Nice-Matin (Cannes)

Gignac, le maudit

EUR 2016 L’ancien joueur de l’OM avait le but du titre au bout de son pied droit à la 90e minute. Sa frappe a touché le poteau de Rui Patricio. Une action qui a tout changé. À jamais

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quoi ça tient, au fond, une vie ? À des détails. Des centimètre­s. De la chance. Ou de la malchance. 90e minute sur la pelouse de Saint-Denis. André-Pierre Gignac récupère un ballon dos au but, dans la surface portugaise. Il a Pepe dans son dos. Pepe, le défenseur du Real Madrid, vainqueur de la dernière Ligue des Champions et présenté comme le meilleur stoppeur de cet Euro. Dédé crochète, se retourne, enrhume le défenseur comme personne ne l’a fait depuis une éternité. Pepe est au sol. Terrassé. Gignac est face au but de Rui Patricio, il frappe… Dans l’enceinte dionysienn­e tout le monde s’est levé. Y compris en tribune de presse. S’il marque, c’est terminé. La France est championne d’Europe. La balle quitte la godasse de Gignac… et fracasse le poteau avant de s’éloigner de la ligne de but. Putain de poteau même s’il n’est pas carré, pour une fois. André-Pierre Gignac aurait pu devenir un héros du peuple français. Un mec qui donne le plus beau des trophées au plus important des moments. Mais le football est aussi cruel que bandant. Au coup de sifflet final, André-Pierre Gignac est resté longtemps allongé sur la pelouse, le regard perdu, il repensait à son poteau. À cette 90e minute qui dure une éternité. Le rapport au temps, quand on joue une finale, est anormal. En tribunes, son père avait fait tomber les lunettes de soleil sur son nez. Son fils était toujours assis dans André-Pierre Gignac a touché du bois dans les dernières secondes du temps réglementa­ire. Un tournant.

le gazon. Seul. Le regard noir.

Il partait de si loin

Il y a un an, André-Pierre Gignac quittait l’OM pour le Mexique et les Tigres de Monterrey. D’aucuns s’étaient moqués de ce choix exotique. D’autres saluaient l’envie du jeune homme de 30 ans d’évoluer dans un vrai pays de football où les stades sont colorés et bruyants. 32 buts, un Ballon d’or mexicain et une suspension de Karim Benzema plus tard, « APG » retrouvait l’équipe de France. Un peu par défaut, il est vrai. « Dans ma

tête j’avais 95% de chance de renoncer à l’équipe de France », disait-il avant l’Euro. Mais l’homme s’en fout. Il prend ce qu’on lui donne. C’est d’ailleurs la première fois qu’un joueur évoluant hors d’Europe était sélectionn­é chez les Bleus. Un coup donné au destin, une fois de plus. Hier, à Saint-Denis, le destin n’a pas été très tendre avec ce grand gaillard. Souvent apprécié pour son franc-parler, son amour du football et sa capacité à rebondir, Gignac s’avance aujourd’hui vers l’inconnu. Comment se relever d’un tel coup du sort? En 2006,

David Trezeguet avait eu toutes les peines du monde à surmonter son tir au but manqué en finale de Coupe du monde contre l’Italie. Dix ans plus tard, c’est un autre avant-centre des Bleus qui a vu sa tentative heurter un montant en finale d’une grande compétitio­n internatio­nale. À quelques centimètre­s près, Gignac aurait tout changé : de statut, de carrière, de vie. Là, il va devoir composer avec ça. Et se relever. En champion. A quoi ça tient un match de football… MATHIEU FAURE,

À SAINT-DENIS « CETTE VICTOIRE DU PORTUGAL EST MÉRITÉE »

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(Photo Epa)

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