La transition
« Engendrer de nouvelles gouvernances »
Quelle définition donner de l’ESS ?
Elle apparaît souvent en creux. Les difficultés de notre société font qu’on cherche de nouvelles formes de production de biens et de services qui mettent en avant le travail des gens, les besoins d’un territoire. On veut une économie plus soutenable, plus inclusive, qui ne soit pas une quête du profit pour le profit. L’ESS répond assez bien à cette définition.
L’ESS est-elle une autre économie, une alternative au système
dominant ? Oui et non. Non, dans le sens où elle n’a pas vocation à se substituer à l’économie dominante. Nous ne souhaitons pas vivre en ne consommant que des produits de l’ESS, il y a des biens très utiles au quotidien produits par des sociétés de capitaux. En revanche, l’économie sociale et solidaire révèle que l’on peut produire autrement et avec d’autre finalité. Elle montre qu’on peut avoir d’autres motifs d’entreprendre que pour devenir le plus riche du village, qu’on peut avoir envie d’entreprendre parce que ça a du sens, qu’on peut créer des entreprises d’abord en fonction de ce qu’elles vont faire, répondant au besoin que l’on a défini démocratiquement. C’est une autre forme d’économie dans les processus, la manière dont on gère nos affaires.
Pour quelle transition écologique ?
C’est dans l’ESS qu’on a eu les premières expériences de production biologique, alternative Matins.
de circuits courts. C’est là aussi que l’on va trouver les premiers éléments des entreprises de recyclage, pour une économie circulaire plus économe en ressources. On est plutôt sur la production de biens et de services qui profitent à tous et qui prennent encore plus de valeurs quand tout le monde en bénéficie. On est dans l’éducation, la santé, l’assurance, la culture. L’objectif est d‘aller au-delà du marché et de recréer une qualité de vivre ensemble.
Pour quels bénéfices ?
L’ESS s’inscrit dans l’économie post-croissance qu’il faut construire aujourd’hui. Elle casse la démesure de la folle accumulation du capital. Ce dont on crève en ce moment, c’est bien de la domination d’un capitalisme actionnarial où le seul acteur qui compte est l’actionnaire qui doit toucher toujours plus de bénéfice. Alors qu’une entreprise, ce sont des personnes qui apportent des capitaux qui doivent être légitimement rémunérées, mais c’est aussi une responsabilité vis-à-vis du territoire, des salariés, des consommateurs. Si l’ESS par ses pratiques montre qu’elle peut faire une économie qui s’intéresse à ses territoires, une économie gérée par des modes participatifs, inclusifs, ça peut aussi faire réfléchir le reste de l’économie et engendrer de nouvelles gouvernances.
Quels risques aujourd’hui ?
On est dans un moment où les gens ont peur de la grande mondialisation associée dans leur esprit à la persistance d’un haut niveau de chômage. Le danger sera de prendre l’ESS pour une politique de repli et de fermeture. La logique n’est pas de réinventer l’autarcie. Mais de garder plus de richesses sur le territoire. Le deuxième risque est que l’ESS soit survendue. L'idée d’une économie au service du territoire qui met en avant plutôt les gens que le profit est une musique tellement belle qu’on a envie d’y croire. Mais il ne faut pas surestimer les effets que cela produit. L’ESS ne résout pas à elle seule le chômage, les inégalités et les problématiques environnementales. Elle est un bout de la solution.