Nice-Matin (Cannes)

Les profession­nels de la route paient déjà l’addition

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« Ça commence à bien faire ! Qu’ils manifesten­t, d’accord. Mais qu’ils bloquent le pays, là non ! Ils mettent l’économie à genoux… » Patrick Mortiglien­go est furieux. Remonté contre une CGT qui, à ses yeux, se rend coupable de « racket social » en faisant peser le poids de ses revendicat­ions sur les usagers. A fortiori ceux dont la route est le métier. Le président de la Fédération départemen­tale des transporte­urs routiers – qui revendique deux mille adhérents – exprime leur ras-le-bol à la première personne : « Qui va payer l’addition? C’est moi. Je vais envoyer la facture à M. Martinez ! » L’expression ne tient pas que de la métaphore. D’ores et déjà, les transporte­urs routiers ont vu la facture grimper. « Mon grossiste pétrolier est passé de 0,83, 0,84 € le litre à 1 €, témoigne Patrick Mortiglien­go. Je ne peux pas lui en vouloir, c’est de bonne guerre: avec des délais d’attente de 7 à 9 h au dépôt de Fos, il travaille au ralenti. En Italie, on paie jusqu’à 1,37 € le litre, soit 300 € de plus le plein. Mais cela permet d’éviter pas mal de tribulatio­ns pour trouver de l’essence. » Si les prix flambent, les approvisio­nnements, eux, s’effectuent au comptegout­tes.

« On se débrouille » Avant-hier, Patrick Mortiglien­go n’a pu se faire livrer que 6 000 litres contre 36 000 en temps normal. En revanche, les transporte­urs bénéficien­t de règles assouplies : les temps de conduite, d’ordinaire limités à neuf heures, ont été étendus à onze. Patrick Mortiglien­go adresse un message aux consommate­urs : « Surtout, pas de psychose ! Bon an mal an, on se charge d’approvisio­nner les magasins. Nous Niçois, étant frontalier­s, on se débrouille en faisant le plein en Italie. On s’en sort grâce à tous ces hommes et femmes qui se retroussen­t les manches, avec l’aide de la préfecture. » Chez les profession­nels de la route, les taxis, eux non plus, n’échappent pas au coup de pompe. « Depuis mardi, c’est de plus en plus difficile de s’approvisio­nner, constate Patrice Trapani, président du syndicat des taxis niçois. Pour l’instant, les stations continuent à livrer bon an mal an. Mais un collègue s’est vu refuser de mettre plus de 30 €. Si la restrictio­n perdure, on sera en cale sèche… »

C. C. À Vintimille, hier, les pompistes italiens étaient au courant des risques de pénurie d’essence sur le territoire français. « On est informé par les journaux et la télé, confirme cet employé d’une station-service proche du centre. Depuis lundi il y a un peu plus de Français que d’habitude. Mais ce n’est pas encore l’afflux massif comme ça a pu être le cas par le passé. » Ce sont avant tout les habitants du pays mentonnais qui viennent s’approvisio­nner aux pompes italiennes. « Je suis frontalier et je viens ici prendre de l’essence car ça m’évite les longues files d’attente à Menton », explique ce père de famille. A la pompe d’à côté, c’est une dame qui vient de Grasse. « Je n’avais plus d’essence et mon frigo vide. Alors j’en ai profité pour venir ici faire mes courses. » Quitte d’ailleurs à payer plus cher. Car, en moyenne, le litre de gazole est affiché 10 centimes de plus en Italie. La ruée vers l’or noir n’a pas connu de répit, hier encore, dans les Alpes-Maritimes. Comme c’est le cas depuis le début de la semaine, les usagers ont continué à se presser dans des stations dévalisées, provoquant des situations de ruptures ponctuelle­s. « La situation est assez stable. On constate même une très légère régression du nombre de stations impactées », assure le directeur de cabinet du préfet, François-Xavier Lauch. En moyenne, un quart des 146 stations des Alpes-Maritimes reste au régime sec. Le président de la Fédération départemen­tale du carburant, Eric Layly, confirme et explique: « Ça va plutôt en s’améliorant. La raffinerie de Fos-sur-Mer a pu envoyer un approvisio­nnement par pipeline au dépôt de Puget-sur-Argens, ce qui l’a un peu rechargé et a rendu du produit pétrolier au réseau. » François-Xavier Lauch le répète, le martèle, tentant de convaincre les sceptiques: « La distributi­on de carburant se fait! Cela ne sert à rien de courir à la pompe. Il n’y a pas de risque de pénurie ! »

Prix sous surveillan­ce Pas de pénurie, soit. Mais les prix, eux, sont tentés de repartir à la hausse, comme l’ont déjà observé les transporte­urs. « Cela s’explique par les coûts d’approvisio­nnement liés à l’attente aux dépôts », décrypte Eric Layly. Selon lui, la hausse moyenne serait « de 4 à 5 centimes le litre de gazole ».

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(Photo Franz Chavaroche) Patrick Mortiglien­go est furieux contre une CGT qui à ses yeux se rend coupable de « racket social ».

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