Cannes Yachting Festival
L’édition 2019 du salon de Cannes a amplement justifié l’appellation de festival. Rarement autant de nouveaux modèles ont été présentés à flot.
Le Cannes Yachting Festival, qui s’est déroulé du 10 au 15 septembre, demeure le rendez-vous incontournable de la rentrée pour les chantiers européens. L’édition 2019 restera dans les annales comme l’un des meilleurs crus en particulier pour les principales marques de yachts qui ne se sont jamais aussi bien portées depuis la crise de 2008.
Un salon de Cannes sur deux pattes. Pour cette édition 2019, la voile a pris le large. Pas très loin toutefois puisque c’est juste en face du vieux port de Cannes, à Port-Canto et face à l’île SaintMarguerite, que les exposants de voiliers et d’accastillage se sont installés. Pour beaucoup d’observateurs, cette réorganisation technique était inévitable. Le Cannes Yachting Festival était au bord de la crise de nerfs et n’avait plus la capacité d’accueillir tout le monde dans la même enceinte. Les bateaux à moteur ont ainsi pu prendre leurs aises comme les voiliers et les brokers côté Port-Canto. Des navettes maritimes assuraient la connexion entre les deux sites ce qui n’était pas pour déplaire aux visiteurs qui pouvaient s’offrir à l’oeil une balade en bateau à courte distance de La Croisette. De l’avis même de la majorité des exposants, la nouvelle formule est une bonne chose sauf peut-être pour ceux qui ont des activités dans chaque port comme le groupe Bénéteau, Fountaine Pajot ou les catamarans polonais Sunreef.
Pour les commerciaux des deux bords, c’est un véritable casse-tête. Certains jugent enfin sévèrement ce principe de dualité. « En séparant voile et moteur, confie un cadre de Fountaine Pajot, on fait mine d’ignorer les passerelles qui existent entre les deux univers et on limite de facto les effets d’aubaine. Chez nous, la frontière voile/moteur est beaucoup plus perméable. »
Un milieu ultra concurrentiel
Ces considérations effleurent à peine les constructeurs 100% moteur au premier rang desquels les Italiens, qui ont fait de ce salon de rentrée la vitrine privilégiée de leurs nouveaux modèles. C’est aussi le moment pour eux de montrer leurs muscles face à la concurrence. Le marché il est vrai ne s’est jamais aussi bien porté depuis la fameuse crise de 2008 qui a fait mordre la poussière à une quantité de chantiers navals. Les majors européens du secteur que sont Azimut, Ferretti, Sanlorenzo, Princess, Sunseeker ou encore le groupe Bénéteau ont dépassé leurs résultats d’avant-crise. Dans un communiqué d’avant-salon, le chantier britannique Princess a déclaré cette année avoir réalisé le meilleur chiffre d’affaires de son histoire (384 millions d’euros) en hausse de 27% par rapport à l’année précédente. La demande est si forte qu’il a fallu embaucher à tour de bras. L’effectif a ainsi bondi de 1 800 à 3 000 personnes en trois ans ! Même son de cloche pour Azimut-Benetti qui enregistre un CA de 900 millions d’euros cette année, à comparer avec les 669 millions d’euros du groupe Ferretti. Quant au groupe Bénéteau, il caracole en tête avec plus de 1,2 milliard d’euros de CA, voile, moteur et habitat confondu il est vrai. La progression du groupe vendéen est de 4 à 6% cette année. Not bad ! Cette sorte d’euphorie peut rappeler dans une certaine mesure la situation d’avant 2008. Les investissements n’ont jamais été aussi importants (plus de 150 millions pour Sanlorenzo sur trois ans). Paolo Vitelli, le charismatique patron d’Azimut qui fête cette année le cinquantième anniversaire de la marque qu’il a fondée en 1969,
regrette qu’une guerre des ego se soit installée dans ce milieu ultraconcurentiel. « Tous sont persuadés être meilleurs que le voisin, déclaret-il. Cela crée des tensions inutiles entre les chantiers. » Si le marché est en pleine forme, cela profite surtout au segment des grands bateaux, ceux qui affichent des longueurs supérieures à 15 mètres. Chez Sanlorenzo comme chez Azimut, la majorité des nouveautés 2019 est concentrée dans une fourchette entre 23 et 33 mètres. C’est là que se font la plupart des ventes, sans compter les incursions au-delà de 40 mètres pour ces mêmes chantiers italiens.
Une image élitiste
Les dirigeants du Cannes Yachting Festival encouragent cette tendance en bannissant du plan d’eau les bateaux inférieurs à 10 mètres de long. Le salon cultive son image élitiste. Sur les quais Saint-Pierre, Pantiero et Albert-Edouard, les unités à moins de 500 000 euros n’ont plus le droit de cité. « Il y a un incontestable nivellement par le haut, reconnaît un vieux routier du salon de Cannes, mais cela correspond à la réalité du marché motonautique actuel. On peut le regretter, mais c’est comme ça ! »