Signé Roselyne
Lundi
Après les violences qui ont secoué Ajaccio pendant les fêtes de Noël, le président de l’Assemblée de Corse indique que ces faits ne relèvent ni de la Corse, ni de la culture corse. Jean-Guy Talamoni a bien fait de le proclamer avec solennité. Il aurait peut-être mieux valu rappeler qu’elles sont tout simplement inadmissibles au regard du respect des droits humains qui surplombe - et c’est heureux – toutes les polémiques politiques quel que soit leur légitimité. Pas plus que la Corse n’est détentrice à elle seule de valeurs supérieures, pas plus qu’elle n’échappera aux malfaisances qui secouent un monde où Internet déverse le djihad, la pornographie, la haine de soi et la haine de l’autre. Les attaques contre les forces de l’ordre, les pompiers et même le personnel soignant sont monnaie courante dans certains quartiers partout en Europe. Par ailleurs, les statistiques données par la Délégation à la lutte contre le racisme et l’antisémitisme indiquent que les actes antimusulmans ont triplé par rapport à l’an passé. Partout, on note une libération de la parole raciste dont, hélas, les manifestants d’Ajaccio qui criaient « Arabi fora », les Arabes dehors, n’ont pas l’exclusivité. Ce serait donc une faute morale que la communauté nationale considère ces exactions comme une spécificité insulaire au motif d’un discours régionaliste qui réclame avec véhémence une singularité qui aujourd’hui se retourne contre l’image de la Corse.
Mardi
Bruno Le Roux, le patron des députés socialistes, leur fait passer un argumentaire visant à justifier la déchéance de nationalité pour les terroristes binationaux nés en France. En tête des arguments avancés par Le Roux qui, pourtant, n’avait jamais fait mystère de son opposition à une telle mesure, on relève celui de l’opinion publique qui approuverait la disposition à %. Pathétique… Heureusement que le général de Gaulle n’a pas consulté les sondages avant de partir à Londres, ni Robert Badinter pour abolir la peine de mort. Si avant de défendre des grands principes, les politiciens se croient obligés de consulter Ipsos ou la Sofres, le pays est mal barré. Il est admissible et même souhaitable de renoncer à ses positions sur des dossiers de gestion courante. Mais c’est l’honneur d’un politique de se battre pour ce qu’il croit juste. Il peut se tromper mais il ne doit pas se renier. Toutefois, il y a pire! Un député PS dont je ne révélerai pas le nom par pure bonté d’âme préconisait cette déchéance… pour les exilés fiscaux. Aujourd’hui, il n’a pas de mots assez durs pour François Hollande qui la propose pour des criminels sanguinaires. Allez comprendre.
Mercredi
Manuel Valls me fait irrésistiblement penser à Pepe, l’odieux garçonnet d’Astérix en Hispanie, qui s’arrête de respirer quand on lui résiste. Ce matin, il a décidé de gâcher le déplacement du ministre de l’Intérieur à Ajaccio en déclarant dans une interview au Parisien que la nation corse n’existait pas. Heureusement que le flegmatique Bernard Cazeneuve en a vu d’autres et géré ses contacts sur l’île de Beauté avec son savoir-faire habituel. Intéressant d’ailleurs de s’interroger sur le sens de « nation », mot polysémique qui fait s’écharper historiens et politiques. Au regard de l’usage international, seuls les États souverains sont des nations, terme repris dans le sigle Organisation des Nations unies. Manuel Valls avait donc raison dans cette acception. Cette notion d’État souverain peut être également envisagée non seulement comme un fait acquis mais comme un but à atteindre. Manuel Valls aurait encore raison puisque les indépendantistes au sens strict sont ultra-minoritaires en Corse et le résultat du premier tour des dernières élections régionales vient encore de le démontrer. Cependant, de nombreux chercheurs ont voulu dépasser cette vision juridique, réconcilier l’antagonisme sulfureux entre peuple et nation et considérer cette dernière comme un mécanisme identitaire d’ordre géographique, culturel et psychologique. Là, Manuel Valls aurait tort. Mais puisqu’Edgar Morin assure que la théorie générale de la nation reste à écrire, nous n’avons pas fini de nous empoigner.
Jeudi
Il va falloir que ça change. Cette allocution de voeux du président de la République n’intéresse plus personne. François Hollande ne s’en est d’ailleurs pas mal tiré avec un accent de sincérité bienvenu. J’ai même eu un brin d’émotion quand il a déclaré « Français, je suis fier de vous ». Pour le reste, des annonces cent fois rabâchées sur le front de l’emploi ou le claironnage satisfait sur la Cop ne laissaient entendre qu’une musiquette peu convaincante. Visiblement, les éditorialistes des chaînes d’info avaient reçu des communicants de l’Élysée des éléments de langage pour nous expliquer dès la fin de l’allocution ce que le Président avait voulu dire. Mais comment une annonce aussi bidon que “la lutte contre le chômage reste ma première priorité” pourrait- elle faire frémir les Français? Billevesées. Comment faire embaucher par des chefs d’entreprise qui n’en peuvent plus des à-coups de la politique gouvernementale en promettant un chèque au recrutement? Calembredaines. Comment annoncer la promotion de l’apprentissage alors que le nombre d’apprentis a chuté de % entre et ? Balivernes. Le seul mérite de cette allocution sans intérêt sera d’être vite oubliée et de ne pas avoir gâché la Saint-Sylvestre des joyeux fêtards.
Vendredi
En ce premier jour de l’an et du reste de notre vie, les nouvelles assénées par les matinales sont peu réjouissantes. Une voiture fonce sur les forces de sécurité devant une mosquée de Valence, un restaurant français est attaqué à Kaboul. La menace terroriste s’installe dans la durée, les perspectives économiques sont incertaines, la crise des migrants taraude, la classe politique défaille. Mais foin de catastrophisme! Nous avons fait preuve collectivement de notre résilience et il va falloir résister. Notre pays compte parmi les grands et la terre entière s’est illuminée de tricolore quand les barbares nous ont attaqués. La Marseillaise a jailli alors des poitrines sur tous les continents. Finalement, il n’y pas que Hollande à être fier des Français. Allez, bonne année… quand même…
« Comment une annonce aussi bidon que “la lutte contre le chômage reste ma première priorité” pourrait-elle faire frémir les Français? »