Au coeur du réseau niçois d’Omar Diaby
Considéré comme le principal recruteur de djihadistes français, le Niçois Omar Diaby, alias « Omsen », aurait simulé sa propre mort. Des journalistes de France 2 ont retrouvé sa trace en Syrie
Dans les quartiers de Nice, Omar Diaby, avait été rebaptisé « Cheik Google ». Depuis la fin des années 2000 ce franco-sénégalais de 41 ans était omniprésent sur les réseaux sociaux. Les vidéos qu’il postait sous le pseudonyme d’Omar « Omsen » auraient suscité nombre de vocations. Rien que dans le quartier Bon-Voyage, une vingtaine de ses anciens copains de la cité HLM Saint-Charles, l’auraient ainsi rejoint en Syrie. Il avait fallu du temps et nombre de drames familiaux pour que les autorités prennent enfin la mesure de la menace. Diaby était devenu le principal recruteur de djihadistes français. Du moins jusqu’à ce qu’on le donne pour mort en août dernier. Touché lors de combats dans la région d’Alep, le franco-sénégalais n’aurait pas survécu. En fait, Omar Diaby lui-même, affirme aujourd’hui n’avoir jamais été blessé. Dans une interview exclusive réalisée par nos confrères de « Complément d’Enquête », l’agent recruteur niçois explique avoir mis en scène son propre décès et annonce qu’il va reprendre du service!
« Par message crypté » « Je suis mort pour qu’on éteigne les projecteurs sur moi. » C’est ce qu’affirme Omar Diaby au journaliste de France 2 qui a remonté sa trace. Depuis de longs mois, Romain Boutilly enquête sur le recruteur niçois. C’est ainsi que, de fil en aiguille, il s’est retrouvé en contact, « d’abord via les réseaux sociaux puis par messagerie cryptée », avec un homme qui se présente comme le frère d’Omar. « Petit à petit la discussion avance et assez rapidement il sort du bois. Il me dit que c’est lui, Omar “Omsen”. Évidemment je doute. Je lui pose alors des questions personnelles auxquelles seul Diaby peut répondre. Mais on ne peut jamais être vraiment sûr… » Romain Boutilly propose alors de venir le filmer lui et son groupe, en Syrie. Son interlocuteur accepte. C’est ainsi qu’un caméraman se retrouve au sein même de la katiba de Niçois dirigée par Omar Diaby dans la région de Lattaquié, à mi-chemin entre Alep et Homs, sur la côte. Une trentaine de familles vivent là, dans un campement. La plupart sont originaires de la Côte d’Azur. Il y aurait Djagar le Tchétchène, Mohammed que l’on a donné pour mort en octobre dernier, Fred le converti… Sur les images filmées par « Complément d’enquête » on les voit « tout sourire », « discuter ensemble », « jouer », « aller se baigner ».
« Plan de com’ » Mais, le journaliste n’est pas dupe: « Omar Diaby nous a sans doute montré ce qui l’arrangeait. » La rédaction de l’émission s’est d’ailleurs interrogée sur l’opportunité de diffuser ces images au risque de faire le jeu d’un véritable « plan de com’ ». « Mais, c’était aussi une occasion rare de comprendre comment Diaby recrutait et dirigeait son groupe », souligne le journaliste. D’autant que Cheik Google annonce qu’il va reprendre du service dans ce « combat médiatique » qui, pour lui, « est plus important que le combat militaire ». Il annonce la diffusion prochaine d’une nouvelle vidéo. Ou plus exactement son achèvement. Avant de se faire passer pour mort Omar Diaby promettait sur les réseaux sociaux de faire « toute la vérité sur les attentats contre Charlie Hebdo ». Dans l’interview de Complément d’Enquête il n’hésite pas à confesser qu’il « aurait voulu être choisi » par Allah pour mener cette attaque. En revanche il ne semble pas cautionner les attaques du 13 novembre dernier. Il faut dire que ces dernières ont été commanditées par l’État Islamique alors que le groupe des Niçois est affilié au front Al-Nosra et donc à Al Qaïda.
Factions rivales Or, les deux factions extrémistes sont loin de faire front commun en Syrie. Une partie des troupes de Diaby a d’ailleurs déserté il y a quelques mois pour rejoindre Daesh. Le franco-sénégalais aurait même été directement menacé par ses frères ennemis de l’État islamique. Ce qui pourrait aussi expliquer la mise en scène de sa propre mort même si, lui, livre une tout autre explication. Il affirme avoir « disparu des radars » pour pouvoir se faire soigner à l’étranger sans risquer de se faire interpeller. Ce qui n’est pas sans rappeler l’itinéraire tragique d’un autre djihadiste, Abdelhamid Abaaoud le logisticien des attaques parisiennes, qui n’avait pas hésité à se faire passer pour mort au combat afin d’échapper à la surveillance dont il faisait l’objet. On connaît la suite de l’histoire. Celle d’Omar Diaby reste à écrire. Et le recruteur français revenu d’entre les morts annonce qu’il va s’y consacrer à nouveau au risque de susciter d’autres vocations dans les quartiers de Nice ou d’ailleurs. Cette fois les « services » ne pourront pas dire qu’ils n’étaient pas au courant... JEAN-FRANÇOIS ROUBAUD
ET ERIC GALLIANO