mais le moins possible, c’est mieux. »

Sans ta copine, ton aventure aux US connaîtrai­t le même parcours ? « On ne pourra jamais savoir, mais je pense que oui car quoi qu’il arrive, je me serais entraîné du mieux possible et j’aurais tout donné. Donc je pense que j’aurais pu atteindre mon niveau d’aujourd’hui, mais Nastasia m’a beaucoup aidé. C’est les fondations de ma réussite. »

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 ??  ?? Dylan aura marqué de son empreinte le deuxième SX de Paris en remportant une finale avec la manière !
Dylan aura marqué de son empreinte le deuxième SX de Paris en remportant une finale avec la manière !
 ??  ?? La complicité entre Dylan et sa compagne Nastasia est au coeur de la réussite sportive du couple, un peu isolé aux US.
La complicité entre Dylan et sa compagne Nastasia est au coeur de la réussite sportive du couple, un peu isolé aux US.
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 ??  ?? 2019 se présente évidemment comme un gros objectif dans la carrière de Dylan qui aura à coeur de se montrer solide toute la saison pour ensuite monter en 450.
2019 se présente évidemment comme un gros objectif dans la carrière de Dylan qui aura à coeur de se montrer solide toute la saison pour ensuite monter en 450.
 ??  ?? Coéquipier aux Nations, Dylan Ferrandis et Jordi Tixier se sont retrouvés adversaire­s le temps du SX de Paris. Le tout sous l’oeil de DV, pièce maîtresse de la carrière du Français.
Coéquipier aux Nations, Dylan Ferrandis et Jordi Tixier se sont retrouvés adversaire­s le temps du SX de Paris. Le tout sous l’oeil de DV, pièce maîtresse de la carrière du Français.
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