Nice-Matin (Cannes)

Dernier entretien à coeur ouvert à Ramatuelle

- LAURENT AMALRIC

Une atmosphère particuliè­re régnait lors de la dernière rencontre avec Michel Galabru en août dernier. À 92 ans, le comédien venait de se produire bon pied bon oeil au Festival de Ramatuelle dans Jofroi de Pagnol et Giono, mais une sombre lassitude voilait son visage le lendemain dans sa chambre d’hôtel. La raison, la perte, quelques jours plus tôt, de sa femme Claude, terrassée par la maladie de Parkinson après des années d’épreuve. « Une maladie atroce… Sur le moment on ne voit rien d’inquiétant. Et puis quand ça commence à se développer, c’est affreux. Alors continuer à monter sur scène, oui bien sûr… Qu’est-ce que vous voulez, c’est un moment d’arrêt dans la souffrance. Cela permet de ne pas trop penser », se confiait-il pour la première fois sur cette cruelle disparitio­n.

La peur du pépin de santé Une disparitio­n qui ira jusqu’à remettre en cause son habituel séjour dans sa maison familiale d’Avène-les-Bains (Hérault, Languedoc-Roussillon). « Je n’irai pas cet été… Avec le décès de ma femme, tout est bousculé. Et puis c’est trop isolé. Si vous avez un pépin de santé, le temps d’alerter les secours vous êtes mort… Donc je reste sur Paris. C’est plus sûr ». Paris où il poussera son dernier soupir. Même si la Provence irrigue à jamais l’âme du personnage. « Mon père était du coin d’Avène. Il avait racheté un moulin fréquenté durant son enfance puis l’a transformé en villa. C’est au bord de l’eau. Très agréable. J’y ai passé toutes mes vacances de jeunesse », indiquait-il avant que l’eau de la très réputée station thermale héraultais­e ne se « glace » ce lundi 4 janvier 2016… Au cours de l’entretien, le dernier des Gendarmes originels reviendra également sur ses plus fréquents camarades de plateau. Jean Lefebvre, Jean Carmet ou Michel Serrault, un « vrai intime » disait-il. « Lorsqu’on tournait La Cage aux folles en Italie quelle java on faisait ! ».

Le film « offert » par Romy Dans un autre registre, celui qui, enfant, rêvait au cinéma « devant Fernandel, Michel Simon ou Harry Baur » se souvenait, ému, de Romy Schneider dont il était, jadis, l’un des invités pour souffler ses 40 bougies à Saint-Tropez. « Je me promenais sur le port en famille lorsqu’elle m’a appelé pour me convier. Une femme généreuse et charmante. J’ai tourné Portrait de groupe avec dame avec elle à Berlin. J’étais intimidé au moment d’entrer dans sa loge. Elle écoutait Les Valses de Vienne que j’adore. L’entente a été immédiate. Au Festival de Cannes, elle m’a dit :“Tu montes les marches avec moi sinon je ne bouge pas !” Elle voulait aussi m’offrir un film avec elle pour m’aider. Et puis son fils s’est tué… ». Fatalité ? L’amateur de cigare, aimait à rappeler que nous étions tous « prédestiné­s ». « Tout est programmé. Vous serez beau, vous serez laid… Costaud, maladif… Rien à faire ! C’est en ce sens que s’il y a un dieu on ne peut pas dire qu’il soit gentil », concluait-il à Ramatuelle.

Hommage ramatuello­is cet été Un festival dont il était devenu le « sociétaire honoraire » tellement il s’y était produit de fois, invité par Jean-Claude Brialy puis Michel Boujenah, avec notamment pour spectateur un certain Jacques Chirac en août 2009. Une exposition photos sera d’ailleurs consacrée dans le cadre du rendezvous estival à ce « monstre sacré ». Terme qui permet à Michel Galabru de rectifier de l’au-delà comme il le maugréait avec talent de son vivant : « Je ne suis pas un monstre sacré ! Les derniers grands étaient Gérard Philipe et Bourvil. Ne me comparez pas non plus à Raimu ! Moi je ne suis qu’une merde à côté. C’est comme le général De Gaulle qui s’est imposé à Londres. On ne voyait pas les autres. Le général Giraud n’était qu’une virgule à côté de lui. Eh bien moi, c’est pareil, à côté de Michel Simon, je n’existe pas ». La postérité, elle, corrigera.

 ??  ?? Ultime apparition varoise au Festival de Ramatuelle en août dernier dans Jofroi de Pagnol et Giono. (Photo D. R.)
Ultime apparition varoise au Festival de Ramatuelle en août dernier dans Jofroi de Pagnol et Giono. (Photo D. R.)

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