La semaine de Roselyne Bachelot
Lundi
S’il ne fallait garder qu’une seule déclaration pour éclairer les enjeux de la campagne présidentielle de , c’est bien l’entretien que Thierry Mandon, le secrétaire d’Etat à l’Enseignement supérieur et à la Recherche, vient d’accorder au Journal du dimanche. Avec une sévérité incandescente, il fustige notre système de gouvernance décrit comme une machine à décider qui tourne à vide. Il n’est pas plus tendre avec le fonctionnement du pouvoir législatif en pointant l’impréparation des lois en amont et l’absence d’étude de leur impact réel. Il décrit une société civile exaspérée de ne pas être associée aux prises de décisions alors qu’en vingt-cinq ans le nombre des diplômés du supérieur est passé de à %. Certes, ces errances ne datent pas d’aujourd’hui, mais elles ont atteint un paroxysme insoutenable. François Hollande apparaît comme un président « hors sol » à qui ont échappé les manettes de contrôle, l’élaboration de la loi El Khomri additionne à peu près toutes les bévues, les défilés coagulent syndicalistes, casseurs et militants de Nuit debout sans que le pouvoir n’amorce un début de dialogue. Ce quinquennat a été marqué par une série de couacs ministériels qui ont réjoui les chansonniers et désolé les éditorialistes, mais jamais un ministre ne s’était livré à un réquisitoire aussi féroce. Le fait qu’il puisse le faire sans susciter la moindre réponse en retour est significatif également
de l’aboulie d’un pouvoir exténué. Dommage que ces salutaires déclarations soient tenues par un secrétaire d’Etat sans notoriété, sans réseaux et qui perd à peu près tous ses arbitrages… à moins que ceci n’explique son acrimonieuse lucidité.
Mercredi
En pleine crise agricole, j’avais plaidé afin qu’on exfiltre Stéphane Le Foll du gouvernement. Ce qui n’était qu’un souhait amical devient une urgence absolue. Si vous avez regardé son interview sur France Info ce matin, vous aurez eu peine à reconnaître le playboy sarthois. Echevelé, les yeux rouges, cherchant ses mots, il est au bout du rouleau. En fin de matinée, lors de la conférence de presse qui suit le Conseil des ministres, il suscite l’hilarité en appelant le président du groupe socialiste à l’Assemblée nationale Bruno le relou au lieu de Bruno Le Roux et semble avoir oublié la teneur de ses déclarations tenues, il est vrai, dès la fine pointe de l’aube. A sa décharge, il faut reconnaître que sa charge de porte-parole tient aujourd’hui de la mission impossible. Entre Emmanuel Macron tout préoccupé de lancer son parti, Michel Sapin qui annonce qu’on pourrait revenir sur l’article de la loi Travail avant d’être désavoué, Manuel Valls dont le déplacement en Israël a tourné au fiasco et le président de la République tout joyeux de s’échapper pour participer, demain, à la réunion du G au Japon, les ministres sont dans la situation des habitants de Sarajevo qui tentaient de traverser Sniper Alley pendant le siège de la ville. Finalement, c’est bien une fièvre obsidionale qui frappe nos gouvernants, ils n’en meurent pas tous, mais tous en sont frappés.
Jeudi
Les automobilistes font la queue à la pompe, les violences continuent dans les défilés, les CRS dégagent manu militari les raffineries, les manifestants interrompent une émission télé à laquelle participe Myriam El Khomri, la CGT se fait de plus en plus menaçante interdisant de parution les journaux qui ne se plient pas à l’injonction inouïe de faire paraître in extenso un communiqué. Tous ces désordres seraient de nature à délivrer un tapis de lys et de roses à la communication de l’opposition ou plus exactement des oppositions. Il n’en est rien. Le Front national est pris au piège d’un discours qui se veut ultra sécuritaire quant au maintien de l’ordre mais qui reprend, mot pour mot, les thèses du Front de gauche sur le plan économique. Les Républicains, promis par les sondages à gagner la prochaine élection présidentielle, se trouvent confrontés à une interpellation fondée sur l’acceptabilité de leurs propositions. Leurs candidats ont, en effet, à travers des interviews et des livres, élaboré des propositions consistantes et dont il devrait être assez aisé de réaliser une synthèse cohérente. Réduction massive des dépenses publiques et du nombre des fonctionnaires, recul de l’âge de la retraite se retrouvent dans tous les projets. Mais aucun ne répond à la question centrale : comment faire accepter un tel programme sans mettre la France à feu et à sang ? Quelques timides justifications sont données au motif qu’il suffirait d’annoncer à l’avance la douloureuse pour la faire applaudir, de s’engager à ne faire qu’un seul mandat
pour garantir qu’on veut le bien du peuple ou de gouverner par ordonnances pour terrasser la contestation par la technique du blitzkrieg. C’est un peu court… Si le candidat de la droite et du centre ne répond pas de façon approfondie, détaillée et crédible à cette interpellation sur les méthodes de sa gouvernance, il sera condamné à l’échec.
Vendredi
Le e Sommet du G s’est ouvert, hier, à IseShima au Japon et Barack Obama a saisi cette opportunité pour visiter le mémorial de Hiroshima qui commémore les morts du premier bombardement atomique de l’histoire en . Il est évidemment impossible de soutenir la barbarie utilisée par les Américains pour terminer l’épouvantable boucherie que fut la Seconde Guerre mondiale. Mais la lecture des déclarations japonaises, qu’elles émanent de responsables politiques, de journalistes ou de simples citoyens, laisse interloqué. Pas la moindre évocation des atrocités commises par les troupes japonaises, des déportations de travailleurs coréens dont moururent lors du bombardement de Hiroshima, pas un mot sur les esclaves sexuelles mises à la disposition des soldats nippons, et surtout aucun rappel sur le fait que le Japon était l’agresseur au sein d’une coalition des forces du mal absolu aux côtés des nazis. Le contraste est saisissant avec le courageux travail de mémoire et de repentance qu’ont fait les Allemands. Le malaise est encore plus grand quand on regarde les images de la photo de famille des dirigeants du G regroupés autour du premier ministre ultra-conservateur Shinzo Abe. Les maîtres du monde se tiennent sur les marches du temple Naïku dédiée à la déesse Ameratsu, auguste divinité qui illumine le ciel, dont les empereurs du Japon disent descendre. L’arrogance du message nationaliste laisse un goût de fiel.
« Finalement, c’est bien une fièvre obsidionale qui frappe nos gouvernants, ils n’en meurent pas tous, mais tous en sont frappés. »