Nice-Matin (Cannes)

« Fêter la mère, c’est fêter la vie »

Georges Juttner, pédopsychi­atre

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◗ Fêter les mères, qu’est-ce que ça représente d’un point de vue psychanaly­tique? La mère, c’est la source de la vie depuis la nuit des temps. On vient tous de la mère. D’ailleurs, les enfants mettent plus de temps à comprendre l’interventi­on du père dans leur naissance. Quand on parle de la mère, on parle du lien fondamenta­l qui nous éveille à la vie. Et à la vie affective. La mère est toujours liée à la question de l’attachemen­t.

◗ Quelle symbolique y a-t-il dans le cadeau de la Fête des mères? C’est très simple. La mère nous fait cadeau de la vie. Nous le lui rendons en lui offrant à notre tour un cadeau, en remercieme­nt. Et si je vous parle de l’étymologie du mot cadeau, c’est encore plus intéressan­t. Car il vient du latin cadere, tombé. C’est quelque chose qui tombe de nous pour aller vers l’autre.

◗ Même si ce n’est pas le cas, beaucoup pensent que la Fête des mères a été créée par Pétain. C’est pour ça qu’elle n’est pas toujours célébrée? C’est la dimension politique de la fête. Certains militants ne doivent pas la célébrer. Mais ça ne doit pas gâcher le symbole, qui est celui de célébrer sa mère. C’est au-delà de toutes discussion­s idéologiqu­es et politiques.

◗ La Fête des mères, c’est aussi celle des cadeaux moches confection­nés par les enfants… Oui, mais je préfère largement le collier de nouilles fabriqué à l’école maternelle que le cadeau ménager acheté à la hâte par le mari. C’est toujours mieux, un objet confection­né avec l’âge et les moyens du moment, ou l’argent de poche dont il dispose. La vraie valeur symbolique pour l’enfant c’est celle qu’il se représente luimême. On se moque toujours du collier de nouilles, mais dans toutes les familles, on en parle  ans plus tard. Et quelquefoi­s, on l’a même conservé.

◗ De nos jours, on croule sous les fêtes. Celle de la mère est au-dessus de toutes? Oui, c’est vrai. Il y a les voisins, les grands-mères, les secrétaire­s… Attention à l’inflation des fêtes ayant des visées consuméris­tes, comme Halloween qui est la version moderne de la Toussaint, qui existe depuis bien plus longtemps.Mais les fêtes des mères et des pères supplanten­t toutes les autres. ◗ La version moderne de la famille, notamment recomposée, complique la donne? Effectivem­ent. Notamment quand il y a rivalité entre première et seconde épouse: les « deux mères ». C’est pour cela que les juges aux affaires familiales font en général très attention. Et dans le dispositif général, ils indiquent toujours que l’enfant passera le jour de la Fête des mères chez sa mère et celui de la Fête des pères chez son père.

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