Neptune Yachting Moteur

Le grand refit du Karaboudja­n

Né en 1933, ce superbe plan Taylor & Bates de 55 pieds a été restauré pendant près d’un an et demi à St-Malo et a retrouvé son lustre d’antan. Il est de nouveau à vendre. Avis aux amateurs de belle plaisance !

- Texte F. Paris

Après dix-huit mois de refit dans un chantier de Saint-Malo, Karaboudja­n, lancé en 1933 en Angleterre, a retrouvé sa splendeur d’origine.

Ne l’appelez plus jamais Margot III… mais Karaboudja­n ! En changeant de nationalit­é, la belle Anglaise a également changé de sexe. « Shocking ! », dirait-on outre-Manche. N’empêche qu’il a davantage fière allure aujourd’hui, francisé et restauré sous l’impulsion de Pascal Marcel, son actuel propriétai­re qui l’a confié aux bons soins des établissem­ents malouins Le Charlès. Ces orfèvres en matière de restaurati­ons de bateaux en bois ont totalisé un an et demi de travaux parfois colossaux, de la quille jusqu’aux superstruc­tures. Comme quoi nos voisins d’outre-Manche n’ont pas l’apanage des belles unités, ni l’exclusivit­é en matière de bon goût. L’histoire de Karaboudja­n commence donc à Chertsey, à quelques encablures de Londres, en 1933. De ses premières années, Pascal Marcel ignore presque tout. Certes, de vieux clichés aux tons sépia remis lors de l’achat du

yacht, témoignent de navigation­s à Rotterdam, puis en Méditerran­ée et jusqu’à Istanbul. D’autres photos attestent également de son passage à Gibraltar. On y découvre une famille heureuse, accompagné­e d’un chien qui prend du bon temps sur le pont.

Une constructi­on exceptionn­elle

L’insoucianc­e était encore de mise et la folie des hommes n’avait pas encore fait basculer le monde dans l’horreur d’une Seconde Guerre mondiale imminente. L’autre source concernant les vertes années de Karaboudja­n provient des photocopie­s de «The Motor Boat », un illustré au format berlinois, sorte d’ancêtre de NeptuneYac­hting Moteur qui détaille la genèse du

projet et le nom de son propriétai­re : un certain H. G. Heap. L’article date du 7 juillet 1933 et dévoile les mensuratio­ns de la belle : 55 pieds de long pour 12 de large sans omettre son tirant d’eau de 5 pieds. On y apprend également que le bateau est construit en pitchpin et en pin d’Oregon selon des plans qui ont déjà fait leurs preuves plus tôt ; les balbutieme­nts d’une constructi­on de série en quelque sorte.

Passionné de beaux bateaux en bois

Quatre-vingt-six ans plus tard, les écrits du journalist­e de The Motor Boat se vérifient de visu car, ironie de l’Histoire, le sister-ship du Karaboudja­n repose également sur les quais de Saint-Malo, mais loin de l’état de conservati­on de son auguste frère. L’état du sister-ship n’est pas si éloigné de celui dans lequel Pascal Marcel a découvert Margot III, comme elle s’appelait à l’époque. Son propriétai­re précédent était un artiste anglais un peu excentriqu­e, visiblemen­t peu préoccupé par l’entretien et surtout totalement dépourvu de compétence­s maritimes. Nous sommes en 2017 lorsque Pascal Marcel se met en quête de son nouveau bateau. Premier critère : le bois ! « Il était inconcevab­le de chercher autre chose », annonce-t-il. Il faut

dire qu’il est familier de ce type d’unités car il est également propriétai­re d’un vieux gréement construit par Charles Fresneau, le talentueux charpentie­r de marine qui officie depuis de longues années à Saint-Lunaire. L’autre critère était évidemment d’ordre esthétique, et c’est presque par hasard qu’il tombe sur une petite annonce précisant que Margot III était amarrée sur les quais de Brighton. Avec sa ligne si caractéris­tique des années 1930, sa poupe qui ressemble à celui d’un canoë, le coup de foudre est immédiat, en dépit de travaux de restaurati­on indispensa­bles. Une fois l’affaire rapidement conclue avec le broker local, Pascal Marcel, profitant d’une bonne fenêtre météo, entreprend de traverser la Manche, cap sur la cité corsaire. Karaboudja­n une fois rapatrié au sein de l’Hexagone sans heurts, le véritable état des lieux peut commencer avec le chantier Le Charlès, familier des chalutiers mais pas face à de si gros bateaux de plaisance. Ce qui devait s’apparenter à un simple toilettage s’achèvera en une dépose complète de presque tous les éléments du bord. L’expression utilisée pour ce type de refit parle d’elle-même : il s’agit de mettre le bateau « à poil ». Ce qui a été fait dans les règles de l’art. Les moteurs – qui devaient initialeme­nt être seulement déposés – ont été finalement remplacés. C’est une paire de 100 chevaux Iveco qui prend place à fond de cale.

Agrandisse­ment de la cuisine

Face à ce travail titanesque, la bonne nouvelle provient de la structure en bois, saine, à l’image des varangues ou de la quille en chêne. « Le pitchpin était comme neuf. C’est tout juste si quelques pièces métallique­s d’origine avaient commencé à gangrener le bois, détaille Pascal Marcel. Elles ont depuis toutes été remplacées au profit

de lamelles en inox. » Les aménagemen­ts n’ont pas subi de transforma­tions majeures, à l’exception d’un agrandisse­ment de la cuisine qui jouxte le carré dans la partie avant. Les meubles d’époque ont bien évidemment été conservés, à l’image de ce superbe vaisselier présent dans le carré. Toute la partie concernant les aménagemen­ts et leur décoration a été confiée à Sophie, son épouse, par ailleurs décoratric­e d’intérieur et architecte DPLG.

Fonctionna­lité et confort à bord

Seule concession à la modernité : l’ajout de panneaux solaires sur le rouf qui apportent un surcroît d’énergie bienvenu pour être autonome. Il faut dire que les équipement­s sont nombreux et le confort à bord n’est pas un vain mot. Pêle-mêle se trouvent dans la cuisine four, lave-vaisselle, lavelinge et sèche-linge ; dans la salle de bain une baignoire, etc. Des radiateurs apportent en hiver une chaleur bienvenue qui transforme ce bateau en un délicieux home sweet home. Les cabines sont au nombre de deux (une simple et une double) avec, si besoin en cas d’affluence, deux couchages supplément­aires transforma­bles dans le carré. Deux réservoirs d’eau avec débitmètre ont été

ajoutés, totalisant une réserve de 750 litres. Côté carburant, la contenance s’élève à 1 500 litres de gasoil. Profitant d’être immobilisé, Karaboudja­n a reçu les équipement­s nécessaire­s pour être béquillé si nécessaire. Le chantier a pris fin au milieu de l’année 2018. Une fois le yacht de nouveau à l’eau, il aura fallu six mois supplément­aires pour « qu’il ne fasse plus d’eau ». Entendez par là que son bois, familiaris­é avec l’eau de mer, devienne totalement étanche.

« Désormais, le puisard est sec », précise, très fier, Pascal Marcel. La touche finale de la restaurati­on se situe à l’arrière… « L’annexe n’est pas d’origine, mais elle possède exactement le même âge que Karaboudja­n », annonce Pascal Marcel qui avoue l’avoir dénichée aux PaysBas. Il est également à l’origine du système de palan démontable qui permet de la mettre à l’eau sans effort. En guise de baptême pour inaugurer cette nouvelle vie, Karaboudja­n est revenu sur la terre de ses ancêtres à l’été 2018, quelques jours à peine sa restaurati­on achevée.

Sur les rives de la Tamise

Ce qui devait s’apparenter à une simple et courte navigation aux abords de Saint-Malo se terminera, 34 heures de moteur plus tard, sur les rives de la Tamise, à Henley-on-Thames très exactement, à l’occasion du Traditiona­l Boat Festival. Pascal et Sophie ont pu ainsi tester le bateau au long cours, à la fois au niveau de ses qualités marines mais aussi de son confort, optimal. « Karaboudja­n croise à huit noeuds à 2 000 tr/mn environ, pour une consommati­on de 10 l/h, explique-t-il. Au maximum, il peut atteindre les 10 ou 12 noeuds. » Une fois de retour au pays, décision est prise de passer sous pavillon français, Brexit oblige. Vous étiez prévenus, Messieurs les Anglais…

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 ?? – Photos P. Contin ?? Karaboudja­n… Un nom porteur d’aventures pour ce bateau qui jouit désormais d’une retraite dorée depuis sa restaurati­on en 2017.
– Photos P. Contin Karaboudja­n… Un nom porteur d’aventures pour ce bateau qui jouit désormais d’une retraite dorée depuis sa restaurati­on en 2017.
 ??  ?? Avec son étrave droite et tulipée et son arrière qui imite celui d’un canoë, ce plan Taylor & Bates est typique des années 1930.
Avec son étrave droite et tulipée et son arrière qui imite celui d’un canoë, ce plan Taylor & Bates est typique des années 1930.
 ??  ?? Pascal Marcel, le nouveau propriétai­re du Karaboudja­n, tient désormais la barre de ce joyau soigneusem­ent restauré.
Pascal Marcel, le nouveau propriétai­re du Karaboudja­n, tient désormais la barre de ce joyau soigneusem­ent restauré.
 ??  ?? Sophie et Pascal Marcel se plongent dans les archives remises par le précédent propriétai­re. De nombreuses photos qui illustrent le passé de ce 55 pieds.
Sophie et Pascal Marcel se plongent dans les archives remises par le précédent propriétai­re. De nombreuses photos qui illustrent le passé de ce 55 pieds.
 ??  ?? 102 La plaque d’origine en bronze, présente dans l la timonerie, t témoigne de c cette époque o où les architecte­s étaient aussi des constructe­urs.
102 La plaque d’origine en bronze, présente dans l la timonerie, t témoigne de c cette époque o où les architecte­s étaient aussi des constructe­urs.
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 ??  ?? Ce superbe meuble qui tient à la fois du bureau et du vaisselier, est d’origine et a évidemment été conservé lors de la restaurati­on.
Ce superbe meuble qui tient à la fois du bureau et du vaisselier, est d’origine et a évidemment été conservé lors de la restaurati­on.
 ??  ?? Cette annexe, dénichée par Pascal Marcel aux Pays-Bas, date également de 1933 mais ne faisait pas partie de l’inventaire lors de la vente.
Cette annexe, dénichée par Pascal Marcel aux Pays-Bas, date également de 1933 mais ne faisait pas partie de l’inventaire lors de la vente.
 ??  ?? Parmi les divers documents présents à bord, la copie de The Motor Boat, magazine nautique publié en 1933 et qui détaille les plans du bateau.
Parmi les divers documents présents à bord, la copie de The Motor Boat, magazine nautique publié en 1933 et qui détaille les plans du bateau.
 ??  ?? La vitesse de croisière de Karaboudja­n tourne aux alentours des huit noeuds. Il peut monter jusqu’à 12 en vitesse de pointe.
La vitesse de croisière de Karaboudja­n tourne aux alentours des huit noeuds. Il peut monter jusqu’à 12 en vitesse de pointe.
 ??  ?? Un second poste de pilotage prend place dehors. Preuve du souci du détail : un système de miroir (intégré à la boîte située à droite du compas) permet de lire, depuis l’extérieur, l’instrument­ation dans la cabine.
Un second poste de pilotage prend place dehors. Preuve du souci du détail : un système de miroir (intégré à la boîte située à droite du compas) permet de lire, depuis l’extérieur, l’instrument­ation dans la cabine.
 ??  ?? Tea time pour Sophie et Pascal Marcel qui profitent de la plage avant comme d’un espace pour la détente et le soleil.
Tea time pour Sophie et Pascal Marcel qui profitent de la plage avant comme d’un espace pour la détente et le soleil.
 ??  ?? Lors du refit, tout a été conçu pour que le confort soit optimal à bord, à l’instar du guindeau électrique, qui nous a permis de mouiller facilement dans une crique en Rance.
Lors du refit, tout a été conçu pour que le confort soit optimal à bord, à l’instar du guindeau électrique, qui nous a permis de mouiller facilement dans une crique en Rance.
 ??  ?? Les tintinophi­les auront compris l’origine du nom du bateau de Sophie et Pascal Marcel… Le poste de barre extérieur, qui est légèrement surélevé, permet de profiter d’une vue excellente vers l’avant. 107
Les tintinophi­les auront compris l’origine du nom du bateau de Sophie et Pascal Marcel… Le poste de barre extérieur, qui est légèrement surélevé, permet de profiter d’une vue excellente vers l’avant. 107
 ??  ?? Pascal Marcel a conçu un palan (par ailleurs démontable), qui permet de mettre l’annexe à l’eau, sans effort.
Pascal Marcel a conçu un palan (par ailleurs démontable), qui permet de mettre l’annexe à l’eau, sans effort.
 ??  ?? La cabine propriétai­re offre un grand lit double. La salle de bain est attenante et intègre même une baignoire !
La cabine propriétai­re offre un grand lit double. La salle de bain est attenante et intègre même une baignoire !
 ??  ?? La cuisine dispose de tous les éléments de confort possibles, du lave-vaisselle en passant par un four, sans oublier le lavelinge.
La cuisine dispose de tous les éléments de confort possibles, du lave-vaisselle en passant par un four, sans oublier le lavelinge.
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 ??  ?? Dans le prolongeme­nt du guindeau électrique, Pascal Marcel a rallongé le davier, ce qui évite à l’ancre de venir buter contre l’étrave, lors des remontées du mouillage.
Dans le prolongeme­nt du guindeau électrique, Pascal Marcel a rallongé le davier, ce qui évite à l’ancre de venir buter contre l’étrave, lors des remontées du mouillage.
 ??  ?? Pour gagner en confort, elle a été agrandie. Auparavant, elle s’arrêtait au niveau des boiseries désignées par Sophie Marcel.
Pour gagner en confort, elle a été agrandie. Auparavant, elle s’arrêtait au niveau des boiseries désignées par Sophie Marcel.
 ??  ?? Le carré, zone de conviviali­té, se transforme également en une vaste couchette double, à l’aide d’une rallonge.
Le carré, zone de conviviali­té, se transforme également en une vaste couchette double, à l’aide d’une rallonge.
 ??  ?? Les couleurs françaises flottent désormais à bord de cette vieille anglaise, Brexit oblige !
Les couleurs françaises flottent désormais à bord de cette vieille anglaise, Brexit oblige !
 ??  ?? Le plan de pont a beau être d’un autre âge, il n’en demeure pas moins fonctionne­l, avec de larges passavants sécurisant­s.
Le plan de pont a beau être d’un autre âge, il n’en demeure pas moins fonctionne­l, avec de larges passavants sécurisant­s.
 ??  ?? La cale intègre deux nouveaux moteurs, des Iveco qui développen­t chacun 100 chevaux et qui ont déjà fait leur preuve lors d’une traversée entre SaintMalo et Henleyon-Thames.
La cale intègre deux nouveaux moteurs, des Iveco qui développen­t chacun 100 chevaux et qui ont déjà fait leur preuve lors d’une traversée entre SaintMalo et Henleyon-Thames.

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