László Nemes, au nom du Fils...
LE FILS DE SAUL De László Nemes (Hongrie). Avec Géza Röhrig, Levente Molnár, Urs Rechn. Durée : h . Genre : drame. Notre avis : ★★★★★
László Nemes a 38 ans et en parait dix de moins. C’est un jeune homme frêle aux yeux très clairs, qui répond aux questions en français, avec sérieux, mais sans affectation particulière, et qui ne semble pas s’étonner de l’attention dont il fait l’objet. Grand Prix à Cannes (la Palme bis) pour son premier film, c’est le nouveau wonder boy du cinéma mondial. Le Fils de Saul, c’est lui ! Pour sa première réalisation, ce jeune Hongrois, ancien assistant de Béla Tarr, a osé et réussi l’impossible : un film sur les camps d’extermination qui restitue leur horreur et leur folie, sans verser dans le spectaculaire, le voyeurisme, ni le sentimentalisme. On y suit, en caméra embarquée, les pas de Saul (Géza Röhrig), un membre des Sonderkommandos d’Auschwitz chargé du nettoiement des chambres à gaz. La caméra ne lâche son visage, sa nuque ou son dos que pour filmer ce qu’il voit. Très peu de chose, en fait. Saul s’affaire les yeux baissés pour éviter les coups des gardes qui le pressent et hurlent leurs ordres à ses oreilles. Les cris des prisonniers, le bruit des portes métalliques et le ronflement des fours qui tournent à plein régime rythment son quotidien. Alors que ses camarades préparent une révolte, Saul n’a qu’une idée en tête : donner une sépulture à un enfant mort, dont il prétend être le père. La folie de l’entreprise croise celle de la Solution finale, entrée dans sa phase industrielle… Comment fait-on un film pareil ? C’est ce qu’on a demandé à son auteur. D’où est née l’idée du Fils de Saul ? Sur le tournage de L’Homme de Londres de Béla Tarr, à Bastia, j’ai trouvé dans une librairie un livre de témoignages : Des voix sous la cendre. Il s’agit de textes écrits par des membres de Sonderkommandos qu’ils avaient caché avant la rébellion de et qui ont été retrouvés, des années plus tard. Cela résonnait évidemment avec mon histoire familiale puisqu’une partie de ma famille a été assassinée à Auschwitz. À ce moment, il s’est agi pour moi de rétablir un lien avec cette histoire…
Comment filmer l’horreur des camps ? J’ai mis longtemps à trouver le bon angle. Je ne voulais pas héroïser qui que ce soit, ni faire une sorte de fresque. La question des camps a toujours été abordée d’un point de vue intellectuel, jamais de manière viscérale. J’ai choisi de m’en tenir au regard d’un homme, Saul. Mais comme il fallait fuir tout esthétisme, tout exercice de style, je n’ai pas tout filmé en caméra subjective. Cela aurait été artificiel. Ce qu’il voit, je le montre. Le reste du temps, on le voit lui. Le son joue un rôle presque aussi important que l’image… Saul entend plus qu’il ne voit, car il garde les yeux constamment baissés. Le horschamp est énorme. Pour le spectateur, cela suggère que la réalité du camp est bien plus grande que ce qu’il peut voir.
Pourquoi avoir choisi les Sonderkommandos ? Ils me semblaient être les guides parfaits pour approcher la situation de l’individu dans l’univers concentrationnaire. Leur souffrance est d’abord psychologique. Ce sont des ombres entre les prisonniers et la Machine…
Que représente cet enfant auquel Saul s’attache ? Il permet au spectateur de mieux s’identifier à la quête de Saul qui, du coup, est aussi la sienne. À lui de trouver sa propre réponse.
Comment avez-vous vécu la présentation du film à Cannes ? J’étais un peu surpris de me retrouver au centre de l’attention générale, venant de l’anonymat le plus total. En même temps, on savait que le film provoquerait des réactions…
Vous attendiez-vous à déclencher des polémiques ? Pas particulièrement. On peut ne pas aimer le film, mais on ne peut pas me reprocher de ne pas avoir agi avec le plus grand respect envers les morts. Le fait que Lanzmann ait dit qu’il avait aimé le film a sans doute contribué à désamorcer la polémique sur ce qui est de filmer la Shoah.
Assumez-vous le terme de « film monstre » ? Oui, pourquoi pas ? On savait qu’on faisait quelque chose de différent. Le cinéma est là pour ouvrir des voies nouvelles. Sinon, à quoi bon ?
Grand Prix pour votre premier film, c’est une pression supplémentaire pour le second ? Je me suis mis tellement de pression pour celui-là que le second sera forcément plus facile à aborder. C’est l’histoire d’une jeune femme à Budapest en . Un thriller… Au pire, je le rate ! (rires).