• Voyage : les yachts d’exploration
Lorsque les trawlers dépassent 25 mètres, ils deviennent des yachts et prennent le nom d’explorer yachts ou expedition yachts. Ce secteur, qui a toujours existé, explose depuis quelques années.
L’environnement, les espaces vierges, le monde maritime qui se dégrade, la nécessité de préserver la nature sont au coeur des débats de société. Ces grands thèmes font prendre conscience que notre planète ne dispose plus que de rares espaces sauvages, et que seuls les plus chanceux ou les plus aventuriers et les plus riches d’entre nous peuvent encore les admirer. Pour visiter l’Arctique, la Patagonie, l’Antarctique ou les îles les plus reculées du Pacifique, les plaisanciers fortunés ont fait construire des yachts d’exploration, adaptés aux longs voyages. Ces navires ont de la gueule et véhiculent un esprit pionnier dont s’est emparée l’industrie des yachts. C’est aujourd’hui du dernier chic de posséder un yacht d’exploration, ou tout du moins qui en a l’appa- rence, suivant en cela le modèle terrestre et l’engouement pour les SUV haut de gamme, même si la plupart des yachts siglés « grand voyage » se contentent de très formelles croisières classiques en Méditerranée ou aux Caraïbes.
Inspirés par les bateaux de travail
Comment reconnaît-on un yacht d’expédition ? En premier lieu à sa silhouette, plus ou moins proche ou inspirée par les remorqueurs de haute mer, et caractérisée par une haute étrave qui embrasse les superstructures ramenées sur l’avant, et par un pont principal abaissé plus ou moins dégagé, relativement proche de la surface. Ensuite, fort de ce schéma directeur, l’interprétation est (très) libre, mais dépendra de la longueur du yacht, du budget, du programme de navigation et du talent de l’architecte. Audelà du style, un yacht d‘expédition doit répondre à des critères techniques précis. Ce sont des navires desti-
nés à de longues navigations dans des contrées isolées, au climat parfois rude comme ceux des pôles et des hautes latitudes, ou encore des régions tropicales reculées et particulièrement isolées, le nord ou l’ouest de l’Australie, les îles du Pacifique nord et central, où le ravitaillement en vivres, carburant ou pièces détachées est inexistant ou très compliqué. Il faut donc une très grande autonomie (au moins 4 000 milles à 10 noeuds) procurée par des réservoirs de
carburant de bonne capacité, une carène confortable, donc à déplacement et en acier pour la robustesse et la conformité aux diverses certifications dont celle des glaces, et qui soit capable d’affronter en toute sécurité des tempêtes violentes. Un yacht d’expédition doit être simple à entretenir par son équipage, surtout pour les ingénieurs mécaniciens, une condition déterminée dès la construction par le choix de matériaux, d’équipements et de machines robustes et de très haute qualité, souvent issus de la marine de commerce.
Un cahier des charges précis
Mais un yacht d’expédition reste un yacht, avec une notion de confort et de luxe qui le différencie des navires scientifiques ou de travail. Les programmes de navigation sont vastes et variés à l’image des propriétaires. Cela va de la découverte de nouveaux paysages (les pôles et les glaces sont devenus des destinations très prisées), à la pratique de la plongée, comme celle de la pêche sportive, la liste n’est pas limitative. On doit donc pouvoir embarquer tous les équipements récréatifs nécessaires aux pratiques requises. Cela va des tenders aux hélicoptères, en passant par les sous-marins de poche, les véhicules amphibies, les équipements de plongée et de pêche, motos, jets ski et le personnel qualifié pour les mettre en oeuvre et les entretenir. Un vrai yacht d’expédition est donc déjà une aventure à lui tout seul. Comme pour les trawlers de plaisance, il y a les explorer customs et les modèles de série. Parmi ces derniers, plusieurs grands chantiers généralistes ont développé une gamme, comme Sanlorenzo qui propose deux mo- dèles, les 460 Exp et 500 Exp. Le chantier turc Numarine présente trois modèles, les 26 XP, 32 XP et 45 XP, alors que Benetti projette une gamme spéciale appelée Oasis Class de 110’ et 135’, tout comme l’Italien Rossetti Superyachts. D’autres chantiers ne font que des explorers. C’est le cas de l’Allemand Drettman, de l’Américain Bering, de l’Italien Cantiere Delle Marche sans oublier le cas très à part de Damen et des yachts support comme Game Changer. Face à cette production, on trouve les
yachts d’expédition custom, que l’on peut considérer comme la crème des super yachts de voyage. Les plus fameux se nomment Grand Bleu, 112 m, construit en 2010 en Allemagne, Andromeda (ex- Ulysses) 107 m, mis à l’eau en 2015 en Norvège, sans oublier le franco-monégasque Yersin, 77 m, qui a été conçu au chantier Piriou en 2015.
Des remorqueurs transformés
Face à ces princes du voyage, il y a les seigneurs de la haute mer, anciens brise-glace ou remorqueurs hauturiers que des navigateurs aussi passionnés que fortunés ont transformés en superyachts. Ils ont pour nom Enigma, 71,40 m, un navire de surveillance des pêches écossais de 1988 refité par l’architecte naval français Philippe Briand en 2014. Legend, 77,40 m, est un brise-glace russe lancé en 1974 qui a été entièrement refait en 2016 au chantier hollandais Icon Yachts, ou encore Arctic, 87,85 m, remorqueur de sauvetage polaire, fabriqué en 1969, et rénové en 1995 à Malte. Tous ces yachts et super yachts ont les attributs esthétiques et physiques des yachts d’expédition, mais nombre de yachts plus classiques ont effectué de magnifiques voyages à l’exemple d’Exuma, un 50 m en aluminium dessiné par Philippe Briand et construit au chantier italien Picchiotti en 2010 et qui a réalisé un tour du monde sans rencontrer aucun problème.