Nice-Matin (Cannes)

Vintimille ne veut pas devenir Calais

En renforçant leur coopératio­n à la frontière, policiers français et italiens ont rendu « mission impossible » le passage des migrants

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Finito. Chiuso (1). Il y a un peu plus de deux semaines, les derniers bénévoles de la Croce Rossa, la Croix Rouge italienne, avaient le moral en berne. Malgré le doux soleil printanier qui baigne Vintimille ce jour-là, eux ont le coeur froid. « Le ministre nous a demandé de plier le camp, donc on s’exécute... » Le camp, c’est celui de la gare où étaient regroupés depuis presque un an, ces jeunes hommes venus d’Afrique candidats à une terre d’accueil. Le ministre, c’est Angelino Alfano, le premier flic d’Italie. Pourtant c’est de ce côté-ci de la frontière, sur le tarmac de l’aéroport de Nice, qu’il a posé son hélicoptèr­e le 7 mai. La visite ministérie­lle de Vintimille a commencé par une discrète réunion de travail avec le préfet des Alpes-Maritimes. Les deux pays, longtemps divisés sur la question migratoire, travaillen­t désormais main dans la main. A l’image des policiers qui, chaque jour depuis le rétablisse­ment des contrôles aux frontières, patrouille­nt ensemble. Une collaborat­ion étroite qui, a priori, semble porter ses fruits. A la Croix Rouge on reconnaît un peu à contrecoeu­r qu’il « ne restait plus que quelques personnes avant le démantèlem­ent... Une dizaine peut-être ». Si Alfano est venu en personne, début mai, taper du poing sur le marabout, c’est parce que selon lui « la situation d’urgence » qui avait conduit à l’ouverture du centre « n’existe plus ». Bref, le flux migratoire se serait tari.

Passages en hausse début  La police aux frontières (PAF) française a bien enregistré une baisse du nombre d’interpella­tions depuis avril. Mais elle serait toute relative. « Car, au printemps dernier nous avions été confrontés à une véritable explosion », rappelle le commissair­e Jean-Philippe Nahon. « D’ailleurs sur l’ensemble de l’année 2015, ce sont 27000 migrants qui ont été interpellé­s dans les Alpes-Maritimes. Un record historique. Et sur le premier trimestre 2016, nous avons encore constaté une hausse de plus de 70 % des flux avec 7700 arrestatio­ns. » La question de ces exodes massifs en provenance du Soudan, de l’Érythrée, mais aussi d’Afghanista­n, du Pakistan et parfois du Mali ou du Niger, semble donc loin d’être réglée. Et c’est bien ce qui exaspère nos voisins transalpin­s. Ce flux qui se heurte au rétablisse­ment des contrôles à la frontière par la France depuis le 13 novembre, se déverse irrémédiab­lement dans les rues de Vintimille. Un trop plein pour la population locale. Trop plein de misère. D’empathie aussi. Un peu de violence quelques fois. Normale lorsque la faim et la soif se frottent à la loi. Alors, dans une sorte de front républicai­n, tous les élus ligures sont montés au créneau. Faisant fi de leurs divergence­s. Qu’ils soient de centre gauche ou carrément à droite ils ont tous dit : « Basta ! » Du coup la visite d’Alfano en Ligurie était avant tout « symbolique » pour Martino Santacroce, le patron de la PAF italienne. «Leministre a en fait voulu lancer un message fort aux migrants en leur signifiant qu’il était inutile de venir jusqu’ici, on ne passe pas en France. » Et si les mots ne suffisent pas, les actions menées à la suite de cette visite ministérie­lle sont tout aussi claires. Les mouvements contestata­ires qui aident les migrants dénoncent une véritable « déportatio­n ».

Identifica­tion dans les hot spot Prises d’empreintes et photograph­ies de visages systématiq­ues. Désormais, l’Italie veut surtout ficher chaque voyageur clandestin. Et pour cela elle n’hésite pas à leur faire traverser le pays en sens inverse. Par dizaines, les migrants de Vintimille sont transférés vers des hot spot. Situés au sud de la Botte, ces centres sont destinés à l’identifica­tion des population­s qui ont fui leur pays. « Pour les demandeurs d’asile politique –notamment les Syriens et les Irakiens – c’est différent », précise le chef Santacroce. « Ils n’ont qu’à remplir une demande. S’ils répondent aux critères, le statut est accordé. Mais ils ne représente­nt qu’une part infime des personnes que nous contrôlons. » Les autres, migrants rangés dans la case « économique », se voient signifier leur avis d’expulsion. Mais le dottore Santacroce en convient : « il s’agit d’une mesure purement administra­tive. Ces personnes ont huit jours pour quitter le pays. Si elles ne le font pas, la justice peut être saisie et ordonner leur éloignemen­t forcé... Mais c’est comme en France, cela prend du temps. » Du « temps », c’est peut-être ce que cherche aujourd’hui à gagner le gouverneme­nt italien en éloignant les migrants de Vintimille sous la pression d’élus locaux qui ne veulent pas d’un petit Calais chez eux. Mais il y a fort à parier que les candidats à l’exil, après avoir décliné leur identité, reprennent très vite la route de Vintimille et... donc de la France. Qui, elle, ne pourra pas déroger éternellem­ent aux dispositio­ns de Schengen. Entretemps, ces candidats à l’exil auront été fichés. Ce qui en soit ne règle en rien la problémati­que des flux de population auxquels l’Europe est confrontée depuis 2011 désormais. Mais, comme le fait remarquer le commissair­e Martino Santacroce « ça, c’est l’affaire des politiques, pas des policiers. » 1. Fini, fermé en italien.

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C’est dans la gare de Menton Garavan que près de deux tiers des migrants sont interpellé­s.
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On ne passe plus à la frontière Saint-Ludovic de Menton.

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