Bientôt près du but ?
Les protagonistes d’une incroyable saga
Il est, on peut le dire, celui par lequel le malheur des Martinez est arrivé. Mandel (dit Michel) Szkolnikoff, Biélorusse né en , est considéré comme l’un des principaux « collaborateurs économiques » de la France occupée pendant la seconde guerre mondiale. Arrivé en France dans les années , il devient l’un des fournisseurs de l’armée allemande puis de la SS et fonde de multiples sociétés hôtelières et immobilières ayant leur siège à Monaco. Il rachète plusieurs palaces, convoite le Martinez, et étoffe son patrimoine estimé à deux milliards de francs de l’époque. À partir de , Skzolnikoff effectue plusieurs voyages en Espagne, sans doute pour y mettre sa fortune à l’abri. C’est là qu’en , les services secrets français le retrouvent et le ramènent, mort, en France. Mais la justice française, qui n’est pas convaincue de son décès, le condamne à mort par contumace ainsi qu’à une très forte amende dont le fondateur du Martinez, soupçonné d’être en affaire avec lui, est reconnu « solidairement responsable ». A lire sur le sujet : « Szkolnikoff : le plus grand trafiquant de l’Occupation », de Pierre Abramovici, Ed. Nouveau Monde, 350 pages, 22 euros. Depuis son inauguration en 1929, l’hôtel Martinez a changé plusieurs fois de main. Propriété de son créateur jusqu’en 1944, le palace a ensuite été placé sous séquestre de l’administration des Domaines à cette date avant d’entrer dans le giron de l’Etat en 1979, à la faveur d’une dation. Un acte que les héritiers et leur avocat jugent « gravement incontistutionnel », car la dation en paiement (il s’agit pour le débiteur de dédommager son créancier sous une autre forme que celle prévue initialement, Ndlr) doit revêtir un caractère consensuel. En clair, les actionnaires de la Société des grands hôtels de Cannes, propriétaires des murs du Martinez, auraient dû être consultés et en voter le principe, ce qui n’a pas été le cas. En 1981, nouvelle évolution dans la vie du palace. L’Etat décide de le céder au groupe Taittinger (Concorde Hotels & Resorts, filliale de la Société du Louvre, Ndlr) pour 65 millions de francs, une somme jugée dérisoire et qui soulève moult questions car le cinq-étoiles avait été estimé à l’époque à plus de 140 millions de francs. son petit-fils, Phillip Kenny, qui était né le er janvier à Palerme, mais descendant d’une vieille famille de la noblesse espagnole et dont le père, Giovanni Martinez, était baron. » Avant ses déboires et les graves accusations portées contre lui, l’homme bénéficie d’un énorme crédit dans le monde international de l’hôtellerie de luxe. Son rêve, construire son propre palace sur la Côte d’Azur. Il le concrétise le avril , en déposant les statuts de la « Société des Grands Hôtels de Cannes. » En septembre de la même année, il achète sur la Croisette, la « Villa Marie-Thérèse », alors propriété d’Alphonse de Bourbon, puis dépose sa demande de permis de construire à la mairie de Cannes. Le projet est confié à l’architecte niçois Charles Palméro et la construction de l’établissement à un entrepreneur de Marseille : la Société d’Anella et Frères. Jusqu’à la fin de sa vie, Emmanuel Martinez se battra pour le rétablissement de ses droits et la rétrocession de ses biens. En vain. Il s’éteint, ruiné, le septembre , à Gênes en Italie, à l’âge de ans. 2005 : nouvelle étape pour le Martinez. La Société du Louvre est cédée par la famille Taittinger au groupe américain Starwood Capital Group. Il s’agit d’une société privée de gestion d’investissements qui opère dans le secteur immobilier et dont le siège se trouve dans le Connecticut. Enfin, en février 2013, l’hôtel passe sous le contrôle de la Constellation Hotels Holdings, une société de gestion basée au Luxembourg et contrôlée par des capitaux qataris. La chaîne hôtelière américaine Hyatt est choisie comme exploitant du palace. Ce dernier change son nom en avril 2013 pour celui de « Grand Hyatt Cannes Hôtel Martinez », avant de reprendre tout récemment, après d’importants travaux de rénovation, son appellation originelle d’Hôtel Martinez. C’est un fait, Emmanuel Martinez était un homme à (belles) femmes. Il est marié légitimement à une Française qui s’appelle Marie Maldiney, et fréquente une maîtresse du nom d’Emma Digard. Mais il n’a pas d’enfant, ni avec l’une ni avec l’autre. Il apprend cependant que l’une de ses employées, avec qui il a eu une liaison, est enceinte de ses oeuvres. C’est ainsi qu’en naît la petite Suzanne. Abandonnée par sa mère, celle-ci ne peut être officiellement reconnue par son père qui demande à sa maîtresse de l’adopter. Suzanne devient ainsi Micheline Digard. Pendant la guerre, et malgré l’occupation de son hôtel, Emmanuel Martinez marie sa fille unique à l’un des membres d’un réseau d’évasion pour les aviateurs anglais, un Canadien du nom de Tom Kenny qui travaille pour l’Intelligence Service. Ils auront trois fils : Patrick, Phillip et John. Mais Suzanne (elle a repris son prénom de naissance) Digard-Kenny, ne s’appelle toujours pas Martinez. Et ce fut un premier combat que d’acquérir ce patronyme, droit qu’elle n’obtiendra qu’en . Aujourd’hui âgée de ans, elle vit à Paris et se préoccupe toujours, avec ses fils, de réhabiliter son père (et donc sa famille) dans son honneur et dans ses droits.
ARTINEZ
Contrairement à ce que laisse paraître son patronyme, Emmanuel Martinez est un Italien. « Un Sicilien même, corrige