FAVIGNANA
Une Italie de carte postale
Après une longue traversée de 160 milles depuis Villasimus au sud de la Sardaigne, on a rejoint Marettimo, la première île de l’archipel des Egades, à l’ouest de la Sicile. De Marettimo, on garde des images des Cyclades : petits villages de pêcheurs aux maisons blanches, barques tirées sur la grève, baignade dans le port avec une eau limpide et cristalline. Les gens sont adorables. Plus à l’est, sa grande soeur Favignana, distante de 10 milles, semble plus urbaine. En arrivant sous le vent de l’île, on aperçoit le musoir d’entrée du port au dernier moment. Coup d’oeil aux instructions nautiques qui mentionnent un port saturé de bateaux locaux, mais une possibilité de mouiller au beau milieu de l’avant-port dans une grande crique d’eau couleur lagon. Le fond de sable de 2 m est réputé de très bonne tenue. Le seul impératif est de se tenir à distance des ferries qui entrent et sortent comme à l’accoutumée plein pot, après avoir débarqué leurs voyageurs en provenance de Trapani sur la côte sicilienne à huit milles de distance. Nous voilà donc seuls, mouillés dans l’eau turquoise, à quelques encablures du petit port où s’agglutinent les chalutiers et quelques pointus siciliens. On distingue sur la droite d’immenses hangars qui abritaient jadis les énormes barcasses de la Matanza, cette chasse traditionnelle au thon d’un autre âge, mais plus respectueuse des réserves que les bateaux-usines japonais qui raclent désormais le plateau continental sicilien. Non loin de là, un singulier tas d’ancres marines rouillées, qui servaient à l’amarrage des fameuses barques, fait désormais le bonheur des photographes. En haut, sur la falaise, un château illuminé le soir semble garder la quiétude de ce havre de paix. Quelques vieux marins sur le quai ravaudent des filets de couleurs, en chantant du Verdi. Au loin une « Violetta » leur répond sur le grand air de la Traviata! Quelques coups de rames plus tard, nos annexes sont près d’eux et nos sacs isothermes se remplissent de crevettes fraîches, de
harengs frais préparés et cuits au citron, d’espadon tranché. Le prix de nos emplettes laisse rêveur et interpellerait notre poissonnier aixois. Le verre de blanc local (excellent) est offert.
L’Italie dans toute sa spontanéité
Ruelles de pierres plates lissées, petites places ombragées, échoppes locales, produits frais, accueil généreux, le village est d’un pittoresque réjouissant. Au calme de cette fin d’après-midi, succède l’animation de la « passeggiata ». Piazza Madrice, des senteurs d’orangers montent vers le dôme vernissé de la cathédrale. Dans la rue Vittorio Emanuele, les terrasses ont envahi la rue. Les garçons du Camarillo Brillo slaloment avec des plateaux chargés de Spritz orange. On choisit la table d’un café, les cloches sonnent à la volée et des mariés sortent de la petite église. Défilé improbable. Les tenues sont d’une classe folle, la musique est toujours de Giuseppe Verdi. Autour de nous, la noce prend ses aises, le Spritz coule à flot. Des petits canapés arrivent : charcuterie, fromages, légumes grillés… On remplit nos verres, on nous nourrit, on nous adopte. Nous voilà de la fête comme dans les tribunes du grand prix moto du Mugello, où les bouteilles de Chianti circulaient entre voisins. L’Italie dans toute sa gaieté spontanée. E cosi ! C’est comme ça!