Ados : « Lâchons-les mais ne les laissons pas ! »
Le passage de l’enfance à l’âge adulte est plein de contradictions. A force de trop vouloir les protéger, on les empêche parfois de se construire au fil de leurs expériences
L’adolescence est une période charnière de la vie. Transition entre l’enfance douce et insouciante et l’entrée dans l’âge adulte, celui des responsabilités. Le psychiatre Xavier Pommereau vient de consacrer un livre à cette étape cruciale sous un angle bien particulier : celui de la prise de risques – incontournable – chez tous les jeunes. Des risques nécessaires à condition qu’ils ne dérapent pas (trop).
Pourquoi avoir choisi d’aborder la thématique du risque à l’adolescence ? Pour deux grandes raisons. La première est que les temps ont changé, de nouveaux problèmes s’invitent à l’adolescence, auxquels on n’était pas confronté avant. Parmi eux, il y a le binge drinking, les beuveries express, mais aussi d’autres très inquiétants comme la tentation du djihad. La seconde est un paradoxe que je remarque de plus en plus : on surprotège les ados, on leur veut énormément de bien mais on ne supporte plus qu’ils prennent le moindre risque. On leur interdit de courir, de grimper aux arbres de peur qu’ils ne se fassent mal. Dans le même temps et en réponse, les jeunes s’emploient à se mettre en danger d’une manière inconsidérée, sans aucun garde-fou. Les ados veulent faire le mur, sortir par la fenêtre au sens propre (en s’échappant de la maison) et au sens figuré lorsqu’ils s’évadent en surfant des heures sur Internet.
Qui doit donc changer son attitude : les parents ou les enfants ?
Les parents d’abord : ils doivent lâcher du lest. A trop vouloir protéger leurs ados, ils obtiennent l’effet inverse. Ils doivent au contraire les autoriser à commettre des erreurs – qui seront cette fois mesurées. C’est en se trompant qu’on apprend. Si on laisse trois copains de ans faire du camping seuls alors peut-être qu’ils vont s’installer sur une fourmilière ou dans une pente. Au lieu de les mettre en garde ou, pire, de leur interdire la sortie, il faut les laisser se tromper ainsi ils tireront les conséquences de leurs expériences et la prochaine fois, ils anticiperont. De ce fait, ils n’auront pas la tentation de s’échapper au sens propre. Pourquoi les ados repoussent-ils autant leurs parents ? C’est une phase de construction tout à fait normale. Contrairement à ce que l’on peut croire, ils ne rejettent pas les aînés, ils sont en quête de relations avec les adultes, mais pas avec leurs parents. Je l’écris dans mon livre : « échangeons nos enfants ». Ils n’auront pas forcément envie de faire du canoë avec papa ou maman ; en revanche, ils seront ravis d’y aller avec un oncle ou un ami de la famille avec qui ils pourront parler et se confier. Les autres adultes doivent profiter du fait qu’ils sont mieux tolérés que les parents pour proposer des cadres d’évolution aux jeunes. Ces derniers se sentiront en confiance car ils sauront qu’à la maison les attendent des parents qui les aiment et sur qui ils pourront compter en cas de problème. Même s’ils n’ont pas envie de leur confier tous leurs petits tracas personnels. Quel est le meilleur conseil à adresser aux parents ? Lâchons les ados mais ne les laissons pas ! Arrêtons d’être sur leur dos et offrons leur plutôt un cadre pour s’épanouir. Toute la difficulté est là : leur laisser suffisamment de liberté tout en les maintenant en sécurité. Ils ont besoin de se sentir rassurés. C’est exactement ce qu’ils veulent dire quand ils lancent à leurs parents “Lâche-moi ” : il faut entendre “cesse d’être sur moi mais ne me laisse pas tomber ”!
« Les autoriser à commettre des erreurs » Dr Xavier Pommereau Psychiatre, chef du pôle aquitain de l’adolescent au CHU de Bordeaux