Nice-Matin (Cannes)

Didier déchante

EUR 2016

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La chance est une garce. Elle a abandonné son vieux compagnon au plus mauvais moment. Hier, à 23h30, Didier Deschamps était seul au monde. Seul et désemparé. Lâché, largué par cette réussite qui l’accompagna­it depuis si longtemps. Sans sa bonne étoile, la nuit n’avait jamais paru aussi noire. Le premier signe de cette soirée fut pourtant positif. Cristiano Ronaldo au tapis après seulement 24 petites minutes : on était en droit de se dire que le bol d’or de DD avait encore frappé. Bienveilla­nt, il vint même se recueillir quelques secondes sur la civière du malheureux. Dix-huit ans après, la malédictio­n tombait de nouveau sur un Ronaldo, un soir de finale au Stade de France. Il ne fallait pas se frotter les mains. Ça porte malheur... La suite allait s’éloigner de France-Brésil 1998 et de l’extase collective. Vous avez vu ce match contre des Portugais vilains comme jamais sans leur beauté fatale ? Un pensum. 120 minutes d’horreur. Dans sa maison de Cassis, Michel Platini a dû casser sa télé. Les ‘’Portos’’ lui avaient donné du fil à retordre en 1984, mais ils avaient quitté Marseille et le Vélodrome et l’Euro avec trois pions dans la valise en carton. On avait vu du jeu, des joueurs en feu, un suspense de fou et un final de rêve. Ce ne fut pas le cas lors de cette soirée énervante, stressante puis désespéran­te. Avec un peu de recul, on se dit que DD avait sûrement égaré sa bonne fortune et sa patte de lapin. Parce que même ses changement­s (Coman, Gignac) n’ont rien changé. Un problème de nez bouché ? DD a perdu. Comme quoi tout arrive. Lui, l’amant de la victoire, l’aimant à trophées a quitté le Stade de France les mains vides. Le coeur gros. Et la tête pleine de regrets. «On a raté la dernière marche. C’est dur. C’est cruel. On aurait voulu offrir la Coupe et le bonheur aux Français. Mais on a manqué de mouvement, de fraîcheur et de lucidité. On me dit que l’Euro est beau... Mouais ! Il aurait pu être magnifique. Ce n’est pas le cas. On avait une chance unique de marquer l’histoire. C’est raté. Je suis déçu », a soufflé DD. Finalement, son équipe ne lui ressemble pas. Sinon, elle aurait gagné. À l’arraché, dans la douleur, sur le fil, mais aurait été sacrée championne d’Europe. Comme il le fut en 2000. Mais les Bleus de 2016 n’ont que des faux airs de leur sélectionn­eur. Ils ont plus de hargne que de talent. Plus de bravoure que d’imaginatio­n. Ça s’arrête là. Et puis, il manque un grand joueur. Désolé pour ses fans, mais Griezmann n’est pas encore de taille. Il est loin, très loin, de Platini et de Zidane. Sans génie, l’équipe de France n’a jamais été géniale. Encore moins lors de cette finale ratée. Perdre au SDF contre le Portugal sans Cristiano Ronaldo est une faute. Une rature. Un péché. Un regret éternel. DD le sait. « Y’a pas de mot » a-t-il conclu. Il a très vite enlevé sa médaille. Il a caché ses larmes. Il était triste. Il était seul. Il déteste la défaite. Surtout les soirs de juillet. La chance est une garce. Toute la France se demande pourquoi elle l’a quitté. Pas maintenant. Surtout pas maintenant.

PHILIPPE CAMPS

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Photos AFP
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