Tensions au Moyen-Orient: la crainte de l’escalade
Les communautés chiites de nombreux pays arabes ne décoléraient pas hier, après l’exécution d’une figure de l’opposition en Arabie saoudite. En soirée, celle-ci a rompu ses relations avec l’Iran
Crise temporaire ou première étape vers un conflit ouvert ? C’est la question qui se posait, hier soir, alors que l’Arabie saoudite venait d’annoncer la rupture de ses relations diplomatiques avec l’Iran, dernier épisode en date d’un regain de tension entre les deux grandes puissances ennemies du Moyen-Orient, à la suite de l’exécution en Arabie saoudite du cheikh Nimr Baqer al-Nimr, figure chiite de la contestation contre le régime. Durant la journée, déjà, cet épisode avait continué à exacerber les relations entre chiites et sunnites dans plusieurs pays arabes et suscité l’inquiétude de l’ONU, des États-Unis et de l’Union européenne. En Iran, pays à 90 % chiite et grand rival de l’Arabie saoudite, qui est elle à majorité sunnite, des centaines de personnes en colère ont attaqué à coups de cocktails Molotov, dans la nuit de samedi à dimanche, l’ambassade d’Arabie saoudite à Téhéran. Le bâtiment, dans lequel les assaillants ont réussi à pénétrer, a été partiellement détruit par le feu. Dans le même temps, le consulat saoudien à Mashhad, dans le nord-est du pays, a également été attaqué. Le procureur de Téhéran a annoncé l’arrestation de 40 manifestants à Téhéran et de 4 personnes à Mashhad.
« La main divine le vengera »
Tout en dénonçant l’exécution, le président Hassan Rohani a toutefois qualifié d’« injustifiables » ces attaques, et chargé la police diplomatique de protéger les représentations saoudiennes. De son côté, le guide suprême iranien, l’ayatollah Khamenei, a lancé hier un avertissement ressemblant à une menace à peine voilée: « Sans aucun doute, le sang de ce martyr versé injustement portera ses fruits et la main divine le vengera des dirigeants saoudiens. » Hier, un calme fragile était revenu dans la capitale iranienne, où plus d’un millier de personnes ont à nouveau défilé, mais sans incident majeur. Avant d’être dispersés par la police anti-émeutes, les manifestants ont crié « Mort à al-Saoud » et des drapeaux américains et israéliens ont été brûlés. Le royaume de Bahreïn a également été la cible de violentes manifestations. Hier, plusieurs blessés étaient à déplorer après des affrontements entre la police et des protestataires chiites, confession majoritaire dans ce pays dirigé par une dynastie sunnite.
Le Hezbollah qualifie l’Arabie de « terroriste »
Des chiites ont également manifesté en Arabie saoudite, au Yémen et en Irak, dans la ville sainte chiite de Kerbala. L’ayatollah Ali Sistani, plus haute autorité chiite de ce pays, a qualifié d’« agression » le « versement du sang pur » des exécutés. Tandis qu’au Liban, Hassan Nasrallah, chef du puissant mouvement chiite Hezbollah, allié de l’Iran, a condamné le « terrorisme » et le « despotisme » de l’Arabie saoudite. Autant de réactions qui laissent craindre le pire pour la stabilité de la région.