Nice-Matin (Cannes)

J. Vendroux: «Je ne veux pas qu’on galvaude le foot»

C’est la voix du foot de Radio France. Défenseur de la République et de ses valeurs, le petitneveu du général de Gaulle se livre dans un livre de mémoires, truffé d’anecdotes croustilla­ntes

- PROPOS RECUEILLIS PAR PHILIPPE MINARD

Jacques Vendroux :  ans de radio cette année! Dès le début de votre livre (), vous n’hésitez pas à dire que vous avez été pistonné. Racontez-nous. L’histoire est très simple. J’ai  ans, je ne fais rien à l’école et ne pense qu’à jouer au football. Mes parents sont effondrés. Je veux devenir Gordon Banks (). C’est une idée fixe. Puis nous venons habiter à Paris où mon père devient chef de cabinet du ministre des Sports, Maurice Herzog. Mon grand-père était député-maire de Calais, la soeur de mon grand-père était Yvonne Vendroux, plus connue sous le nom d’Yvonne de Gaulle, et mon grand-oncle était président de la République. Mon père m’a fait engager à l’ORTF où j’ai signé le  juin  mon premier contrat. Il y a tellement de gens qui sont entrées par piston et qui n’osent pas le dire… Moi j’assume tout ce que j’ai fait, même mes plus grosses conneries.

Si vous n’aviez pas été le petitneveu du général de Gaulle, vous n’auriez pas réussi. Honnêtemen­t non. Mon seul regret, c’est que je n’ai pas eu l’occasion de lui dire merci. Je sais que j’ai eu la chance incroyable de ma vie! Tous les matins quand je me lève, depuis cinquante ans, je dis merci. Je suis payé pour vivre ma passion, pour exercer mes fantasmes sportifs. C’est juste le rêve de millions de Français d’exercer notre métier.

Il y a certes eu la famille mais il y a eu l’époque aussi. C’était le bon moment? Bien sûr! L’époque était moins compliquée, plus cool. La société a évolué, le football avec. J’ai toujours eu une chance insolente. J’ajoute que j’ai eu trois accidents où j’aurai dû normalemen­t mourir. Je suis vraiment un enfant gâté. La seule chose que je ne peux accepter, dans toute cette carrière, c’est Furiani (). Furiani, c’est mon drame. Tous les morts proviennen­t de l’en droit où j’étais dans la tribune. Je n’ai jamais compris pourquoi moi j’étais passé à travers…

Vous exprimez une culpabilit­é? Complèteme­nt. C’est pour cela que je ne parle jamais de Furiani. Je ne suis jamais retourné au stade de Bastia et je n’y retournera­i jamais. Je me sens merdeux. Dès que je vois une ambulance, je pense à Furiani. Je vois un handicapé, je pense à Furiani. Avec toujours la culpabilit­é de m’en être sorti. Pourquoi moi? Pour autant, je suis contre l’idée de ne pas jouer de match le  mai. Ce serait ajouter de la peine à de la peine.

Vous êtes l’incarnatio­n du football, sport populaire, longtemps méprisé par les élites. Aujourd’hui, le foot est tendance. Cela vous inspire quoi ? C’est vrai que le foot est tendance, et ça me gonfle. Je sais les gens qui aiment vraiment le football, qui vont au stade pour le plaisir tels Patrick Bruel, M. Pokora, Jean-Paul Belmondo, ou Lino Ventura en son temps. François Hollande et Nicolas Sarkozy sont, eux aussi, de vrais passionnés. Et puis il y a ceux qui demandent au PSG une place en tribune officielle, par hasard le soir d’un PSGMarseil­le… Il faut juste ne pas être dupe. Cela dit quoi du foot, cette mode ? Le foot est récupéré, mais le jeu en tant que tel est toujours formidable. Le match Angers-Toulouse restera comme la rencontre mythique de la saison. On peut raconter ce que l’on veut sur le foot, cela reste une évasion pour les gens qui sont en difficulté. C’est hallucinan­t le bonheur que cela apporte aux gens. Un derby de division d’honneur au fin fond de la Nièvre passionne toujours tout le départemen­t. Le coeur bat aussi vite. Je ne veux pas qu’on galvaude le football.

La proximité des joueurs, l’accès au vestiaire sans rendez-vous, cela n’existe plus. Cela a changé le métier et votre vision du milieu ? Je lutte tous les jours contre ce métier de merde qu’est agent de joueur! C’est un métier qui fait perdre la valeur du maillot, la fidélité à un club. Le principal bénéficiai­re du transfert c’est l’agent. Un agent devrait gérer et construire la carrière de son joueur. Comme l’ont fait ceux d’Aznavour ou Mireille Darc, de Platini ou de Zidane. Et puis vous avez Benzema et  personnes qui s’en occupent, pour finalement le retrouver dans des embrouille­s incroyable­s! Je trouve tout à fait normal qu’il ne soit pas au championna­t d’Europe. Il a un devoir d’exemplarit­é important pour les gamins et il se prend pour Al Capone ou Francis le Belge! Je ne sais pas comment il a été élevé, mais il y a un problème d’instructio­n et de respect.

Vous êtes un affectif. Ainsi vous n’avez jamais hésité à prendre parti pour vos équipes préférées – Saint-Etienne–, ou pour des joueurs. Vous avez soutenu Michel Platini comme personne ces derniers temps. Pas évident profession­nellement ? J’ai besoin qu’on m’aime pour aimer encore plus. Pour Michel Platini, cela a été très simple. Il ne donnait pas d’interviews mais avait des messages à faire passer. Ici, à Radio France, on a su faire la part des choses. Il y avait les collègues qui couvraient l’affaire, et moi, on m’a interrogé en tant que témoin, en tant qu’ami de Platini. On me demandait ce qu’il pensait, et je le disais. Nous avons été clairs profession­nellement. Le concernant, je reste persuadé qu’il a été négligeant, enfant gâté. Mais Michel n’est ni un voleur ni un menteur.

De Gaulle, la République et l’amitié constituen­t vos valeurs. Contrat rompu par l’équipe de France  dont vous dites qu’on ne les a pas assez « traités de voyous ». Il n’y a rien de plus important que la République. En , ils ont eu un comporteme­nt de voyous ! Ils représente­nt la France et ils décident de ne pas jouer… Ces types-là auraient dû être radiés à vie de l’équipe de France. Ils ont manqué de respect au pays. Je suis un vieux conservate­ur de  ans, et je l’assume.

Et quand vous flinguez, vous ne faites pas semblant. Vous dites de Ribéry qu’il s’est pris pour Platini ou pour Zidane. Quel mépris! C’est l’un des détonateur­s du bordel de , avec Evra. Qu’Evra soit toujours en équipe de France, je trouve cela inadmissib­le. Ribéry a côtoyé Zidane et il a cru ensuite qu’il était le taulier de l’équipe de France. C’est certes un très beau joueur, mais il n’avait pas le cerveau pour cela. Comme Benzema! Je n’en connais qu’un complet qui était aussi footballeu­r génial, c’est Maradona. Ribéry, lui, c’est Monsieur Pignon!

‘‘pour Je suis payé vivre ma passion. ” Je lutte tous les jours contre ce métier de merde qu’est agent de joueur ! ”

La France peut-elle gagner l’Euro ? Elle peut gagner parce que vous avez à la tête un tueur, qui n’a fait que gagner, et qui transmet cela. On doit au moins terminer dans les quatre premiers. Il y a une équipe et un patron. Deschamps est respecté, c’est M. Deschamps. Les joueurs le vouvoient. Quatreving­ts pour cent vouvoyaien­t Blanc et la moitié tutoyaient Domenech. Je rêve d’un FranceBelg­ique en finale.

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(Photo ALP)

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