Nice-Matin (Cannes)

Griezmann divise les siens

Patrice Evra, surnommé ‘‘Tonton Pat’’ chez les Bleus, dispute à 35 ans l’un des matches les plus importants de sa carrière

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Mon mental est solide parce que j’ai grandi dans un quartier », aime raconter Patrice Evra quand on lui rappelle qu’il s’est toujours relevé. A 35 ans, le latéral gauche de l’équipe de France (79 sélections) s’apprête à disputer sa première finale avec l’équipe de France. Le doyen est indispensa­ble à la vie interne. Il y a quelques semaines, son coéquipier à la Juventus Turin et en sélection, Paul Pogba, résumait d’ailleurs ce sentiment général en conférence de presse : « Évra, c’est le patron, le leader. Il n’a pas besoin de porter le brassard pour ça ». Le brassard, ‘‘Tonton Pat’’ l’a porté en 2010. En Afrique du Sud. A Knysna. Comme les Bleus, il a sombré. Mais lui s’est relevé. Dans une tribune publiée en octobre 2013 dans Le Monde, François Manardo, ancien chef de presse des Bleus, écrit : « Evra accorda à ce brassard une telle importance – mais qui l’aurait alors blâmé ? – que le poids de ce bout d’étoffe se transforma rapidement en boulet. » Depuis, c’est Hugo Lloris qui en a hérité. Evra a gardé le reste. La compétitiv­ité, l’envie de gagner, les mots justes, au bon moment. Avec le gaucher, tout se fait au mental. Normal quand on connaît son parcours atypique. Natif des Ulis, comme Thierry Henry et Anthony Martial, Evra a mis plus de temps que ses voisins prestigieu­x pour se mettre au football. Jeune, il joue meneur de jeu et se rêve en Romario mais les essais sont infructueu­x (Rennes, PSG, Toulouse)... Pas de centre de formation pour le jeune gaucher du 91 mais un tout droit vers la D3 italienne, à Marsala dans l’Ouest de la Sicile, sur les conseils d’un pizzaïolo qui met du beurre dans ses épinards en scoutant pour des taules italiennes ! Sur l’île, Evra est le seul joueur de couleur de l’effectif. Il découvre le racisme ordinaire et la rigueur italienne. Dans la foulée, il file à Monza avant d’arriver à Nice en 2000. Très vite, il se heurte au coach local, l’Italien Sandro Salvioni, un mec à l’ancienne.

Meilleur latéral gauche de D avec Nice

La première fois qu’il rencontre Salvioni, il oublie d’enlever sa casquette et l’Italien ne plaisante pas avec les principes : « Il ne s’était pas découvert. Et m’avait serré la main sans même me regarder. Il était hautain, limite dédaigneux. La première impression n’avait pas été très bonne » confiait Salvioni dans NiceMatin. « Patrice était alors attaquant, mais je voulais qu’il joue sur le côté gauche et qu’il apprenne à défendre, raconte le coach italien dans So Foot. Lui refusait. La première saison, je l’ai envoyé en CFA. S’il ne trouvait pas l’humilité d’apprendre et de participer aux phases défensives, il ne pourrait pas jouer ». C’est là qu’Evra change. Il devient un homme et joue arrière gauche. C’est une révélation. Salvioni en est tout retourné : « Il s’est transformé. Il est humble, respectueu­x, poli. C’est un homme. Et le joueur va aller plus loin, plus haut » affirme-t-il dans dans nos colonnes, le 27 avril 2002. Visionnair­e. Le garçon termine la saison dans l’équipe type de D2 et suscite l’intérêt du voisin monégasque qui l’engage en 2002. Il a 21 ans. Dans un vestiaire composé de vieux briscards, Evra fait figure d’Ovni. C’est un vétéran dans un corps de gamin. Il mêle humour et mots durs pour recadrer tout le monde. « C’est un garçon qui voulait réussir. Il se remet sans cesse en question. Il ne se cache jamais derrière un copain, il a toujours assumé. Il a la force de ne jamais douter même lorsqu’il fait un match moins abouti », se souvient Jean Petit, adjoint sur le Rocher à l’époque. Monaco, c’est surtout la rencontre avec Deschamps. Les deux sont passés par l’Italie et DD veut que son latéral gauche soit fiable, donc indispensa­ble. Le courant passe très vite. Il passe encore aujourd’hui. « Il y a sans doute un lien spécial avec Didier. Moi, j’ai besoin d’un feeling avec un sélectionn­eur, car je suis prêt à laisser ma vie pour lui », déclarait Evra dans les colonnes du JDD avant l’Euro. Après quatre saisons incroyable­s sur le Rocher, le gaucher rejoint finalement Manchester United où il va encore franchir un cap avant de rallier Turin. Aujourd’hui, ‘‘Tonton Pat’’ s’apprête à disputer le match le plus important de sa carrière. « En cas de victoire, je lui conseille de partir par la grande porte. Qu’il ne fasse pas les années de trop en équipe de France », conclut Jean Petit. MATHIEU FAURE (AVEC

VINCENT MENICHINI) Il est devenu le symbole de cette équipe de France. A  ans, Antoine Griezmann a pris une nouvelle dimension durant cet Euro à tel point que l’on évoque son duel du soir contre Ronaldo comme celui de deux candidats potentiels au futur Ballon d’or. Pour le joueur de l’Atlético Madrid, cette finale est aussi une affaire de famille, puisque le Portugal représente le pays de sa famille maternelle. Isabelle, la maman, née Lopes, est une fille d’immigrés portugais qui a atterri en  du côté de Mâcon, en Bourgogne. Amaro, le grand-père, a même été footballeu­r profession­nel à Paços de Ferreira. Il est décédé lorsque son petit-fils était âgé d’un an. Marquée par la culture lusitanien­ne, la branche maternelle d’Antoine aura le coeur partagé durant cette finale. L’un de ses cousins est allé jusqu’à se faire tatouer la croix portugaise sur le mollet. Grizou rassemble les Français, mais ‘‘divise’’ les siens… A l’arrivée, s’il brille de nouveau, tout le monde y trouvera son compte. V.M.

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