Nice-Matin (Cannes)

Dubuisson, sa vie est un roman

BASKET INTERVIEW Revenue de l’enfer, la star au coeur tendre des années 80 a sorti une biographie touchante...

- FRANÇOIS PATURLE

Joueur à Antibes, on le surnommait Dub, ou Clint, comme Eastwood, lui qui portait si bien les santiags, faisait tomber les filles et surtout, flinguait les défenses de son shoot dévastateu­r. On l’avait vu, une fois, lors d’un cocktail un peu convenu, shooter du banc de touche avec son costard. Le filet s’était troué, mais la veste aussi, fendue de derrière. Hervé Dubuisson, c’est comme une mélodie, nos années de jeunesse, un air de folie, un talent presque irréel. C’est dire comme nous avons bu les paroles de son bouquin, « Une vie en suspension », une bio très touchante où Hervé raconte tout, de ses années de gloire, lui, le recordman des sélections et des points marqués en équipe de France, à sa descente aux enfers, suite à son accident de moto gravissime, en 2001 à Nancy, qui le laissa vivant, par miracle, mais, dans un premier temps, sans l’usage de la parole ni la moindre trace de mémoire. Et puis aussi, la résurrecti­on, avec le soutien de Madlena, sa formidable épouse. Raconte-nous, Hervé...

Comme on ne sait pas par où commencer, expliquezn­ous un peu ce shoot qui a fait votre légende... C’est Marcel Dessenne, mon premier entraîneur à l’Avant Garde de Thumeries, qui me l’a appris. Ta main droite passe devant le nez, le front, et en haut, tu fouettes. Je laissais la main, de visu, recouvrir le cercle. C’est la finition. Pour rigoler, je disais à tout le monde que c’était pour la photo.

DUB EN BREF

Joueur, déjà, vous marchiez à l’affectif. Depuis l’accident, semble-t-il, c’est encore plus vrai... Le côté émotionnel prend le dessus. J’étais tellement fier et heureux de remettre mon livre au prince Albert (avant le match MonacoRoue­n) que j’en avais les larmes aux yeux. C’est pour cette raison

‘‘ que je ne peux plus entraîner. J’ai été touché du côté émotionnel, donc quand je suis content, heureux, j’ai un surplus d’émotion. Quand j’apprends une bonne nouvelle, que je suis fier de moi, ça me touche vraiment. Je suis trop sensible. En plus, avec mon accident, je fatigue plus vite, quand je travaille beaucoup, il faut que je me repose, mentalemen­t, je suis fatigué. Mais sinon, tout va bien je suis très content. Je travaille (il est référent handicap pour la Jeunesse et sports en région Paca et conseiller sportif des Sharks d’Antibes) et j’ai une femme formidable qui a beaucoup fait pour moi.

Madlena, ce livre, c’est aussi sa victoire... Je l’appelle mon soleil, elle m’a redonné goût à la vie. Après mon accident, j’ai fait une grosse dépression, parce qu’il n’y avait pas de coupable identifié. Je me détestais. Je me regardais dans la glace et je me disais, quel tocard tu es, pourquoi tu as fait de la moto. Et je disais à Madlena, tu perds ton temps avec un tocard comme moi. Elle m’a toujours porté, et on s’est marié, il y a  ans.

« Hervé Dubuisson était fait pour la NBA»,dit Nicolas Batum dans sa préface, qui évoque aussi votre incroyable détente... Oui, je suis né  ans trop tôt. Je suis quand même le premier de tous à avoir fait le camp de présaison. C’était à Princetown, juste après les JO de  avec l’équipe de France. Je suis toujours très ami avec Herb, le statistici­en des Nets qui m’avait remarqué lors d’un match à Gravelines où j’avais marqué  points. À Princetown, pour gagner sa place, c’était la guerre. Il y avait  joueurs, la plupart sans contrat, alors que moi, plutôt gentil, j’étais déjà pro au Stade Français. Pour eux, j’étais le frenchie, l’intrus qui venait leur prendre le pain dans la bouche. Durant les entraîneme­nts, les contacts étaient rudes, et on ne se passait pas beaucoup la balle. Les Nets m’ont proposé un contrat, mais qui ne devenait garanti qu’après le premier match de la saison NBA.

Et c’est vous qui aviez pris la décision de revenir en France, et donc de ne pas devenir le premier français à fouler les planches de la NBA... J’étais lié au Stade Français. Le club m’avait libéré pour les camps avec cette condition : si tu as un contrat garanti en NBA, tant mieux pour toi, sinon, tu reviens à Paris. Par honnêteté, par respect de mon club, comme je n’avais pas de garantie, j’ai dit, je n’attends pas, je rentre pour commencer la saison avec mon club. Je ne peux pas regretter d’avoir respecté une parole.

Coeur d’artichaut, vous étiez capable de faire un Paris - New-York en concorde juste pour un rencard. Et Monclar raconte comment vous pouviez écouter les filles des heures en faisant mine de boire leurs paroles... Oui, j’étais prêt à tout ! Et j’étais aussi, à mon tour, capable de leur raconter n’importe quoi. À une fille qui faisait du cheval, j’avais même raconté que mon oncle avait un haras en Normandie. Monclar m’a dit, après avoir lu le livre, tu m’as fait chialer la blonde. Un surnom qui date de l’équipe de France, comme j’étais toujours entouré de créatures blondes.

Comme Indra, la plus célèbre de vos conquêtes ! Ah, oui. Une petite anecdote entre nous. Je suis resté cinq ans avec Indra, mais après l’accident, j’avais perdu la mémoire immédiate. Quand ma copine avec qui je m’étais fiancé est venue me voir à la clinique, je l’ai prise pour Indra. Je disais aux infirmière­s, c’est ma copine Indra, elle va vous faire une chanson. L’autre, elle l’a mal pris !

Aujourd’hui, comment va votre mémoire. Longtemps, vous aviez perdu les sept années qui précédaien­t votre accident ? Je récupère toujours un peu avec ce que je vois, ce que je lis, les gens que je rencontre. Comme m’a dit le psy, ça m’aide à reformer les circuits, ça les met en ordre. La semaine passée, j’ai rencontré JD Jackson, l’entraîneur de l’Asvel. J’avais oublié qu’il fut mon joueur quand j’étais entraîneur d’Antibes. En parlant avec lui, des images me sont revenues. Chaque petit progrès me

donne le sourire.

Joueur ou coach, célèbre ou pas, vous étiez quelqu’un de très abordable... Quand je suis arrivé à Denain à  ans, et que je quittais mes parents pour aller jouer au basket, je n’avais rien. J’ai appris à aimer les gens car j’ai été aimé dans ma famille d’accueil. J’ai appris le respect, aussi. Quand je passais devant la boulangeri­e, on me donnait un pain au chocolat, et au cinéma, on m’offrait la séance. Ça, je ne l’ai jamais oublié.

Vous êtes un miraculé ? Oui, le destin, malgré tout, était avec moi. Ce soir de mai , quand j’ai eu mon accident, la femme qui a entendu le choc dans la nuit et qui m’a trouvé recroquevi­llé à terre, elle est allée frapper à la première maison. C’est un cardiologu­e qui a ouvert la porte, et qui m’a prodigué les premiers soins.

Votre neveu, Victor, possède au golf ce que vous aviez au basket : la magie du geste... Il a coupé les ponts, on ne se voit pas. Il a la vista, l’adresse, le talent. On le sait peu, mais j’ai joué avec Alban, son père (le frère d’Hervé) qui fut aussi champion de France de basket avec Le Mans. Il jouait avec les Espoirs avant de remplacer un joueur blessé dans l’effectif. Lui aussi a eu son titre... En dédicace aujourd’hui HervéDubui­ssondédica­cerasonaut­obiographi­e aujourd’hui à la librairie «La Joie de Lire» à Antibes, de 15 heures à 18 heures.

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