Apologie du terrorisme : trois ans ferme pour un Tunisien
Pendant dix mois, ce passionné d’ornithologie a diffusé depuis Nice des photos de décapitation et des messages appelant au djihad via la connexion Internet de sa voisine
Peut-on à la fois faire l’apologie du terrorisme, diffuser sur Internet des images de décapitations, tout en étant passionné par les canaris et les chardonnerets? Allaaben Mahmoudi, 25 ans, présente le profil inquiétant d’un jeune Tunisien perdu, désoeuvré, en phase de radicalisation. « Sur vos téléphones et votre tablette beaucoup de choses ont trait aux oiseaux... Mais il y a aussi de nombreux comptes Facebook et Twitter, des extensions sur des sites qui vous assurent un anonymat total », note Laurie Duca, la présidente du tribunal correctionnel. Alaaben Mahmoudi, 25 ans, domicilié à Nice dans un appartement quasi insalubre, survivait grâce à une aide sociale.
« De la propagande? »
Sa voisine, qui a vu débarquer chez elle à la mi-septembre la police, lui avait gentiment confié ses codes Internet pour qu’il puisse bénéficier d’une connexion gratuite. Si elle a été rapidement mise hors de cause, son voisin a dû s’expliquer sur les messages de haine qu’il diffusait complaisamment sur la Toile. C’est la Licra, association antiraciste, qui a alerté la justice. Après avoir nié pendant des mois, Mahmoudi, teint blafard, barbe fournie, change de stratégie à l’audience. Il invoque « la liberté d’expression ».« J’ai partagé des photos comme certains journalistes. J’ai fait comme eux et je ne pensais pas aller en prison pour ça. Si j’avais su, je ne l’aurais pas fait. Je n’ai fait qu’un copier-coller. » « Vous estimez que vous faites de l’information ? insiste Laurie Duca. Ce n’est pas plutôt de la propagande ? ». La présidente lui tend l’image d’un soldat défiguré par de l’acide. « C’est pas moi qui l’ai fabriquée. », se défend le prévenu. « Pourquoi allez-vous chercher des images comme ça et pourquoi vous les diffusez ? Que voulez-vous exprimer à travers ces images ? »Pasde réponse. Laurie Duca tente vainement de sonder le coeur et l’âme du prévenu, ses motivations, son idéologie. Elle veut connaître le nom des personnes qui participait à des réunions à son domicile. Mais l’individu est fuyant. « Je ne savais pas… Pour moi ce n’est pas du terrorisme. Tout le monde partage des photos et des vidéos », explique-t-il, bras croisés. La magistrate insiste sur les textes qui sont autant d’incitations aux meurtres contre les « kouffar », les mécréants. Originaire d’une province tunisienne – Jendouba - « la plus pourvoyeuse de djihadistes », selon le procureur Sylvie Canovas, « Mahmoudi banalise ses tweets mais il sait très bien ce que veulent dire les images qu’il diffuse. »Ilyanotamment une photo montage de décapitation avec le visage de Barak Obama et la mention en anglais : « Soon » (bientôt, ndlr). Des louanges en l’honneur de Coulibaly et des frères Kouachi, les auteurs des attentats sanglants du 7 janvier 2015. Contre cet oisif passionné par les oiseaux, le procureur requiert 30 mois de prison ferme avec une interdiction définitive du territoire national Me Émilie Bender plaide que son client est surtout « victime de sa bêtise », « pas réellement conscient de l’infraction qu’il commettait. » Hier, la défense suggérait un stage de citoyenneté. Le tribunal est allé bien au-delà avec trois ans d’emprisonnement ferme assortis d’un maintien en détention. À titre de peine complémentaire, le tribunal correctionnel a prononcé une interdiction définitive du territoire national.