5 300 milles en ST 44 : retour par la Baltique
Sept semaines après avoir quitté Loctudy, Salicorne et son équipage touchent au but en atteignant Stockholm. Il faut alors amorcer la route du retour, soit plus de 1 500 milles !
Après plus de 70 passages d’écluses sur le Göta canal, l’équipage de Salicorne retrouve sa liberté de naviguer. La traversée depuis Göteborg, à travers les canaux et les grands lacs du centre de la Suède, fut une expérience magique. Les voici maintenant aux portes du fameux archipel de Stöckholm. C’est une toute autre navigation qui commence. Le Swift Trawler 44 progresse en direction de Stockholm à une soixantaine de milles plus au nord. Le trafic maritime s’intensifie même si la route, au milieu d’une myriade d’îles et de rochers, est parfaitement balisée.
Beaucoup de bateaux sur l’eau
L’équipage se pose à Saltsjobaden, près du Yacht Club Royal. Cette jolie marina, à proximité d’un spectaculaire hôtel de style gustavien, est la base arrière idéale pour partir à la découverte de Stoc
kholm. Un train tout près du port vous conduit en vingt minutes dans le centre historique de la capitale. Féru d’histoire maritime, l’équipage ne manque pas la visite du Vasa, ce navire de guerre du XVII e siècle, renfloué quasi intact dans les années 1960 après avoir passé trois siècles dans la vase à la sortie du chenal de Stockholm ! Le 30 juillet, Salicorne parade devant la capitale avant de repartir cap à l’est vers Sandhamn, le Saint-Tropez local. L’île située à 70 milles est l’une des rares de l’archipel à posséder quelques plages de sable ce qui explique en partie sa surfréquentation. « Je n’ai jamais vu autant de bateaux sur l’eau, s’étonne Christian. Et le plus incroyable, c’est qu’ils naviguent presque tous ! Très peu sont au mouillage. » Le décor est pittoresque mais le capitaine de Salicorne ne s’attarde pas, préférant « s’exiler » vers des lieux moins touristiques à proximité de quelques splendides îlots baignés de fonds granitiques. Mouiller dans l’archipelago n’est pas une sinécure. « Il n’y a pas d’accroche,
déplore Christian. Tous les plaisanciers du cru sont équipés d’une lourde ancre arrière reliée à de la chaîne et du câblot. Autant dire que le motonaute français est contraint de s’adapter tant bien que mal ! » Sept semaines après le départ de Loctudy, le skipper hésite brièvement à prolonger la navigation vers l’archipelago côté finlandais dont on lui a dit le plus grand bien, mais il faut se rendre à l’évidence. L’heure du retour a sonné même si la météo toujours au beau fixe invite à musarder en route. De mémoire de Suédois, l’été 2018 restera dans les annales comme l’un des plus chauds. « C’est là qu’on touche peut-être la réalité du réchauffement climatique, admet le skipper. La température de l’eau début août affichait constamment 23/24° contre 17° en temps normal. On ne s’est jamais autant baigné ! En revanche, la mer Baltique était souvent trouble, chargée
de micro algues vertes en surface, conséquences probables des fortes chaleurs. » Depuis Nynashamn, charmant port au sud de Stockholm, Salicorne rejoint Götland, la plus grande île suédoise tout en longueur (150 km) plantée au milieu de la Baltique. Le port principal sur la côte est s’appelle Visby. C’est une ville historique remarquable à ne rater sous aucun prétexte. Cette île toute plate, assez aride, est restée authentique. L’équipage prend le temps de se poser quatre jours et loue une voiture pour visiter l’intérieur. « C’est vraiment magnifique ! » s’enthou
siasme Damienne, l’épouse du skipper. La route des îles plus au sud passe par une halte sur Öland, tout aussi longiligne que Götland mais formant un canal de moins de quatre milles de large avec le continent. On stoppe les machines à Borgholm, où la famille royale suédoise possède une résidence de campagne. « On peut entrer librement et sans contrôle jusque dans la cour de la maison, précise Christian. C’est étonnant ! »
Des étapes pittoresques
En cette première semaine d’août, l’équipage constate que les ports et marinas commencent à se vider. La fin des vacances d’été approche. C’est la première fois depuis le début de la virée suédoise que Salicorne parvient à trouver une place sans difficulté. On en profite pour faire des étapes « exotiques » comme à Uklipan ou à Ronne, capitale de l’île de Bornholm. « Jolie petite ville, agréable marina et délicieux glacier », plaisante Damienne qui nous apprend que les Scandinaves sont d’invétérés mangeurs de glace, davantage que les Italiens peut-être ! Sans transition, Salicorne passe d’un pays à l’autre. Sur l’île de Gedser, c’est le drapeau danois qui claque au vent ! Fin août, le bateau retrouve le ca
nal de Kiel qu’il avait emprunté en sens inverse deux mois plus tôt. Le temps se gâte. A la sortie du canal, le ST 44 doit affronter une brise de 25 noeuds à contre-courant. Les creux sont énormes. La mer du Nord est bien au rendez-vous. « On progresse à 4/5 noeuds maxi. C’est ce qui s’appelle se faire chahuter ! » rigole Christian. L’équipage fait relâche trois jours dans le port allemand de Cuxhaven, à l’embouchure de l’Elbe, le temps que la dépression s’évacue. La ville est surprenante avec sa digue munie d’une lourde porte blindée que l’on ferme en cas de vent fort afin d’éviter la submersion de la bourgade. Le 21 août, une belle fenêtre météo s’annonce. Elle permet de parcourir d’une traite en toute sécurité les 200 milles qui séparent Cuxhaven d’Ijmuden aux Pays-Bas en longeant les îles de la Frise. Ijmuden, c’est la porte d’entrée du canal qui conduit jusqu’à Amsterdam sur 15 km de distance.
Le grand Nord comme projet
Christian a l’idée de poursuivre sa route en empruntant les canaux du sud jusqu’à Breskens, histoire de naviguer sans stress, bien à l’abri. Mauvaise surprise ! Après avoir descendu plusieurs dizaines de kilomètres, le canal est bloqué par les autorités en raison d’un taux de salinité trop important. Il faut rebrousser chemin. Salicorne enchaîne alors trois étapes consécutives de plus de 100 milles : Amsterdam-Ostende, OstendeDieppe et Dieppe-Cherbourg. Ça sent l'écurie ! Le 6 septembre, l'équipage retrouve sa place à Loctudy après presque trois mois de navigation, 5 300 milles parcourus, 480 heures moteur et un budget carburant de 15 000 euros. Cet été, l’équipage de Salicorne cabote le long de la côte bretonne. Une sorte de croisière sabbatique avant de programmer, peut-être, un retour vers le grand Nord pour l’année prochaine.