Construction high-tech
Dans le nord de l’Italie, à Piacenza, le chantier Absolute a révolutionné les codes de la construction navale italienne et mis en place un modèle totalement innovant. Neptune s‘est rendu sur place.
Absolute, parti de presque rien en 2002, n’a cessé de grandir, d’innover et d’étonner pour devenir l’un des grands chantiers navals de plaisance du pays. Le «presque» est important puisque les femmes et les hommes à la tête d’Absolute portent le nom de Gobbi, un chantier de référence racheté par Azimut Benetti en 2001, et qu’ils ont dirigé plusieurs décennies. Au lieu de partir siroter des cocktails sur une île des Bahamas, Patrizia Gobbi, son père et deux cadres de l’ex-chantier se sont associés pour créer Absolute.
Tout produire en interne
Mais pour imposer une nouvelle marque dans un secteur concurrentiel, Absolute mise d’emblée sur la quasi autonomie, soit produire l’ensemble d’un bateau en interne, et miser sur la modernité et la technologie. Le chantier va vite. Les premières années voient l’arrivée d’un 25’, puis d’un 45’, suivi d’un 41 en 2004. La machine est lancée et ne s’arrêtera plus. En 2007, une nouvelle usine de 48 000 m sort de terre à Piacienza,
où sont produits tous les modèles présents et à venir. Une chaîne logique de fabrication est mise en place, entre la stratification, le montage des aménagements, les éléments techniques (moteur, plomberie, électricité, électronique), jusqu’au test final en piscine. Toutes les étapes sont normalisées.
Pas de limite à l’imagination
Au point de départ, il y a le bureau d’étude, où travaillent ensemble des architectes navals, des ingénieurs et des designers. Les échanges sont rapides et fructueux, la libre expression est de mise et il n’y a pas de limite à l’imagination, si ce n’est les grands principes de base que sont l’ergonomie, l’élégance, la qualité et la robustesse. Avec cette chaîne restreinte, le chemin entre les décisions et la construction devient très court. Comment est fabriqué un Absolute ? De façon classique, mais en ayant recours à des mé- thodes modernes. Le classique, c’est la stratification manuelle des éléments en polyester dans les 20 stations de moulage de l’usine. Alors que toute la profession ne jure que par l’injection et par l’infusion, Absolute reste fidèle à la voie humide, plus facile à contrôler, et plus simple pour détecter un incident et pour le réparer. Pour contrer les rejets nocifs des résines, le hall s’est doté d’une énorme bat- terie de ventilateurs et de filtres, qui renouvellent la totalité de l’air 29 fois par heure. De fait il n’y a aucune odeur dans ce hall. En parallèle, les ingénieurs ont mis au point l’ISS (Integrated Structural System), un procédé complexe qui permet de fabriquer les aménagements indépendamment de la coque. Tout commence dans l’atelier de menuiserie où un système automatique sélectionne
les plaques de contreplaqué spécialement fabriquées pour le chantier. Celles-ci sont ensuite conduites sur un banc de découpe numérique qui taille et numérote des centaines de pièces.
Des contrôles qualité permanents
La suite est un gigantesque puzzle monté à la main, ajusté et collé, qui prendra place dans la coque restée dans le moule, puis stratifié à cette dernière. Les avantages sont multiples, dont une extrême rigidité de la coque et des aménagements (tout est stratifié ensemble). Les systèmes électriques et la plomberie sont prémontés, et le gain de temps est appréciable. Ensuite les bateaux sont déplacés sur des chariots le long d’un grand quai à hauteur de cockpit, où ils passeront par différentes étapes jusqu’aux ultimes finitions. Du début de la construction à la fin, le chantier procède à plus de 100 contrôles qualité. Les bateaux terminés sont ensuite testés entre deux et quatre jours en piscine avant d’être expédiés. Pour illustrer cette souplesse, entre 2011 et 2018, le chantier a mis à l’eau dix-neuf nouveaux modèles, pro- cédé à cinq restyling importants et à trente plus légers. Aujourd’hui, Absolute se concentre sur deux gammes : les fly avec huit modèles de 40’ à 72’ et les Navetta avec quatre modèles de 48’ à 73’. Le chantier emploie 240 personnes, et affiche un endettement nul pour une réserve de 19 M d’euros de cash. Absolute se développe à l’international notamment aux Etats-Unis et prévoit encore de renforcer ce secteur. Une Navetta 68 est annoncée pour 2019.