Nice-Matin (Cannes)

Les mystérieux séjours de

Entre 1545 et 1548, le célèbre auteur de «Pantagruel» et de «Gargantua» y serait venu pour écrire et cueillir des plantes. Quand exactement ? La question divise les historiens

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Le 31 décembre 1546, un livre est condamné par la Sorbonne pour obscénité. Il contient trop de grossièret­és, de grivoiseri­es, de vulgarité, de considérat­ions scatologiq­ues. L'édition du livre a pourtant été autorisée par le roi François 1er en personne. Le titre complet de l'ouvrage est : « Tiers livre des faits et dits héroïques du noble Pantagruel, composés par Monsieur François Rabelais, docteur en médecine, et calloier des îles d'Hyères. » Le « Tiers livre » est le troisième d'une série dont les deux premiers sont «Pantagruel» et « Gargantua ». Son auteur est bien « docteur en médecine ». Rabelais a, en effet, effectué ses études à la faculté de Montpellie­r et a commencé à exercer en 1532, à l'âge de 38 ans. Il prétend aussi être «calloier des îles d'Hyères ». « Calloier » est un mot d'origine grecque qu'on peut traduire par « moine des îles sacrées ». Rabelais, auteur des graveleux « Pantagruel » et « Gargantua» était-il donc moine ? Et comment ! Il est entré dans les ordres à l'âge 20 ans, chez les franciscai­ns. Après quinze « années de moinage » - pour reprendre sa jolie expression - il a quitté ses habits de religieux pour entreprend­re des études de médecine. Il en a profité pour avoir deux enfants avec une veuve dont il était tombé amoureux. En 1540, le pape Paul III - qui auparavant avait été évêque de Vence, dans les Alpes-Maritimes - l'a autorisé à revenir dans les ordres dans le monastère de son choix, avec autorisati­on d'exercer la médecine... mais sans pratiquer d'opérations chirurgica­les. Une question se Il y a des zones d'ombre dans la vie de Rabelais entre  et . (© DR)

Une partie du « Tiers livre » de «Pantagruel» a peut-être été écrite au milieu de ces paysages maritimes. (© DR) pose : les « îles d'Hyères » dont parle Rabelais - et dont il écrit le nom avec un i et non avec un y, comme on le faisait à l'époque - sontelles bien celles que nous connaisson­s ? La réponse se trouve dans le « Tiers livre » .Dansun passage traitant de botanique, Rabelais évoque L'enfance du géant Pantagruel est décrite dans un livre que la Sorbonne condamna pour grossièret­é et obscénité. (© DR) la plante nommée « stoechas » couramment appelée «lavande» et il écrit : «Elle tire son nom des îles Stoechades qui est l'ancien nom de mes îles d’Hyères » .Iln'y a plus de doute : « Stoechades » étant en effet le nom antique de nos îles d'Hyères, c'est bel et bien de celles-ci que parle Rabelais. Et il se les approprie en écrivant affectueus­ement « mes îles d'Hyères » comme si elles étaient les siennes !

Question : à quel moment de sa Ci-dessus, Rabelais aimait venir au sein de la nature pour «herboriser». (© DR)

Ci-contre, la page de garde du « Tiers livre » dans lequel Rabelais se dit « calloïer des Isles Hières ».

vie Rabelais est-il venu y séjourner ? Pour répondre, remontons la vie de l'écrivain. Après avoir effectué ses années de monastère et être devenu médecin, Rabelais a commencé à écrire son premier livre intitulé « Pantagruel ». C'est dans cet ouvrage qu'il affirme que « Science sans conscience n'est que ruine de l'âme». Mais le livre est également rempli de grossièret­és. Décrivant le réveil de son personnage, Rabelais raconte avec une basse complaisan­ce qu' « il fientait, pissait, éructait, rotait, pétait, crachait, toussait, sanglotait, éternuait, se mouchait, et déjeunait pour dissiper les mauvaises effluves ». Cela réjouissai­t ses lecteurs ! A la suite du succès de son premier livre, Rabelais en écrit un second, « Gargantua », dont le héros est le père de Pantagruel. Rabelais s'y montre philosophe en affirmant « Qui trop embrasse mal étreint » mais profère aussi cette remarque de jouisseur : « L'appétit vient en mangeant, la soif part en buvant». Et nous voilà au moment de l'écriture du « Tiers livre ». Entre 1545 et 1548, se situent pour les historiens plusieurs zones d'ombre Rabelais a écrit cinq livres sur Pantagruel et Gargantua. Le premier, intitulé «Pantagruel», raconte l'enfance du géant, ses études, sa rencontre avec celui qui va devenir son compagnon, Panurge. Le second livre, intitulé «Gargantua», raconte les années d’apprentiss­age et les exploits guerriers du père de Pantagruel, géant comme lui. Dans le troisième, autour duquel tourne notre récit, Pantagruel consulte les plus hautes autorités dont le poète Raminagrob­is, pour savoir s'il doit se marier. Dans le quatrième, Pantagruel poursuit ses consultati­ons en compagnie de Panurge. Panurge jette à l'eau un mouton appartenan­t au troupeau d'un de ses ennemis ; à la suite de cela, tout le troupeau suit et se jette à l'eau. C'est l'épisode des «moutons de Panurge». Dans le cinquième livre, Pantragrue­l va enfin consulter l'oracle dit «de la Dive bouteille». Il obtient ce simple conseil : «Bois !»

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