Pousser la cellule cancéreuse au suicide : une voie d’avenir
Fruit d’une collaboration entre chimistes et biologistes, la découverte à Nice de molécules contre le mélanome donne de nouveaux espoirs
Trois années de recherches. Et la découverte de molécules qui pourraient révolutionner la prise en charge des mélanomes, ces tu meurs cutanées dont la progression semble inexorable: leur incidence double tous les dix ans. « Nous nous étions lancé un défi : trouver de nouveaux traitements plus efficaces et personnalisés contre ce cancer très agressif », résument les principaux investigateurs, Ra ch id Ben h ida (Institut de Chimie de Nice) et Stéphane Roc chi(C3Mà Nice ), respectivement directeurs de recherche au CNRS et à l’ In serm. Depuis des années, Stéphane Rocchi s’intéresse à un médicament contre le diabète, doté de formidables propriétés… anticancéreuses. Impossible néanmoins d’ aller plus loin ,« ce médicament ayant été retiré du marché du fait de toxicités hépatique et cardiaque ». « Pour contourner cet obstacle, nous nous sommes lancés dans la synthèse de molécules dérivé es de cet antidiabétique mais privées des parties responsablesdes effets sur l’ insuline… et de la toxicité .» Biologistes et chimiste sniçoi sont ainsi passé au crible quelque 150molécules… « Et puis, un jour, nous sommes « tombés » sur HA15. Testée sur des modèles animaux, des biopsies de patients atteints de mélanome et résistants ou pas aux thérapies ciblées, cette famille de molécules s’est révélée puissamment efficace contre les cellules tumorales et sans aucune toxicité sur les cellules normales », s’ enthousiasmentles chercheurs. Comment? C’ est là que les choses deviennent encore plus intéressantes.
Efficace sur d’autres tumeurs « L’étude du fonctionnement de HA 15 a révélé un mode d’ action inédit par rapport aux anticancéreux sur le marché: ces molécules ciblent en effet un mécanisme global, commun aux cellules cancéreuses qui les pousse à mourir par « autophagie » (la cellule se digère ellemême) et apoptose (suicide) ». Estce
(1) pour cette raison que HA15 s’est aussi montré efficace–in vitro–sur des tumeurs aussi différentes que le cancer du sein, du côlon, de la prostate, du pancréas ou bien encore les gliomes? Ce nouveau mode d’action mettra-t-il à l’abri de résistances, en cause dans les rechutes, comme les chercheur sens ont convaincus? À ces questions, et à bien d’ autres, les scientifiques niçois pourront répondre en débutant les recherches cliniques. Après avoir déposé deux brevets, ils sont aujourd’hui à la recherche d’ industriels capables de soutenir ces nouvelles étapes très coûteuses. Espérons que les enjeux sauront les faire venir. Découvert à un stade avancé, le mélanome reste, en effet, associé à un pronostic assez sombre. Avec la mis eau point en 2011 des thérapies ciblées, on avait pensé vaincre cette maladie : le NewYorkTim es avait même consacré sa Une à cette découverte. Mais, rapidement, le soufflé retombait. Après vingt mois de traitement, des résistance s étaient apparue schezu ne majorité de patients .« En 2013, l’ arrivée de l’immunothérapie a suscité de nouveau espoirs, avec des résultats plus durables et surtout l’ absence de résistances; le bémol, c’est que seuls 15 à 30% des patients répondent. 50 % des patients sont en impasse thérapeutique. » Mais la recherche ne les abandonne pas.
NANCY CATTAN ncattan@nicematin.fr