Nice-Matin (Cannes)

MÉDITERRAN­ÉE Les grottes marines en danger

Paolo Guidetti, directeur du laboratoir­e de recherche niçois de Ecomers, étudie sur ces milieux fragiles, très prisés des plongeurs. Avant l’été, il tire la sonnette d’alarme et propose des actions pour les préserver

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Il plonge. Pas pour le plaisir. Même s’il ne se lasse pas du spectacle : « les grottes sousmarine­s sont magnifique­s », souffle Paolo Guidetti. Mais s’il se jette à l’eau, au large de Cadaquès, Marseille, Villefranc­he-sur-Mer ou de la Sicile, c’est pour étudier ces écosystème­s. Uniques mais fragiles. Ce scientifiq­ue, directeur du laboratoir­e Ecomers à l’université de Nice, s’intéresse, avec son équipe, à la biodiversi­té de la faune dans ces cavités. Depuis un an et demi, il pilote un projet qui vise à mieux connaître ces milieux afin de les protéger.

Des cathédrale­s sous-marines Combinaiso­ns et détendeurs pendent sur un portique au fond de son bureau, au 3e étage du bâtiment de sciences naturelles, sur le campus Valrose. En ce vendredi Paolo Guidetti rentre d’une plongée au large de Marseille. « On a choisi un site assez simple d’accès ». Ce n’est pas toujours le cas. « Quand le niveau de difficulté augmente, on fait appel à des experts. On a déjà perdu des collègues dans des grottes sous-marines ». Car ces cathédrale­s, plongées dans l’obscurité, peuvent se transforme­r en cimetières. « Quand les fonds sont recouverts de sédiments fins, même si on palme doucement, les particules se soulèvent. Après on n’y voit plus rien, et on est désorienté. Alors, il faut s’entraîner ou être accompagné­s par des experts. » Et reliés par un fil d’Ariane. À chaque plongée, Paolo Guidetti et son équipe auscultent ces milieux. Pas de stéthoscop­e pour ces biologiste­s, mais une feuille et un crayon recouvert d’une housse étanche. C’est là qu’ils consignent leurs observatio­ns et recensent la population d’un petit poisson au coeur de leurs travaux: l’apogon. « Le jour ils vivent dans la grotte, et la nuit ils sortent pour se nourrir dans les herbiers de posidonies, dans la colonne d’eau… Ces poissons rouges contribuen­t, par leurs déjections, à nourrir la grotte ».

État de santé préoccupan­t Pour quantifier la densité des “apogons” mieux vaut avoir le coup d’oeil et l’expérience. « C’est un recensemen­t visuel, une technique mise au point par des chercheurs marseillai­s, les Harmelin, dans les années soixante-dix. » Un travail qui requiert une année d’entraîneme­nt et une pratique régulière. Depuis un an et demi, l’équipe d’Ecomers enchaîne les plongées pour ce projet financé par la fondation Total. De quelques mètres jusqu’à 30 mètres de fond. Et l’état de santé de certaines grottes les préoccupe. « Quand, dès notre entrée, on aperçoit au fond des débris de corail, c’est le signe que des colonies ont été abîmées par des plongeurs qui sans doute, ne sachant pas bien s’équilibrer, ont dû taper sur la voûte ou la paroi ». Autre conséquenc­e de la fréquentat­ion de ces spots très prisés des plongeurs : les bulles d’air qui s’accumulent sur les parois. « Quand la roche est poreuse, elles pénètrent, mais lorsqu’il s’agit d’une voûte granitique, les bulles peuvent rester des jours, voire des mois et ça forme des nécroses, de grandes tâches blanches. » Les chercheurs ont mis en place des indices, afin de mesurer l’impact des plongées sur la biodiversi­té des grottes marines. Et ils comptent bien apporter leur pierre à l’édifice du respect de la biodiversi­té. « Un résultat scientifiq­ue qui reste dans un tiroir, ça ne sert à rien », insiste Paolo Guidetti. Aussi a-t-il la ferme intention de poursuivre son projet par de la pédagogie et de la formation auprès des clubs de plongée. Il a déjà esquissé trois pistes pour préserver ces systèmes fragiles.

SOPHIE CASALS scasals@nicematin.fr

 ??  ?? L’équipe du laboratoir­e Ecomers de l’université Nice Sophia Antipolis, étudie la biodiversi­té de la faune des grottes marines. Ils plongent au large de Cadaquès, Marseille, ou Villefranc­he-sur-Mer. (Photos Alexis Pey)
L’équipe du laboratoir­e Ecomers de l’université Nice Sophia Antipolis, étudie la biodiversi­té de la faune des grottes marines. Ils plongent au large de Cadaquès, Marseille, ou Villefranc­he-sur-Mer. (Photos Alexis Pey)
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L’apogon vit dans ces écosystème­s fragiles.
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