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L’île du silence

A trois milles du vieux port de Cannes, Saint-Honorat est une oasis de sérénité dans un pur écrin de nature provençale. Un joyau préservé et soigneusem­ent entretenu par les moines cistercien­s de l’abbaye de Lérins.

- Texte Antoine Berteloot - Photos Michel Luizet

Le port des Moines est le seul abri sur l’île de Saint-Honorat. De forme circulaire et d’environ 50 m de diamètre pour une profondeur d’à peu près 1,50 mètre, il peut accueillir une dizaine de petites embarcatio­ns. Pour modeste qu’il soit, ce port offre une place de choix pour notre Expression 32. Dans la chaleur de l’été naissant, sous un ciel éclatant, nous empruntons l’une des allées qui traverse l’île vers l’abbaye de Lérins, ombragée de majestueux pins parasols et pins maritimes, et bordée d’oliviers centenaire­s. Seuls le chant puissant des cigales et les senteurs multiples de la nature surchauffé­e nous accompagne­nt sur le chemin de terre poussiéreu­x. A l’entrée de l’abbaye, frère Marie, l’un des vingt moines qui composent la congrégati­on, nous reçoit pour évoquer ce lieu si particulie­r chargé d’histoire, mais aussi pour nous parler du vin qu’ils produisent depuis 1990, et dont la ré- putation s’étend dans le monde entier, du Japon aux Etats-Unis. En oenologue averti, frère Marie règne sur ce domaine viticole de 8,5 hectares, qui produit 30 000 bouteilles de vin rouge et blanc par an.

Cinq minuscules terroirs sur l’île

Les preuves de l’existence du vignoble sur Saint-Honorat remontent au Moyen-Age, mais il est fort probable que la vigne était déjà présente dans l’Antiquité. Les terroirs occupent le centre

de l’île, répartis en cinq clos et micros terroirs, bénéfician­t d’un ensoleille­ment exceptionn­el, d’un sol calcaire et argileux et de la présence de l’air marin et d’une source d’eau douce. Le vignoble actuel est récent, mais s’inscrit dans une histoire où le temps monastique de l’île est rythmé par les soubresaut­s des révolution­s, des guerres et des grands changement­s sociétaux. Après la Seconde Guerre mondiale, le vignoble tombe en désuétude, remplacé petit à petit par la culture de la lavande et celle des oliviers. En 1990, il ne reste qu’un hectare de vigne lorsque les moines décident de relancer le vignoble. Ils défrichent, replantent, étudient les techniques modernes auprès des meilleurs maîtres de chais dans le respect de la nature, perpétuant une culture naturelle sans chimie, qui obtient un authentiqu­e label bio. Les moines ne sont pas hors du temps, et utilisent les technologi­es les plus modernes pour travailler le vin, avec des cuves en inox climatisée­s, des engins mécaniques pour traiter les sols, des pressoirs pneumatiqu­es. Ils limitent volontaire­ment le rendement. Le résultat est un vin d’exception, qui a été servi entre autres aux chefs d’Etats lors du dernier sommet du G20 et au jury du festival du film de Cannes. Il est présent aussi sur la carte de l’Elysée et de Matignon, mais cette excellence a un prix et la première bouteille débute à 33 euros.

La journée commence à 4h30

Les moines de Saint-Honorat appliquent la devise de leur ordre, «Ora et labora» : «Prie et travaille». Ils se lèvent à 4 h 30 du matin, se couchent à 20 h 30, et leur journée de travail est ponctuée par sept offices religieux ; ce sont les seuls habitants permanents de l’île. Saint-Honorat est ouverte au public (une tenue et un comporteme­nt décents sont requis) qui peut visiter certaines parties de l’abbaye ainsi que l’ancienne abbaye fortifiée dont le donjon domine l’île et les alentours, offrant un point

de vue exceptionn­el. Les visiteurs peuvent également déjeuner à l’ombre de La Tonnelle, un restaurant appartenan­t à l’abbaye, ou partager la vie de la communauté au travers de séminaires ou de retraites qui accueillen­t 2 500 personnes par an pour des séjours de 3 à 7 jours. Les moines sont aussi propriétai­res d’une compagnie de navigation dont les trois navettes assurent le transport de passagers entre Cannes et l’île. Cette communauté discrète mais très active vit dans notre monde contempora­in et en utilise les outils, mais avec une approche religieuse qui en fait toute la différence.

 ??  ?? Grâce au travail des moines, les lieux sont toujours très bien tenus. Ils sont aidés dans leur tâche par des intervenan­ts extérieurs.
Grâce au travail des moines, les lieux sont toujours très bien tenus. Ils sont aidés dans leur tâche par des intervenan­ts extérieurs.
 ??  ?? Contrairem­ent à la croyance populaire, les moines travaillen­t avec des techniques dernier cri. Comme ici dans les chais.
Contrairem­ent à la croyance populaire, les moines travaillen­t avec des techniques dernier cri. Comme ici dans les chais.
 ??  ?? Dans le clos de la Charité, chaque rang de vigne est financé par un généreux donateur.
Dans le clos de la Charité, chaque rang de vigne est financé par un généreux donateur.
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 ??  ?? 70 Frère Marie, l’un des vingt moines de la communauté vivant sur l’île, est en charge du vignoble.
70 Frère Marie, l’un des vingt moines de la communauté vivant sur l’île, est en charge du vignoble.
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8
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69
 ??  ?? Le chais de l’abbaye où le vin vieillit en barriques. Ces dernières sont changées tous les quatre ans.
Le chais de l’abbaye où le vin vieillit en barriques. Ces dernières sont changées tous les quatre ans.

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