Le marché du nautisme en pleine forme
Une ambiance euphorique règne chez les professionnels du nautisme après les fortes craintes nées de la pandémie. Mais si les carnets de commandes sont pleins à craquer, de nouvelles inquiétudes – également liées à la Covid – émergent désormais.
« A -t-on déjà connu une période plus euphorique?» s’enthousiasmait Stéphan Constance lors du Nautic de Paris, qui s’est tenu du 4 au 12 décembre. «Après une baisse de 13,7 % des immatriculations voiles et moteurs entre septembre 2019 et août 2020,
l’ensemble de la filière nautique affiche un très grand sourire. La crise économique engendrée par la situation sanitaire n’a rien à voir avec celle de 2008-2009, où le chiffre d’affaires du secteur avait fondu de 50 %. Les commandes sont rapidement reparties de
l’avant », analysait le viceprésident de la FIN et codirigeant du groupe Grand Large Yachting, spécialiste du bateau de voyage avec les marques Outremer, Allures, Garcia ou RM. La saison 2020-2021 a même été qualifiée d’« inespérée » par Yves LyonCaen, président de la FIN, qui rappelle qu’«en 2020 nous n’avions pas d’export, pas d’activité, pas de salons, on a
anticipé le pire ». Cette fois-ci, c’est l’inverse qui s’est produit: portés par le dynamisme de la demande européenne et nord-américaine, les chantiers français ont bénéficié d’une « très forte reprise commerciale ».
Résultat, le chiffre d’affaires de la filière tricolore devrait dépasser son niveau de 2019. Aux affres de la pandémie a donc succédé une
« divine surprise », souligne Stéphan Constance, qui a vu s’achever une « année complètement dingue » pour son
groupe. « Notre carnet de commandes est à plus du double de son record historique. Il est, en moyenne, plein sur les trois ans à venir… » Parmi les facteurs de cette «divine surprise», le vice-président de la FIN note de significatives évolutions du marché. Tout d’abord, l’arrivée de primo-accédants, avec en parallèle un rajeunissement du profil des nouveaux clients. Pourquoi? Le besoin d’évasion et de liberté, valeurs véhiculées par le nautisme, a amené un grand nombre de personnes à concrétiser l’achat d’un bateau. Ces usagers étant parfois même jusqu’alors totalement étrangers à la pratique du nautisme. «La typologie des gens qui nous commandent des unités a changé, elle est plus diverse, plus variée depuis la Covid, analyse Stéphan Constance. Elle vient s’ajouter à notre clientèle traditionnelle. Avec son côté exceptionnel, la crise a modifié quelque chose dans la façon de voir les choses. Les gens revisitent leurs priorités, réalisent leurs projets. Ils ont envie de respirer! Cet engouement, ces besoins sont réels, durables. Ce n’est pas juste un moment. Ce qui me fait penser que l’on est entrés dans un cycle long. Que l’on a changé d’univers.» Autre signe
d’évolution significative, l’entrepreneur à succès note l’incroyable émergence du digital dans la commercialisation des produits. «Les processus de vente habituels ont volé en éclats. Internet a pris un essor sans précédent, avec des commandes qui viennent du monde entier, et qui se concrétisent vite, sans que le propriétaire ait seulement visité
le bateau. » Rançon de cette période faste pour l’industrie nautique : l’allongement des délais de fabrication, entretenu mécaniquement par les capacités de production des chantiers et renforcé par l’apparition de vraies difficultés à s’approvisionner en matières premières, accessoires et équipements. Pour de nombreux acteurs, le renouvellement des stocks devient compliqué. Plus rares, les matières premières comme les composants sont plus chers. Des coûts naturellement reportés sur la facture finale, payée par l’usager. Enfin, les problèmes récurrents de recrutement restent un autre sujet de préoccupation pour les industriels.