« Un besoin de reconquérir l’espace médiatique »
Questions à Jean-Charles Brisard, président du Centre d’Analyse du Terrorisme
Etes-vous surpris de découvrir un Omar Diaby bien vivant? On est toujours surpris par ce type d’annonce. Omar Omsen a été un pionnier et est une figure emblématique du djihad français, l’un des principaux recruteurs pour Jabhat alNosra, la branche d’al-Qaïda en Syrie. Mais cela reste une demisurprise dans la mesure où, depuis quelques années, certains individus simulent leur mort sur le terrain des opérations. Certains le font pour rentrer dans leur pays d’origine et y commettre des attentats, afin que les services de renseignement relâchent leur vigilance, comme Abdelhamid Abaaoud et d’autres membres du commando [du -Novembre, ndlr].
Omar Diaby affirme avoir agi ainsi pour être hospitalisé à l’étranger... C’est une explication tout à fait crédible. Certains le font pour être soignés dans des pays voisins, comme la Turquie, sans éveiller les soupçons.
Omar Omsen était-il par ailleurs menacé, comme le pense le journaliste David Thomson? Il est vrai qu’Omar Omsen, fondateur de l’une des principales katibas francophones, a vu ses rangs partir progressivement vers l’Etat islamique en -. Sa katiba était décimée, et Omsen avait peur de répercussions de la part de l’EI. On le savait menacé, de la même manière que son second, Mourad Fares. Lui a regagné la France en annonçant son retour.
Selon vous, quelle est la stratégie de Diaby? Veut-il recruter de plus belle ? Ou refaire parler de lui parce qu’il était en perte de vitesse? A l’heure où l’EI subit des revers militaires, territoriaux, financiers, un Diaby pense sans doute pouvoir reprendre du service et amplifier ce qu’il a déjà entrepris. Une nouvelle campagne de recrutement n’est-elle pas plus compliquée désormais? Il est vrai que l’action de la coalition a créé un facteur de dissuasion. D’ailleurs, on voit que les départs sur zone se sont stabilisés depuis fin . Omar Omsen a été l’un des principaux recruteurs pour Jabhat al Nosra, mais les conditions sont-elles réunies pour qu’il réitère cette opération? Difficile à évaluer...
N’est-ce pas surprenant de voir un groupe djihadiste ouvrir ainsi ses portes aux caméras? Non, car une organisation comme Jabhat al Nosra a besoin de reconquérir l’espace médiatique, de redorer son blason en profitant de l’affaiblissement de l’Etat islamique. Tous ces groupes commencent à souffrir d’un tarissement de leurs sources de recrutement.
Diaby n’incarne-t-il pas la faillite des dispositifs de surveillance? On ne peut plus parler de surveillance, puisqu’il était à l’étranger, en zone de guerre en l’occurrence. Pas sûr que les services de renseignement aient pris au mot l’annonce de sa mort... Ils sont de plus en plus prudents face à de telles annonces. Diaby n’avait d’ailleurs pas été rayé des listes de djihadistes français. Ce reportage peut-il être riche d’enseignements? C’est toujours riche d’enseignements pour les services de police, malgré la part de propagande non négligeable.
Cette vraie-fausse mort a-telle pu servir à préparer des attentats sur le sol français? Jusqu’à présent, Jabhat alNosra n’a jamais tenté d’attentat sur le sol européen. Mais puisqu’elle s’inscrit dans la stratégie d’al-Qaïda, on ne peut pas écarter une telle possibilité. PROPOS RECUEILLIS PAR
CHRISTOPHE CIRONE