Nice-Matin (Cannes)

après, les plaies à vif

Cédric,  ans : « On est comme abandonnés »

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Cédric Hivart, 43 ans, compte parmi les sinistrés de ce 3 octobre maudit. Un parmi tant d’autres. Un mois après la catastroph­e, comme beaucoup, il se sent seul. L’aide financière n’est pas vraiment arrivée jusqu’à lui. Ce commerçant ambulant apprécié courait les marchés de la région. Depuis quinze ans, il vit dans ce petit coin de paradis, route de Fréjus à Mandelieu, en bordure du Riou et d’un lopin de vignes, avec Jordan, son fils de 12 ans. Mais le paradis s’est mué en enfer. Son mobil-home de onze mètres, acheté 46 000 euros neuf en 2006, semble avoir été comme patiemment déchiqueté par une bête vicieuse. Il gît dans une étrange et inquiétant­e position, incliné vers l’avant, portes béantes. Emportés également, son utilitaire Renault Masters, sa Laguna break. Il ne peut retravaill­er. Cédric a accepté de témoigner, même si témoigner, on doit vous le dire, ce n’est pas son truc. «Je n’ai jamais touché de RMI, CMU ou quoi que ce soit. J’y aurais le droit, mais je n’en veux pas. D’ailleurs, trois semaines après la catastroph­e, je suis allé demander une brosse à dents. La dame m’a dit qu’elle m’en avait déjà donnée une trois semaines avant. C’était vrai, mais je change plus souvent de brosse à dent que de lame de rasoir. C’est comme ça… Alors vous comprenez, retourner demander… »

Le Riou en furie

Ce 3 octobre, il était 22 heures. Cédric et Jordan regardaien­t la télé avec un ami. Un soir d’Angleterre-Australie en coupe du monde de rugby. « Il pleuvait énormément, on a entendu des bruits. On a cru que c’étaient des sangliers. Puis d’un coup, il y a eu une coupure d’électricit­é, raconte Jordan. Papa est allé la remettre. » Il est déjà trop tard. Le calme Riou est en furie. Le mobil-home est soudain soulevé et dérive au milieu d’un torrent. Jordan panique. Avec une corde, Cédric s’attache à lui. Les troncs d’arbres s’écrasent sur le véhicule, l’eau s’engouffre dans un bruit démentiel, emportant leurs affaires, leur vie. « J’ai du mal à dormir depuis », confie Cédric. Le pétrin, un mois après, il est plus que jamais dedans. Des dames « adorables » sont pourtant venues l’aider à déblayer les jours qui ont

suivi. Maddalena Jordan, Martini,lui, se une souvientbe­lle jeunede femme d’une grande gentilless­e qui, à la suite d’un appel sur le Facebook Nice-Matin / Solidarité intempérie­s, a immédiatem­ent répondu présente. « Elle est venue me chercher en voiture et m’a amené à la salle Olympie de Mandelieu. J’ai pu y choisir des affaires de classe, je n’avais plus rien. » Pierre Servettaz, président du Lions club Mandelieu Théoule Estérel, leur a apporté un chèque de 500 euros, ainsi que 500 euros de bons Leclerc. « Je l’en remercie. J’ai pu aller m’acheter une machine à laver ce matin », souligne Cédric. Le conseil départemen­tal a donné 150 euros. Et le sympathiqu­e opticien de la galerie marchande du Monoprix de Mandelieu lui a offert une paire de lunettes de vue neuve. « Je les avais perdues, j’ai eu mal au crâne pendant une semaine. » Voilà le bilan de l’aide financière et morale. Autant dire pas grand-chose. Il pourrait toucher 8 000 euros pour l’utilitaire. Loin du compte. Le mobil-home ? À la suite d’une séparation, l’assurance l’avait lâché. Il n’aura pas un centime. La bagarre continue. Cédric Hivart veut retravaill­er. Vite. Mais la route va être longue, très longue…

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(Photo Franz Chavaroche) Cédric et Jordan devant leur mobil-home dévasté.

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