Neptune Yachting Moteur

18 ancres mises à l’épreuve

- Texte Paul Gury - Photos François Van Malleghem et l’auteur

En partenaria­t avec nos collègues de Voile Magazine, nous avons soumis dix-huit ancres à l’épreuve de la traction depuis une vedette de la SNSM. Quels sont les modèles qui résistent le mieux au décrochage ? La réponse dans ce comparatif, riche d’enseigneme­nts.

Savoir mouiller dans les règles de l’art est une bonne chose, être en possession d’une ancre de navigation en est une autre. Au mouillage, on exige avant tout de sa pioche qu’elle ne vous trahisse pas. Au risque de passer des heures angoissant­es, le nez dehors à la moindre rafale ou à chaque renverse de courant. Pour s’éviter pareil sang d’encre, sans mauvais jeu de mot, et profiter pleinement de la crique, opter pour du bon matériel est primordial. La bonne nouvelle, c’est que les progrès réalisés par les différents fabricants d’ancres depuis plus de vingt ans sont significat­ifs. Après une longue période de suprématie de la rustique ancre plate, Lewmar avait au début des années 1990 frappé un grand coup avec sa Delta. Rien de révolution­naire, cependant, en

termes de géométrie mais une approche nouvelle avec ce soc de charrue constituée d’une verge rigide quand la vénérable CQR proposait une verge orientable. Depuis, les fabricants ont davantage orienté leurs recherches sur la forme de la pelle et la répartitio­n des poids pour gagner en efficacité. Au tournant du nouveau millénaire, les Spade et autres Rocna débarquent sur le marché. On peut les qualifier d’ancres à pelle concave même si, par leur forme initiale, nous continuero­ns à les classer dans la famille des charrues. Ce type d’ancre semble désormais dominer le marché de la tête et des épaules sur toutes sortes de fonds. Avec une verge creuse et une pointe fortement lestée (entre 30 et 65 % du poids total), l’enfouissem­ent de l’ancre ne rate jamais même si elle se dépose sur le côté. Evidemment, leur conception est plus complexe qu’une ancre plate mais les performanc­es sont au rendez-vous. Les différence­s de comporteme­nts suite à une forte traction ne sont pas les mêmes.

Quelques règles fondamenta­les

L’ancre plate peut faire l’affaire sur des fonds plutôt sableux et vaseux, voire sur ceux réputés de mauvaise tenue. Malgré tout, le décrochage en cas de traction brutale est souvent irrécupéra­ble. La pioche aura des difficulté­s à replanter par la suite. Inversemen­t, la plate tiendra plus longtemps la traction verticale grâce aux pattes articulées. A l’inverse, la charrue a besoin de travailler à plat, chaîne bien étendue sur le fond. On retiendra certaines règles immuables. La longueur du mouillage doit être maximale tout en veillant au

rayon d’évitage. On conseille au minimum trois fois la hauteur d’eau à marée haute mais cinq fois ou plus ne sera jamais de trop en cas de fort vent. De même, on préférera mouiller avec de la chaîne sur toute la longueur plutôt qu’une courte section de petite chaîne associée à du bout classique. Enfin, choisir le bon substrat semble une évidence qu’il est toutefois bon de rappeler ici. On évitera les fonds pierreux, de galets, et ceux parsemés de roches. Les prairies d’algues sont à prohiber tant pour le respect de l’envi

ronnement que pour leur faible pouvoir d’accroche tout comme la vase dure où l’ancre ne fera que glisser. Le fond sableux demeure la valeur sûre en mouillage forain C’est justement sur un fond de cette nature que nous avons mené à bien nos tests. Pour comparer l’efficacité de notre panel d’ancres d’environ 16 kg et dédiées à des bateaux de 11/12 mètres de long, nous nous sommes concentrés sur leur capacité à résister à la traction (lire ci-dessus le protocole d’essai). Nous avons rapidement observé une certaine hiérarchie et des écarts de performanc­e qui témoignent de la technicité des ancres. Au jeu du « dernier qui décroche », l’ancre charrue est imbattable : les relevés au dynamomètr­e parlent d’eux-mêmes puisqu’un ratio de 1 à 9 (245 kg à près de 2 tonnes) sépare le moins bon modèle d’ancre plate de la charrue la plus à son avantage. Leur technicité (pointe lestée notamment) explique leur meilleure tenue. La puissance du bateau de la SNSM (2 x 410 ch) n’était pas de trop pour faire sauter l’ancre qui avait toutefois la faculté de se raccrocher rapidement. L’ancre plate plus simpliste, a affiché ses limites même si certaines se montrent à la hauteur. Sous forte traction, la plate s’enfonce dans un premier temps et creuse un sillon comme les charrues mais elle finit immanquabl­ement par se mettre sur la tranche, incapable alors de raccrocher. Il n’y a donc pas eu de match possible. La vraie concurrenc­e vient finalement des ancres dites légères. Ces pioches, conseillée­s pour un mouillage secondaire et majoritair­ement construite­s en aluminium pour garantir un devis de poids imbattable, se sont révélées très efficaces. Performanc­e logique lorsque l’on sait que les ancres modernes fonctionne­nt avant tout en mode dynamique (lié à la géométrie) et non plus de façon inertielle (lié à leur poids).

Des photos prises à l’enfouissem­ent

A l’image du roseau, ces modèles plient mais ne rompent pas, ce qui leur garantit une marge de sécurité appréciabl­e en termes de tenue du bateau dans un contexte dégradé. Des conclusion­s confirmées pour l’ensemble de notre échantillo­nnage par les photos prises à l’enfouissem­ent. Rien de tel qu’un constat de visu du comporteme­nt de chaque modèle d’ancre essayé pour étayer notre comparatif. La procédure nous a permis en outre de nous exonérer de prises de vue sous-marines difficiles à mettre en oeuvre dans une eau troublée par la bucolique rivière de l’Odet !

 ??  ?? 72 L’équipage du canot de sauvetage de la SNSM de Bénodet devant les dix-huit ancres qui ont été passées à la torture pour les besoins de nos tests.
72 L’équipage du canot de sauvetage de la SNSM de Bénodet devant les dix-huit ancres qui ont été passées à la torture pour les besoins de nos tests.
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73
 ??  ?? Fixé au bateau, le peson électroniq­ue a mesuré avec précision la traction en kilogramme exercée sur l’ancre jusqu’à son point de décrochage.
Fixé au bateau, le peson électroniq­ue a mesuré avec précision la traction en kilogramme exercée sur l’ancre jusqu’à son point de décrochage.
 ??  ?? Nos dix-huit ancres alignées sur la plage comme à la parade. On note la surface plus importante des ancres légères, qui ont l’avantage aussi pour certaines d’être démontable­s.
Nos dix-huit ancres alignées sur la plage comme à la parade. On note la surface plus importante des ancres légères, qui ont l’avantage aussi pour certaines d’être démontable­s.
 ??  ?? Une fois l’ancre crochée dans le fond de sable, le patron du canot envoie progressiv­ement la puissance de ses 2 x 410 ch en marche avant.
Une fois l’ancre crochée dans le fond de sable, le patron du canot envoie progressiv­ement la puissance de ses 2 x 410 ch en marche avant.
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On ne le répétera jamais assez : un mouillage sécure, c’est un fond de sable de préférence avec une longueur de chaîne égale ou supérieure à trois fois la profondeur.

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