Nice-Matin (Cannes)

James Bond, le roi de la vanne

Livre Dans son Petit James Bond Illustré par l’exemple, Philippe Durant rappelle que 007 est aussi un beau parleur...

- PHILIPPE DUPUY

Il n’y a pas que le Walter PPK dans la vie. Le « permis de tuer » de James Bond l’autorise aussi à le faire avec un bon mot. Il ne s’en prive d’ailleurs pas. L’entrée la plus fournie du Petit James Bond Illustré, petit abécédaire de citations de 007, réunies et commentées par notre excellent confrère Philippe Durant, est celle qui correspond au mot «mort»:« Chaque fois qu’il tue quelqu’un, ou presque, Bond fait une vanne ou un bon mot, comme pour désacralis­er la mort, analyse l’auteur. Le procédé a fait école dans beaucoup de film d’action, notamment ceux de Bruce Willis. L’humour permet de faire passer la violence au second plan ». On s’aperçoit à la lecture que Bond ne se contente pas de faire de l’humour quand il tue : c’est le roi de la vanne, l’empereur de la punchline ! « La dimension humoristiq­ue a toujours été présente dans les films de James Bond, confirme Durant. Mais c’est Roger Moore qui a le plus développé cet aspect de la personnali­té de 007. Si on veut de la vanne, c’est dans ses films qu’il faut piocher ». Après avoir revu tous les films de James Bond, Philippe Durant tient d’ailleurs à réhabilite­r le travail de Moore, souvent décrié aujourd’hui : « Il a fait quelques mauvais films, mais il y en a aussi de très bons ». Même si dans son Top 3 des 007, Philippe Durant classe Goldfinger, Goldeneye et Casino Royale dans un mouchoir de poche, Rien que pour vos yeux reste un de ses Bond préférés. Et le petit dernier, Spectre ?« C’est bon James Bond, sinon un très bon. On revient à la tradition humoristiq­ue qui avait été un peu délaissée avec l’arrivée de Daniel Craig. J’étais ravi de voir qu’il se décoince un peu de ce côté-là ». Cela donnera à l’auteur du grain à moudre pour les futures éditions augmentées de son Petit James Bond Illustré. Biographe de Michel Audiard, Philippe Durand ne pouvait manquer de s’intéresser aux dialogues des films de Bond : « On a tout étudié dans les films de James Bond : ses femmes, ses voitures, ses flingues, ses montres, ses gadgets… Tout, sauf un truc qui me semble essentiel : ce qu’il dit ! » Au passage, l’auteur s’est aperçu avec étonnement qu’il ne disait pas tout à fait la même chose en VO et en VF. « Les versions françaises ont été nettoyées de beaucoup de choses que les doubleurs ne trouvaient pas essentiell­es et qu’ils se sont donc pas donnés la peine de traduire. Je me suis rendu compte, par exemple, que quand Bond arrive dans un nouveau pays, il y a souvent une petite présentati­on dans la version originale, qui disparaît systématiq­uement dans la VF ». Sans doute considère-t-on que les Français sont plus calés en géographie et qu’on n’a pas besoin de leur dire qu’Amsterdam se trouve en Hollande, par exemple. On comprend aussi que des références peu évidentes, comme celle au cascadeur Evel Knievel dans L’Homme au pistolet d’or, disparaiss­ent au doublage. « Il ne faut pas que le spectateur soit perdu. Dans un James Bond l’action prime toujours », explique l’auteur. Mais lorsqu’il s’agit de la recette du Vodka-Martini, on sent bien que les doubleurs pataugent grave : « La formule originale « Shaken but not stirred » donne lieu à des interpréta­tions plus ou moins fantaisist­es suivant les films, note l’auteur. Il faut dire qu’en français la nuance entre « secoué mais pas agité » n’est pas évidente. Du coup, on lui donne du « au shaker et pas à la cuillère » ou pire du « non touillé » ». Pas étonnant que Bond finisse par répondre au barman de Casino Royale : « Qu’est-ce que j’en ai à foutre ? » Autre surprise de cette étude non exhaustive mais délicieuse de James Bond dans le texte : pour parler aux femmes, 007 ne s’embarrasse guère de formules choisies : « En commençant à travailler sur les textes des films, je m’étais dit : chouette je vais enfin apprendre à draguer comme James, confie Durant. Mais en fait, Bond ne drague pas. Pour tomber les filles, il lui suffit d’apparaître ! ». Bref, si tu veux draguer comme 007, il faut t’appeler Bond, James Bond ! Le Petit James Bond illustré par l’exemple, par Philippe Durant, Nouveau Monde éditions, 187 pages,14,90 €.

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