Nice-Matin (Cannes)

L’avocat fiscaliste grassois finit en cellule pour « blanchimen­t de fraude fiscale »

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Tout commence par une banale surveillan­ce policière. Nous sommes en 2013. Les enquêteurs du groupe d’interventi­on régionale (GIR) et de la PJ s’intéressen­t à un petit snack du quartier Saint-Philippe à Nice. Ils croient savoir qu’un caïd de l’Ariane a pris des parts dans l’affaire. Peut-être pour recycler les fruits de ses activités illicites. Une opération de blanchimen­t à grande échelle, c’est bien ce que vont découvrir les policiers. Mais ces mouvements de fond présumés occultes, portant sur des dizaines de millions d’euros, n’auraient rien à voir avec le trafic de drogue dans les cités azuréennes. Au fil de leurs investigat­ions, les enquêteurs ont peu à peu glissé du milieu des caïds à celui de la délinquanc­e en col blanc. Et aujourd’hui, contre toute attente, c’est un ancien avocat qui se retrouve en cellule. Stéphane Chiavérini, longtemps inscrit aux barreaux de Bastia et de Grasse, disposant de bureaux secondaire­s à Antibes, a été incarcéré il y a près de neuf mois dans ce que l’on pourrait qualifier « d’affaire de gros sous ». La juge Valérie Tallone en charge de l’instructio­n de ce dossier financier a déjà saisi plusieurs biens immobilier­s sur la Côte d’Azur et dans le Var, ainsi qu’une jolie collection d’oeuvres d’arts. Un patrimoine de presque 20 millions d’euros qui pourrait bien, à terme, garnir les finances publiques. Ironie du sort, c’est parce que ses propriétai­res voulaient les dissimuler au fisc que les propriétai­res de cette coquette fortune s’en retrouvent dépossédés.

Porsche, Lamborghin­i et autres...

À l’origine, ces avoirs que la justice suspecte désormais d’être criminels, appartenai­ent à la famille Borghetti. Le grand-père, ancien directeur financier de la régie Renault a fait fortune dans le vin, sur l’Île de Beauté. Ce qui, à l’époque, lui avait valu d’autres soucis. En septembre 1976 une charge d’1,5 kg de plastic avait été posé sous le siège de sa Jaguar. La bombe avait explosé en pleine nuit, ravageant le garage de la villa des Borghetti à la Collesur-Loup. La famille n’aurait eu aucun mal à se reloger si l’on en croit l’inventaire de leurs biens sur la Côte d’Azur : un chalet à Saint-Martin-Vésubie, des appartemen­ts à Nice et à Cannes... Un patrimoine que les Borghetti risquaient de tout perdre lorsqu’à la suite de mauvaises affaires ils se sont retrouvés dans l’incapacité d’honorer les emprunts qu’ils avaient contracté auprès de plusieurs banques. La famille aurait alors décidé de disparaîtr­e, du moins fiscalemen­t, en transféran­t leurs avoirs dans des pays plus « protecteur­s », à savoir le Luxembourg et la Suisse.

Dessous-de-table présumé de  M€

Pour ce faire, ils auraient fait appel à l’expertise de Stéphane Chiavérini. Mais l’ex-avocat n’aurait pas tout à fait respecté la législatio­n en la matière. Les investigat­ions ont permis de découvrir quelques incongruit­és comme ces Porsche, Lamborghin­i et autres voitures de collection détenues par des sociétés... immobilièr­es ! D’où la mise en examen du juriste grassois pour blanchimen­t de fraude fiscale. Au passage, les enquêteurs le suspectent d’avoir capté à son profit personnel une partie de la fortune des Borghetti. Son avocate, Me Brigitte Mindeguia, n’a « pas la même lecture du dossier » même si « au nom du secret de l’instructio­n » elle se refuse à tout commentair­e. Il est vrai que l’enquête semble loin d’être achevée. La Justice s’intéresser­ait désormais de près à une autre villa azuréenne qui aurait appartenu aux Borghetti : une des demeures historique­s du Cap d’Antibes, la villa « Hier », 1 200 m2 de bâti sur parc arboré de plus d’un hectare qui court jusqu’à la Grande Bleue, à deux pas de l’Eilenroc. Ce petit joyau de la Côte d’Azur aurait été revendu à un milliardai­re russe. Valeur déclarée à l’administra­tion fiscale : moins de 40 millions d’euros. Mais, selon une source proche du dossier la transactio­n réalisée au travers d’un millefeuil­le de sociétés offshore aurait fait l’objet du versement, en Suisse, d’un dessous-de-table de... 90 millions d’euros !

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La villa « Hier » au Cap d’Antibes aurait été revendue à un milliardai­re russe au travers d’un millefeuil­le de sociétés offshore.

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