Les histoires d’eau d’Alfa Romeo
Depuis près d’un siècle, les moteurs Alfa Romeo font merveille non seulement sur route et sur piste mais aussi sur l’eau, en parallèle avec quelques modèles légendaires de la marque milanaise..
Il est des pays qui suscitent les passions les plus contagieuses. L’Italie est de ceuxlà, à qui fut attribué le rouge comme couleur nationale sur les circuits dès les années 1920. Bien avant Ferrari, Alfa Romeo a incarné l’excellence mécanique, aussi bien sur terre et dans les airs que sur l’eau. Après une belle exposition rétrospective sur les importantes activités civiles et militaires aéronautiques d’Alfa Romeo, le superbe musée national de la firme situé à Arese, près de Milan, prépare une initiative similaire pour saluer des décennies de victoires de la firme au trèfle vert (le Quadrifoglio) dans le domaine motonautique.
Championne avec Ferrari
Une poignée de collectionneurs italiens et quelques français n’ont pas attendu cette reconnaissance pour entretenir la flamme de l’enthousiasme pour les moteurs de la marque. Ils se retrouvent chaque année à Colorno, sur le grand fleuve mythique du pays, le Pô, là où se sont affrontés dès 1929, hydroglisseurs et hydroplanes dans la plus longue course en ligne du monde, la Pavia-Venezia. Alfa Romeo y enregistre deux grandes victoires consécutives en 1937 et 1938 avec des moteurs d’avion. La firme milanaise compte parmi les plus prestigieuses du monde, sur route et sur piste, grâce au talent d’un certain Enzo Ferrari qui
dirige alors l’écurie de course officielle. Avant la Seconde Guerre mondiale et dès l’immédiat aprèsguerre, les robustes six cylindres en ligne, puis huit cylindres en ligne des automobiles Alfa Romeo restent particulièrement prisés, y compris de quelques pilotes motonautiques à une époque où les membres de l’élite sautent volontiers d’un cockpit à l’autre. Mais il faut attendre le milieu des années 1950, en plein essor économique de l’Italie, pour que l’usine lance la Giulietta 1300 avec un formidable petit quatre cylindres à double arbre à cames en tête. Pro-
duite en grande série, cette mécanique sophistiquée et puissante s’avère vite facile à transformer en bête de course. Cette initiative industrielle d’Alfa Romeo favorise donc grandement l’essor des sports mécaniques dans le pays puis en Europe pendant les deux décennies suivantes, entraînant également la réussite de plusieurs petits constructeurs motonautiques dans son sillage.
La petite fiancée de l’Italie
Ainsi, dès 1960, le chantier milanais San Marco présente la «Giulietta del Mare» avec l’accord du fabricant automobile. Le nom de Giulietta est alors dans tous les esprits au point de voir ce modèle de voiture surnommé «la petite fiancée de l’Italie». Les publicitaires jouent habilement sur l’évocation de la passion amoureuse dans la pièce de Shakespeare alors que Romeo (Nicola de son prénom) a créé la marque en 1915 en accolant simplement son nom à celui de la société Anonima Lombarda Fabrica Automobili (ALFA). On ne compte plus les victoires et les records du quatre cylindres 1300 de la Giulietta dans les années 1960, monté dans des racers
« trois points », en version de base préparée par des officines de sorciers, ou travaillé spécialement par Autodelta, l’écurie officielle de l’usine. Dans le même temps, Alfa Romeo est présent dans les catégories de course de cylindrée supérieure. Le moteur 6 cylindres en ligne de la prestigieuse « 2600 » produite en coupé, spider et berline fait aussi les beaux jours des pilotes de racers qui doivent cependant l’adapter à la réglementation internationale motonautique en réduisant sa cylindrée pour entrer dans la catégorie 2500. Là encore, les chantiers comme Celli, Molinari ou Lucini accumulent les plus grands succès au palmarès avec des titres de champion d’Eu-
rope et du monde. Après la 2600 six cylindres en ligne, Alfa Romeo se lance dans un projet de voiture de sport encore plus haut de gamme avec le coupé deux portes Montreal carrossé par Bertone et présenté en 1970. Il est doté d’un nouveau moteur V8 de 2,6 litres. Cette mécanique sophistiquée est directement issue du championnat du monde des Sport-Prototype où Alfa Romeo défie Porsche et Ferrari avec sa légendaire « 33 ».
Un coeur de grande sportive
Transformé en version 2500, l’impressionnant V8 Montreal à double arbre à cames en tête est monté avec succès dans quelques racers alors que la compétition motonautique in board sur plan d’eau protégé commence son inexorable déclin. Après plusieurs changements de cylindrée pour maintenir à flot un sport amateur menacé, la Fédération italienne parvient à conserver longtemps une catégorie de racer trois points à moteur de 2 litres de cylindrée, sanctionnée par un championnat national. Et pour clore cet âge d’or commencé dans les années 1950, c’est symboliquement un 4 cylindres Alfa Romeo qui remporte l’ultime championnat d’Italie en 1995 avec Massimo Saccani sur une coque Lucini construite près du lac de Côme.
REMERCIEMENTS
à Henry-Jacques Pechdimaldjian du Cercle du motonautisme classique et à Paolo Cantoni de l’« Alfa Club Parma ».