Nice-Matin (Cannes)

Les migrants se heurtent

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C’était il y a quelques jours à peine. Cannes s’apprêtait à clore son 69e festival et Sean Penn à fouler ce tapis, rouge comme les flots d’hémoglobin­e déversés ce soir-là sur le grand écran de la salle des Lumières par The Last Face. Des images insoutenab­les de réfugiés mutilés par les guerres en Afrique qui n’ont pas suffi à convaincre les bonnes conscience­s « noeud pap’ ». Sean Penn s’est heurté à la critique. Tout comme Sabir et Adam, deux Soudanais de 24 et 27 ans, s’étaient heurtés, un peu plus tôt dans la matinée, à la barrière de Saint-Ludovic. Aux portes de Menton, cette frontière entre la France et l’Italie semble aussi hermétique que le festival de Cannes aux drames de ceux que l’ONU appelle pudiquemen­t les « déplacés ». Sabir et Adam font partie de ces apatrides de

‘‘ guerre qui cherchent à reconstrui­re leur vie en Europe. Ils ont fui le Darfour il y a un mois. « Là-bas les gens meurent », raconte Sabir beaucoup plus sobrement que Sean Penn. « Même à Khartoum [la capitale du Soudan] nous ne sommes pas en sécurité. » Voilà pourquoi il a fui son pays, remonté la Corne de l’Afrique jusqu’en Libye, avant de prendre la mer.

  dollars le voyage « Le bateau était petit. Nous étions environ 150 à bord. Tous ne sont pas arrivés vivants en Italie », souffle encore le jeune homme du bout de ses lèvres asséchées par le cagnard qui tape fort. Les yeux baissés, il raconte que ce voyage à haut risque lui a déjà coûté « 3000 dollars ».Sabir sait désormais qu’il lui faudra davantage pour aller au bout de son rêve. « Je veux vivre en France, m’installer à Marseille ou à Paris, faire des études, apprendre le français d’abord, trouver du travail ensuite et puis fonder une famille », résume-t-il. Pour cela encore faut-il franchir la frontière. Sabir et Adam pensaient détenir leur sésame au fond de leur poche. Avec d’infinies précaution­s, ils déplient un petit bout de papier. Le document libellé en arabe et en anglais est censé leur conférer le « statut » de réfugié et rappelle « l’obligation d’assistance » faite à ces derniers par la convention de Genève. Il n’est évidemment pas opposable en droit français. « Il y a des textes qui définissen­t les conditions d’entrée sur le territoire, rappelle le commissair­e Gilles Casanova, chargé depuis un an de la coordinati­on des services chargés de la lutte contre l’immigratio­n irrégulièr­e. Un poste créé, en septembre dernier. « On se contente de les appliquer en dehors de toute considérat­ion politique. » Or, le règlement de Dublin stipule que les demandes d’asile doivent se faire dans le premier État membre où le requérant arrive. Sa proximité avec les côtes africaines a fait de l’Italie l’une des principale­s portes d’entrée en Europe.

  candidats à l’exil en attente à Tripoli Le flot de migrants a débuté en 2011 avec le printemps arabe. Plus de 100 000 Tunisiens avaient alors déferlé sur la petite île de Lampedusa. D’autres, issus de la Corne de l’Afrique, mais aussi des Pakistanai­s, des Afghans ou encore des Irakiens, ont suivi en 2014. Ces dernières semaines, des personnes issues cette fois de pays d’Afrique francophon­e ont été contrôlées à leur tour à la frontière. Preuve, s’il en fallait pour ce fonctionna­ire français, qu’il « s’agit d’une immigratio­n avant tout économique contrairem­ent à ce que prétendent les militants associatif­s ». Quels que soient leur motif et leur origine, ces flux migratoire­s ne semblent pas prêts de se tarir. « Selon les renseignem­ents dont on dispose, confie le commissair­e Casanova, il y aurait entre 35 000 et 40 000 candidats au départ qui attendent leur tour à Tripoli. » Or, souligne le sous-préfet FrançoisXa­vier Lauch, « à chaque gros débarqueme­nt dans le sud de l’Italie, on constate dans les trois semaines qui suivent l’arrivée en nombre de migrants à Vintimille. » Des candidats au passage qui se heurtent au rétablisse­ment du contrôle aux frontières. Instauré au matin des attentats parisiens, initialeme­nt en prévision de la COP 21, il a depuis été reconduit en même temps que l’État d’urgence.

Rencontre au sommet lors de l’Expo universell­e L’important dispositif déployé sur les axes de passage permettrai­t, selon la préfecture, de « refouler neuf migrants sur dix ». De quoi créer quelques tensions de l’autre côté de la frontière. Les frictions diplomatiq­ues entre la France et l’Italie ont donné lieu à une explicatio­n au

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